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Jean-Manuel Traimond. Photos Christiane Passevant
Notre-Dame. Deux erreurs à ne pas commettre
Guide méchant [et parfois moche] de Paris : les églises…
Article mis en ligne le 26 septembre 2010
dernière modification le 25 septembre 2010

Y a-t-il deux lesbiennes dans un bas-relief du côté Nord de la clôture du chœur ?

Car une femme y palpe le sein d’une autre femme ! Il s’agit de la Visitation, lorsque la Vierge enceinte rendit visite à sa cousine Élisabeth. Celle-ci lui tâta le ventre, histoire de s’assurer de la santé de l’enfant à naître.

Toutefois, le Moyen-Age considérait le mot « ventre » moins poli que le mot « sein ». D’où les instructions données au sculpteur, et cette regrettable confusion.

On ne saurait non plus accorder crédit à la théorie selon laquelle, si le chœur d’une église représente bien une tête, les bras du transept des bras et la nef un corps, les deux tours élevées et le portail en amande font de la cathédrale une femme les jambes en l’air.

Les gargouilles

Les gargouilles, de la même racine latine qui a donné en espagnol garganta, la gorge, et en français gargouillis ou gargarisme, ont la gorge grande ouverte pour pouvoir évacuer l’eau de pluie qui, sans elles, coulerait sur les murs.

La justification théologique de la présence de ces démons au flanc des églises a été rappelée par M. Tératostomos dans Morceaux choisis de Saint-Jean Bouche d’Or : « Les gargouilles sont des démons. Que sont les démons ? Des anges déchus. Que sont les anges déchus ? Des créatures de Dieu. Qu’a dit Jésus ? « Chacun est le bienvenu dans la maison de mon Père » Qu’a-t-il voulu dire ? Que les créatures de Dieu sont les bienvenues dans la maison de Dieu. Donc les démons aussi devraient être les bienvenus dans la maison de Dieu. Hélas, ces pécheurs refusent de se repentir. Aussi sont-ils mis à l’extérieur dans une posture humiliante, consistant à recracher l’eau absorbée postérieurement. »

Selon Ivan Illich, dans Le Genre Vernaculaire : « Dragons et kobolds, basilics et hommes sauvages furent expulsés des nefs alors que l’architecture passait du roman au gothique. Les piliers amincis et étirés ne leur offraient plus de logement. Mais, à l’extérieur, ils continuèrent de s’accrocher à l’église pendant plus d’un siècle. Ils furent les gargouilles suspendues au-dessus du vide, comme prêtes à prendre leur vol, leurs mufles fantastiques dégorgeant l’eau. Les théologiens, tout absorbés par la conscience, ne pouvaient plus les bénir. (…) Mais les gargouilles s’envolèrent effectivement et, pendant trois siècles, elles allaient hanter les campagnes, devenant des créatures inouïes ; saints défroqués, martyrs au pied bot, dragons aux ailes rognées, qui se comportaient comme des troupes d’animaux domestiques retournées à l’état sauvage, comme des chats errants dans une ville bombardée. Ces étranges esprits firent surgir une nouvelle sorte de prêtres, qu’on appelle généralement sorcières. »

Une allégorie inhabituelle

Admirons la rosace sud. En dessous de celle-ci, une galerie refaite au XIXe, selon un modèle médiéval. Dans les quatre panneaux centraux on aperçoit non un seul personnage, mais deux. Et les personnages supérieurs sont assis sur les épaules des personnages inférieurs ! Du saut dans l’épiscopat, par Horace Léon, nous sauve : « Qui sont ces gens jouant à saute-mouton dans une cathédrale ? Les quatre personnages inférieurs sont les quatre prophètes juifs qui ont mentionné le Messie, le sauveur à venir. Les quatre personnages supérieurs sont les quatre évangélistes, qui ont parlé du sauveur déjà venu. Il s’agit curieusement d’une défense des Juifs due à Saint Bernard selon lequel si les chrétiens voient plus loin (ils voient le salut) que les Juifs, c’est parce qu’ils ne sont que des nains montés sur les épaules de géants. »

