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Lettre de l’anarchiste Panagiotis Masouras depuis la Prison d’Avlona en Grèce
Article mis en ligne le 4 mai 2023
dernière modification le 17 novembre 2009

C’est le mercredi 23 septembre, à 8h15, en sortant de ma maison dans le quartier de Galatsi pour me rendre au club de gym, que j’ai été arrêté par 25 individus du Service Antiterroriste. En un clin d’œil, je me suis retrouvé sur le trottoir avec les mains liées derrière le dos, pendant qu’ils informaient leurs commissaires que ’’tout s’était bien passé’’ et qu’ ’’ils m’avaient eu’’. Ils m’ont conduit au 12ème étage du Commissariat Général d’ Athènes. Le lendemain, on m’a informé que deux amis à moi avaient également été arrêtés.

Le spectacle a déjà commencé. Je me trouvais privé de sommeil pendant 48 heures, physiquement épuisé, debout face au mûr et soumis à un long questionnaire, tandis qu’un officier passait d’un bureau à l’autre en criant dans son délire de jouissance, que c’était la guerre.

Après, ils se sont intéressés à mon parcours universitaire. Puis, ont suivi les paroles amicales, la provocation et l’approche humaine du jeune emporté dans le mauvais chemin, que c’était eux qui pouvaient me remettre dans le bon chemin et me ramener à la raison ; non pas pour eux mais pour moi même, comme ils disaient ; j’avais l’obligation de les aider moi même, en parlant des situations et des personnes que je ne connaissais pas. Plus tard, j’ai été informé par un officier que j’étais le con de l’étage, car les autres ’’m’avaient grillé direct’’ et ils ’’s’étaient mis à table’’ (sic) et, si je ne parlais pas, j’allais faire de la prison pour des choses que d’autres avaient fait, et je me suis donc retrouvé à répondre pour des situations que j’ignorais.

Puis les nuits de garde à vue ont commencé : les policiers ’’gentils’’ avec leur fond ’’sensible’’ et leurs traumatismes d’enfance, qui connaissaient l’injustice et qui voulaient m’aider. De l’autre côté, les commandos durs, avec leurs cagoules fullface , des applicateurs ’’durs’’ de la loi et représentants de la morale, qui agissaient de manière totalitaire, visant l’épuisement physique et psychique, comme une sorte de vengeance, parce que je restais muet.

Le fait que je nie les accusations qui me sont adressées ne veut pas du tout dire que je pourrais jamais renier mon ’’identité’’ politique et mon origine. Je ne pourrais jamais mettre sous le tapis ma dignité en méconnaissant le fait que je suis un anarchiste qui se dresse contre les valeurs et les institutions de cette société à travers la pensée critique révolutionnaire et sa pratique. Je suis anarchiste et je me suis rangé du côté de la révolution et parallèlement, de moi-même.

La raison pour laquelle nous nous trouvons détenus ce jour, moi et mes deux amis, est évidente. Même l’esprit le plus naïf pourrait réaliser que, dans les conditions actuelles, des situations dirigées dans le contexte des élections, qui servent des intérêts politiques et médiatiques.

L’exagération de la situation, les cortèges armés de l’Unité Spéciale Répressive Antiterroriste et le rôle des cafards-journalistes, combinés à la situation politique de ces jours-là, ont suffit pour qu’un sentiment d’ordre et de sécurité se forme chez le Grec moyen en vue des élections ; ainsi, il agirait désormais comme un somnambule, jouant le rôle du bon citoyen s’acheminant vers l’urne électorale, pour, une fois encore, déléguer la plus grande part des responsabilités de son existence à d’autres mains que les siennes. On sait déjà que l’opinion publique n’a pas d’opinion et c’est pour cela que quelqu’un se chargera de la former. L’ambiance de ces derniers jours est due surtout aux rats médiatiques et à leur soif de ’’dragons à Galatsi’’ et de ’’monstres à Halandri’’, de serial terroristes alliés aux ’’fameux’’ groupes révolutionnaires, desquels ils prennent leurs ordres et pour lesquels ils mènent des missions à terme.

Des armes et des balles ont été trouvées chez moi et de l’argent qui a été décrété comme provenant de braquages, simplement parce que je l’avais caché ; la prochaine fois, je le laisserai à la porte de ma maison.

La société ne se divise pas en classes mais en choix et en consciences. Alors apprenons de la douleur et de la joie, du sang et de la rue. Nous sommes nés pour exister intacts au milieu de singularités insaisissables ; insaisissables, parce que nous résistons à la douleur, imprévisibles, parce que nous avons appris dans la rue, sans hésitation, parce que nous nous retournons contre tous, car nous allons apprendre à terrasser méthodiquement l’acier avec la chair et à tremper le béton avec le sang révolutionnaire.

Nous exécutons la morale en en faisant un préambule à la destruction, nous chuchotons avec rage et mordant les mots : GUERRE et ATTAQUE car seules comptent la beauté et la force, bien que les lâches aient pour se protéger inventé la justice.

Là où il y a des fils de fer barbelé, qu’il y ait des mains sanglantes qui les déchirent. Là où il y a du béton, qu’il y ait des cris enragés qui le détruise. Là où il y a des barres de fer, qu’il y ait des âmes, qui, tels l’acide, les rongent ; là où nous sommes enterrés vivants, enterrons y ensemble la morale.

Nous nous devons à nous mêmes de mordre nos chaînes, même si nous devons mourir en mordant. Car, nous ne sommes le fruit que de nos propres choix.

Pour l’honneur, la dignité, la révolution.

LIBERTÉ POUR NOS CAMARADES : V. PALLI – G. DIMITRAKI – G. VOUTSI-VOGIATZI – P. GEORGIADI – I. NIKOLAOU.

LIBÉRATION IMMÉDIATE DE MES COACCUSÉS CH. CHATZIMICHELAKI – M. GIOSPA

MASOURAS Panagiotis,
Prisons d’Avlona (Grèce).