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Jean-Luc Debry
Gavroche n° 159
Article mis en ligne le 15 septembre 2009
dernière modification le 6 septembre 2009

Dans son dernier numéro — 159 — de juillet septembre 2009, la revue d’histoire populaire Gavroche poursuit son patient travail d’exploration des formes multiples que prennent les volontés de résistances et le désir de justice lorsqu’elles sont guidées par l’éthique. Destins individuels au sein des actions collectives, animés par elles, les animant au point de se confondre avec elles. Afin de les faire comprendre dans toutes leur complexité, les auteurs qui écrivent dans la revue, venus d’horizons très variés, les resituent dans leur contexte, et font de ces contextes un sujet d’étude en suivant un être singulier comme on marche dans les pas d’un guide lorsqu’on sort des sentiers battus. On y butte forcément sur la violence folle des forces de répression. Crimes cachés, ignorés, qui hélas participent d’une mémoire collective douloureuse, enchâssée dans des actes héroïques oubliés, presque toujours tragiques. La revue démontre, une fois de plus, sa volonté de ne pas se laisser enfermer dans le seul XIXe siècle, et d’ouvrir son champ d’investigation aux luttes contemporaines jusque dans leurs dimensions internationales.

Ainsi, la Guerre d’Algérie est, dans ce numéro, éclairée sous un angle inhabituel. Le lecteur se confronte avec le point de vue d’un officier Algérien réfractaire. Hélène BRACCO revient sur l’engagement d’un homme face à sa conscience. Et le prix qu’il dut en payer pour lui être fidèle. Abdelkader Rahmani, officier algérien de l’armée française refusa de combattre ses frères. Ce témoignage unique et touchant porte à notre connaissance un acte ignoré, un acte guidé par le courage. Il participe de ses refus formulés par des êtres souvent solitaires et inclassables qu’aucune récupération ne parvient à transformer en idéologie au service de son ambition.

Ensuite, notre voyage nous transporte au début du XXe siècle. La fée verte son charme et ses saveurs revivent. L’absinthe, objet de légendes, nous est racontée par Christiane LE DIOURON. Au-delà d’une meilleure connaissance de la plante et de son histoire se profile l’ombre délétère de l’alcoolisme et de ses ravages dans le monde ouvrier. Cette légende véhiculée par des artistes est devenue emblématique d’une époque pour le meilleur et le pire. Ses ennemis, profitant d’un contexte économique qui contribua à son succès, réussiront à mettre en œuvre une opération de « communication », et de manipulation qu’il est toujours bon de comprendre pour regarder avec la distance nécessaire certaines opérations d’actualité.

On y croisera aussi la vie de René Lefeuvre, socialiste révolutionnaire
dont le portrait est peint par Julien CHUZEVILLE. René Lefeuvre militant révolutionnaire, lecteur attentif de Rosa Luxemburg, proche du POUM, animateur des éditions Spartacus, traversa une époque bouleversée, une époque pleine d’espoirs, de drames, une époque dont les perspectives étaient verrouillées par la domination stalinienne. La fidélité à ses idéaux, sa volonté de savoir et son inépuisable énergie ont guidé sa vie et nourri des générations de marxistes révolutionnaires non léninistes. À l’ombre du dogmatisme dominant ce n’était pas une mince affaire que de faire exister un discours critique, indépendante et résolument communiste.

Dans ce numéro, on y apprend aussi qu’en 1910, défiant Clémenceau, des syndicalistes pratiquèrent des coupures d’électricité. Il y a un siècle déjà. Bernard VIVIER, dans son article, fait un lien bienvenu avec l’actualité. L’auteur rafraichit notre mémoire. Car il fut un temps où lutter autorisait toutes les audaces et où le syndicalisme ne mâchait pas ses mots et radicalisait ses actions avec l’appui des salariés.

Il y a aussi un article sur la lutte contre la tauromachie avec un retour sur l’attentat de Deuil du 4 juin 1900. On le doit à Denis ANDRO.

Et Pierre Henri ZAIDMAN, que les lecteurs de Gavroche connaissent bien, nous fait voyager en Argentine, en janvier 1919, à plus précisément Buenos-Aires où la répression d’un mouvement ouvrier animé par la FORA se transforme en pogrom anti-juifs. Des crimes atroces seront commis par les forces de répression avec les encouragements actifs de l’Église catholique.