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Jean-Manuel Traimond
La Vie ouvrière. Les Puces
Guide méchant [et parfois moche] de Paris
Article mis en ligne le 2 juin 2011
dernière modification le 31 mai 2011

Le marché Malassis commémore les mal-assis, les zonards c’est-à-dire les habitués de la « zona non aedificandi » de 250 m de large tout au long des fortifications de Thiers, qui devait permettre de voir venir le Prussien et de le mitrailler sans détruire de maisons de compatriotes. Vite occupée par les pauvres, elle a donné naissance à l’expression « la zone ».

Anna Paslaindraumes, dans Rotor ou L’Eternel Retour, évoque les zonards
« proposant au chaland leur maigre drouille, où les biffins récupéraient les chiffons dont on faisait du papier, les os à transformer en colle, gélatine, et noir animal, la laine sale dont on extrayait du sel ammoniac, les croûtes de pain avariées que les charcutiers rôtissaient pour en enlever l’odeur et en faire de la chapelure, les boîtes à sardine dont le métal [1] renaissait en jouets, les omoplates animales dans lesquelles on taillait des boutons d’ivoire, les tessons de bouteille qui, broyés, se collaient au papier de verre, les têtes de faisans revendues aux restaurateurs désireux d’anoblir leurs dindes, les lapins blancs revendus aux fourreurs manquant d’hermines. »

Romain Vernaison, concessionnaire de la location de chaises aux Tuileries, modifia le local où il entreposait ses chaises et en 1920 ouvrit le premier marché couvert des Puces, offrant contre loyer l’abri aux brocanteurs. Malik Hajrullac, véritable Albanais et faux prince, lança le deuxième. Amadeo Cesana, vénitien et inconnu, monta Jules-Vallès. Alain Serpette, fils d’un pucier enrichi dans le commerce des armes de collection, acheta un garage pour ouvrir Serpette : ces marchés sont à présent rachetés par d’aussi sérieux consortiums financiers que La Hénin, car, de nos jours, les Puces enregistrent quatre cent millions d’euros par an de ventes, déclarées.

Depuis au moins les années 1980, voire les années 1970, les Puces ne proposent plus guère quoi que ce soit d’antérieur au XIXe siècle : tout est parti pour décorer les résidences texanes.

La disparition du rideau de fer procura une brève bouffée d’oxygène, le temps que les antiquaires itinérants récurent fermes slovaques et caves polonaises, récupérant anges gothiques, bois baroques et tableaux romantiques. En 2005, les antiquaires enseignent aux clients que seul
le style Napoléon III est véritablement beau.


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