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Avi Issacharoff
Il y a un partenaire, mais qui s’en soucie ?
Article mis en ligne le 29 septembre 2008
dernière modification le 16 septembre 2008

Cet article est intéressant en ce qu’il révèle d’ un processus à l’œuvre en Cisjordanie, c’est à dire la construction d’un Etat. C’est pour cela que nous le portons à la connaissance de nos lecteurs. Quelques questions se posent, absentes de cet article, elle reviendront à la surface : celle de l’autonomie de la société civile (cf l’exemple de Bilin) tant par rapport aux groupes armés que par rapport à l’Etat, comme celle de la laïcité. Il est bien sur à craindre que, sous prétexte de difficulté intérieures et extérieures, l’Etat en formation ne renforce sa dimension autoritaire. La paix sera-t’elle à ce prix ?

Divergences


Traduction par Gérard pour La Paix Maintenant d’un article paru dans le journal isrélien Haaretz


Sur le plan de la sécurité, une situation nouvelle est en train d¹apparaître
en Cisjordanie depuis quelques mois, quasiment ignorée par la presse
israélienne. Le chaos qui régnait dans les villes, les villages et les camps
de réfugiés de Cisjordanie a disparu pour isser la place à des forces
palestiniennes de sécurité revigorées. Pendant les 14 mois qui ont suivi la
prise du pouvoir du Hamas dans la bande de Gaza, l¹Autorité palestinienne
(AP) est parvenue à insuffler aux habitants des territoires occupés un
concept presque inconnu depuis des années : l¹Etat de droit.

Bien entendu, ceux qui affirment que le respect de la loi en Cisjordanie
n¹est que partiel ont raison. On n¹y adhère pas toujours à la sainte trinité
arrestation -procès - sanction que l¹on connaît en Occident. Pourtant, le
président Mahmoud Abbas, le premier ministre Salam Fayyad et le ministre de
l¹intérieur Abdul Razzaq al-Yahia peuvent présenter, lors de leur prochaine
rencontre avec leurs homologues américains et israéliens, plusieurs
résultats significatifs.

D¹abord, les milices armées ne font plus partie du paysage des villes
cisjordaniennes, par crainte, non seulement de l¹armée israélienne et du
Shin Bet, mais aussi des forces de sécurité palestiniennes. Les Brigades des
Martyrs d¹Al-Aqsa ont été pratiquement démantelées, et la plupart de leurs
membres appartiennent aujourd¹hui à l¹appareil de sécurité de l¹AP. La
police palestinienne a déclaré la guerre aux marchés illégaux, à commencer
par ceux des véhicules volés, naguère piliers de l¹activité dans des villes
comme Naplouse, Jénine et Hebron.

Plus impressionnant peut-être : la guerre aux associations caritatives
contrôlées par le Hamas et le Jihad islamique, connues sous le terme
collectif de « Dawa ». Le Shin Bet estime que l¹AP a fermé ou pris le
contrôle de 45 de ces associations. La semaine dernière, la police
palestinienne s¹est introduite dans des mosquées de la région de Hebron et
confisqué du matériel de propagande que distribuait le Hamas. Des
imprimeries qu¹utilisaient des groupes islamistes ont été fermées. Leurs
écoles et leurs hôpitaux sont aujourd¹hui gérés sous l¹¦il vigilant de l¹AP.

Ces actions ont même valu à l¹AP les louanges de la sphère israélienne de
sécurité, qui a pendant longtemps considéré avec mépris les services
palestiniens de sécurité. Pendant des années, le chef du Shin Bet Youval
Diskin, le ministre de la défense Ehoud Barak et d¹autres officiels de haut
rang ont fait des déclarations qui revenaient à dire que si Tsahal devait se
retirer complètement de la Cisjordanie, le Hamas en prendrait le contrôle en
72 heures.

Pareilles déclarations ne tiennent plus. L¹appareil militaire du Hamas dans
les territoires existe toujours, mais il ne représente plus une menace
immédiate pour les institutions de l¹AP. Israël et l¹AP ont repris leur
collaboration au niveau de la sécurité, même si des deux côtés, on tend à ne
pas faire état publiquement de cette coopération. Le centre commercial de
Naplouse, géré par le Hamas et fermé il y a deux mois par l¹armée
israélienne, a rouvert récemment ses portes après que l¹AP en a évincé les
dirigeants pour les remplacer par du personnel qui lui est fidèle.

Pendant le même temps, la sécurité palestinienne a fait échouer ces derniers
mois plusieurs tentatives d¹attentats suicide et confisqué des centaines
d¹armes ainsi que d¹importants stocks d¹explosifs. L¹un des problèmes de ces
actions demeure ce qui est devenu un symbole de la sécurité de l¹AP : les « 
portes à tambour ». Bien que plusieurs dizaines, voire centaines de membres
du Hamas et du Jihad islamique soient actuellement détenus dans les prisons
de l¹AP, la plupart sont libérés dans un délai de quelques jours, comme
c¹était le cas à la fin des années 90 et pendant la deuxième Intifada. L¹AP
n¹a toujours pas d¹explication convaincante pour ce phénomène, et cette
image devrait persister jusqu¹à que cela change.

Néanmoins, l¹éternel « non-partenaire » est devenu un partenaire. L¹AP
compte, du moins pour ce qui concerne un futur accord en Cisjordanie. Abbas,
longtemps considéré comme un dirigeant qui ne faisait pas le poids, est en
train de se révéler lentement comme un dirigeant stable, fiable et
incorruptible, même (surtout ? ndt) comparé aux décisionnaires israéliens.
Aujourd¹hui, il est plus difficile de trouver un partenaire israélien :
certains sont interrogés par la police, d¹autres sont occupés par des
primaires [au sein du parti Kadima en particulier, ndt].

Le fait que les médias israéliens ne soulignent pas ces changements n¹est
pas réellement surprenant. Peut-être la question palestinienne
n¹intéresse-t-elle plus l¹opinion de manière générale, peut-être la menace
stratégique posée par l¹Iran a-t-elle éloigné cette question de l¹ordre du
jour public. Mais au cas où une nouvelle vague de violences se produirait en
Cisjordanie, la question palestinienne referait alors surface une fois de
plus et ferait les gros titres des médias. Mais, en attendant, qui s¹en
soucie ?


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