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Le Chiemgauer et autre Justus défient l’euro
Allemagne . Des monnaies locales contre la mondialisation.
Article mis en ligne le 16 avril 2009
dernière modification le 6 mars 2009

BERLIN, de notre correspondante NATHALIE VERSIEUX

« T’aurais pas un Chiemgauer ? » A Prien am Chiemsee, à la frontière autrichienne, deux monnaies évoluent en parallèle depuis six ans : le bon vieil euro, et le Chiemgauer, une des 50 monnaies régionales qui circulent depuis le début du millénaire outre-Rhin aux côtés de l’euro. Le Kann was (« tu peux faire quelque chose ») à Bad Oldesloe dans le nord du pays, le Sterntaler à Berchtesgaden (dans le Land de Hesse), le Justus à Giessen (sud du pays), le Roland à Brême et le Chiemgauer en Bavière sont les plus répandues de ces monnaies. Toutes ont un objectif commun : soutenir l’économie régionale contre les méfaits de la globalisation.

Et toutes ou presque ont le vent en poupe avec la crise. Communiquant sur le thème du « on fait quelque chose pour notre région », et notamment en faveur de l’emploi. « L’idée est qu’une monnaie locale maintient les forces économiques dans la région et renforce les PME » , explique Christian Gelleri, professeur d’économie dans une école alternative et initiateur du Chiemgauer.

Troc. Le mouvement a débuté en 2002 avec le Roland, à Brême. Le Chiemgauer suit début 2003. Aujourd’hui, le Chiemgauer est accepté par 600 entreprises dans la région, du coiffeur au conseiller fiscal. 300 000 euros circulent en Chiemgauer, en croissance continue (30 % l’an passé). La monnaie est échangeableà parité avec l’euro. A mi-chemin entre le troc et les bonus mis en place par des chaînes de distribution, ces monnaies sont légales. Le point commun à ces devises régionales est la critique des marchés financiers internationaux. « Les bénéfices réalisés restent dans la région, au lieu de vagabonder à travers le monde à la recherche des meilleurs placements, insiste Margrit Kennedy, ex-professeure d’architecture devenue l’un des plus ardents défenseurs des monnaies régionales. L’extrême mobilité du capital est mortelle pour les systèmes sociaux, économiques et écologiques. »

Alternatif. Pour éviter l’immobilisation du Chiemgauer, les billets (très colorés, de 1, 2, 5, 10, 20 et 30 Chiemgauer) ont une durée de vie de trois mois, au-delà desquels ils perdent 2 % de leur valeur par trimestre. Aucun billet ne dort au fond d’un tiroir. « Ces monnaies ne sont qu’un gag régional, fustige le conseil en entreprises, Egon Kreutzer. A terme et à grande échelle, cela pose forcément un problème en termes de commerce extérieur et de bilan des entreprises. Ce genre de petits jeux ne marche qu’avec une quarantaine de fanatiques groupés autour du clocher ! » A Berlin, une première initiative sera tentée en septembre, dans le quartier alternatif de Prenzlauer Berg. Le quartier entend ainsi se « protéger » de l’invasion des chaînes internationales, qui pourrait lui faire perdre son caractère.