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Jacques Langlois
Le Groupe Carlyle
Article mis en ligne le 25 décembre 2006
dernière modification le 27 décembre 2006

Caractéristiques.

C’est un fonds d’investissements privés, créé en 1987 et devenu connu en Europe en 1999. C’est le plus important au monde avec 13 milliards de dollars d’actifs et de participations, 164 sociétés (67 % en Amérique du Nord), 70 000 salariés. Il est soutenu par 450 institutions : banques d’affaires, sociétés d’assurance, fortunes privées (des émirs Arabes pour beaucoup), des fonds de pension tels celui de Californie (Calpers) ou des enseignants du Texas.

Ce fonds n’est pas coté en bourse, ce qui lui permet de ne pas publier la liste de ses actionnaires et alliés. Son siège social est situé à Washington pour être près des grands décideurs US et de l’actuelle administration Bush.

Il revendique un ROI (retour sur investissement) de 34 % par an ! Sa technique favorite d’investissement (à 65 %) est le LBO (leverage buy out) ou effet de levier. Cela consiste essentiellement à emprunter aux banques d’affaires pour acheter une participation de contrôle dans les entreprises qu’il veut diriger

Les actifs ou participations.

La stratégie du GC consiste à investir dans les secteurs les plus porteurs de commandes d’Etats. Ainsi le GC prend de solides participations dans les domaines suivants : défense, armement, aéronautique, sécurité (par exemple, radars, systèmes de détection ou de guidage, moteurs d’avion) ; industries de l’électronique et de l’informatique (satellites, ADSL, télécommunications, téléphonie) ; biotechnologies et génie génétique (GC s’est payé le principal laboratoire US contre l’anthrax, travaille dans les armes bactériologiques). Depuis quelques temps GC intervient dans la presse (presse professionnelle, comme l’Usine Nouvelle, avec 70 titres possédés, grande presse avec l’achat du Figaro revendu ensuite à Dassault, ou 20 % dans le capital de Libération), les médias (rachat de Vivendi International Publishing), le commerce électronique. Il investit aussi dans l’immobilier (hôtels de luxe, buildings d’affaires, centres commerciaux connectés à l’ADSL). Insistons cependant sur le fait que GC investit surtout dans les industries duales : à finalités civile et militaire, à intérêts publics et privés, comme c’est souvent le cas aux USA qui pratiquent aisément le mélange des genres et les allers-retours administration-privé.

La technique consiste à cibler des entreprises valorisables rapidement mais en difficulté passagère (comme OTOR, filiale du papetier La Chapelle d’Arblay avec laquelle il y a procès en cours) ou sous-capitalisées. Ces dernières proviennent souvent d’ex firmes d’Etat opportunément privatisées, alors qu’elles ne sont guère rentables, au nom de l’idéologie libérale du retrait des pouvoirs publics de toute activité économique, même quand elle est aussi stratégique que celle de l’armement. Sont aussi sous-capitalisées de nombreuses PME innovantes car les banques européennes ne les financent pas vu qu’elles ont horreur du risque. Elles préfèrent leurs commissions sur les OPA et la tonte des petits clients. GC peut ainsi saisir des occasions porteuses de profits futurs liés à leurs spécialités de haute technologie.

Et après la prise de participation de contrôle, il n’y a plus qu’à utiliser les nombreux procédés de rentabilisation des entreprises : profiter des synergies en les fusionnant, dégraisser (downsizing), resrtucturer (re-engeneering), etc. Et après 5 ans de bénéfices, les revendre avec une solide plus-value. GC est donc aussi un fonds spéculatif qui contribue largement à déstabiliser les marchés du capital financier. Mais cela déséquilibre aussi les entreprises et leur personnel. Cela empêche désormais l’Europe de coordonner ses investissements de défense, en mettant nombre d’entreprises sous le contrôle anglo-américain et en encourageant les petits pays européens sans industrie militaire ou connexe à se regrouper dessous le parapluie US. Au point que certains s’alarment de cette guerre économique cachée et de cette dépendance de l’Union européenne non seulement dans le domaine militaire mais aussi dans les industries de pointe et de haute technologie. Ainsi, GC a acheté le groupe suédois de défense Bofors ou le DERA britannique, laboratoire de recherche en matière de détection, de radars, de sécurité.

Un fonds pas si privé que cela.

GC, en fait, bénéficie d’un grand soutien de ce qu’il faut bien appeler le complexe militaro-industriel des USA. Le groupe est le champion du lobbying. Il finance massivement les campagnes électorales des républicains (sans avoir tout à fait oublié Clinton avant les deux frais de Bush qui lui doivent beaucoup). Il organise le remplissage de son comité exécutif avec des excellences étatico-administratives qui y pantouflent ou y trouvent une riche retraite, car elles y amènent leur carnet d’adresses et leur réseau de relations à influencer en fonction de ses intérêts. Le fonds est très lié au Pentagone qui passe des commandes à ses filiales (exemple des véhicules blindés Bradley ou des armes Crusader, ou encore du laboratoire qui fabrique le médicament contre l’anthrax. Le profil des excellences est international : James Baker, George Bush père, Etienne Davignon (ex ministre belge des relations extérieures), Franck Carlucci (ex directeur de la CIA, mêlé à l’assassinat de Lumumba en 1961)), John Major, ex premier ministre anglais, Fidel Ramos, ex président des Philippines, Park Tae Joon, ex premier ministre de Corée du Sud, Henri Martre, ex président de l’aérospatiale, etc. Les conflits d’intérêts ne gênent pas ces messieurs et le groupe en vit. En même temps cela laisse beaucoup à penser sur la réalité de nos belles démocraties représentatives.

Comme cela, le groupe profite des commandes publiques et de la politique interventionniste et antilibérale des USA pour protéger leurs industries stratégiques. Une loi américaine exige le feu vert d’une administration de contrôle pour acheter une firme sensible US. Que fait l’Europe ? de l’hyperlibéralisme... Le fonds investit à court terme sauf dans un domaine : les industries liées à la défense. Son fleuron est United Defence qui, comme par hasard, bénéficie de moult commandes du Pentagone. On a pu aller jusqu’à dire que GC était la banque de la CIA et qu’il avait créé les conditions de la deuxième intervention en Irak où il truste les marchés publics de sécurité.

Ce réseau de politiciens et de très hauts fonctionnaires est complété par celui des banques d’affaires : Citybank, Morgan, Crédit agricole (eh oui), Deutsche Bank, Royal Bank of Scotland, Crédit suisse.

Opacité.

Le GC est une cascade de filiales, de holdings, de participations plus ou moins croisées, ce qui rend impossible de savoir qui est actionnaire et de quoi, quelle firme en domine une autre « à l’insu de son plein gré ». Ainsi, on a découvert après le 11 septembre 2001 que la famille Ben Laden avait placé 2 millions de dollars chez une filiale de Carlyle !

Le GC affectionne les paradis fiscaux, ce qui rend « intraçable » la circulation de ses capitaux. Les investissements en Europe passent par le Luxembourg, les îles Guernesey, les îles Cayman, etc. paradis souvent sous domination britannique.

Et saluons la pauvre mémoire du grand poète auquel Carlyle a volé son nom !


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