Une importante relique

La tradition rapporte (les Règles de style à l’usage des fonctionnaires des Relations Extérieures, de M. Léon, enseignent que « le mot tradition est d’usage lorsque, pour qualifier une source ancienne, on n’ose utiliser ni histoire ni légende ») que la mère de l’empereur Constantin, Sainte Hélène, eut une vision. Dieu le Père lui intima d’aller à Jérusalem chercher les instruments de la Passion de son fils. À Jérusalem, Sainte Hélène se heurta à la défiance des Juifs. Elle jeta l’un d’eux dans un puits sec pendant sept jours et sept nuits, afin qu’il lui révèle où étaient enterrés les instruments de la Passion. Au matin du huitième jour, le malheureux se résigna à collaborer avec l’occupant. La tradition ajoute qu’il se convertit en constatant que la vraie croix guérissait l’eczéma de sa tante Sarah.

Les Saintes Reliques, devenues possession d’Empire, furent proposées au XIIIe siècle à Venise comme garanties d’un prêt destiné à payer les mercenaires protégeant Byzance des musulmans. Byzance ne remboursa pas. Venise vendit alors la couronne d’épines de Jésus-Christ, authentifiée par la tradition, au plus confiant des rois de l’époque, Saint-Louis. Celui-ci édifia la Sainte-Chapelle pour l’abriter.

Après la révolution française, un prêtre affirma qu’il avait assisté à la destruction des reliques de la Sainte-Chapelle et dérobé l’un des brins de la couronne d’épines tombé sur le sol. Cette révélation sensationnelle poussa à la recherche des autres brins. On les retrouva aux archives nationales. Des dizaines d’ecclésiastiques affirmèrent sous serment que les brins des archives nationales ressemblaient trait pour trait aux brins qu’ils avaient vénérés trente ans plus tôt. On garde à présent la couronne d’épines à Notre-Dame où on la vénère publiquement chaque vendredi saint. Horace Léon, dans Une question épineuse, demande : « S’il s’agit de la véritable couronne du Christ, pourquoi l’Eglise ne transforme-t-elle pas Paris en Lourdes-sur-Seine ? »

Le premier saint porteur de tête

On remarque dans le portail nord de Notre-Dame une statue de Saint Denis portant sa tête dans ses mains. Le premier chrétien arrivé à Paris, devenu le premier évêque de la ville, se serait appelé Denis et fut décapité à Montmartre. Saint Denis devint donc le saint patron de Paris.
Une fois Paris devenu capitale de la France, Saint Denis devint le saint patron des rois de France et de la France elle-même.

Lorsque à partir des Carolingiens, la monarchie française s’affermit, les rois de France souhaitèrent être enterrés près de leur saint patron. Donc, pour obtenir d’enterrer les rois, il fallut prouver qu’on avait enterré le saint. Or une inhumation royale rapportait beaucoup à l’église élue. Plusieurs établissements religieux prétendirent posséder la dépouille rémunératrice. L’établissement qui gagna fut l’abbaye St-Denis, grâce à Hilduin, auteur d’une Vie de Saint-Denis.

Il décrit la mort du saint, agenouillé. Un coup de glaive, sa tête roule à terre. Mais Saint Denis ramasse sa propre tête et se relève ! Madame Du Deffand, à qui l’on racontait ce miracle, eut ce mot, devenu proverbial : « il n’y a que le premier pas qui coûte ». Et on lit dans le Catéchisme du Curé Meslier (Brochures Caserio) le curé qui jamais ne crut et le confessa dans son testament, ceci : « Qu’est-ce qu’un Martyr ? Un homme qui a perdu la tête, ou qui n’en a jamais eu. »

La tête continue à prêcher l’évangile, quoique sans poumons. Puis Saint Denis escalade Montmartre, va se laver la tête dans une fontaine, et parcourt cinq kilomètres, prêchant toujours. Enfin, il freine. Il exige qu’on l’enterre là où il s’est arrêté. Sur le site même où sera édifiée l’abbaye de Saint-Denis.

Encouragées par ce succès, les églises françaises se lancèrent dans la production de saints porteurs de tête. Notre pays en compte cinquante-neuf.


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