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André Gorz nous a quitté !
Extraits de documents trouvés en ligne et destinés à ouvrir l’appétit.
Article mis en ligne le 14 novembre 2007
dernière modification le 15 novembre 2007

Il faut oser rompre avec cette société qui meurt, et qui ne renaîtra plus.

Il faut oser l’Exode.

Il ne faut rien attendre des traitements symptomatiques
de la « crise, car il n’y a plus de crise :
un nouveau système s’est mis en place qui abolit massivement le travail,
il restaure les pires formes de domination, d’asservissement, d’exploitation
en contraignant tous à se battre contre tous
pour obtenir ce que le travail lui abolit.

André Gorz

Pour ceux qui ont envie d’en savoir plus :

La disparition d’André Gorz Par <BibliObs.com>

C’était un des co-fondateurs du « Nouvel Observateur », pilier des « Temps modernes » et précurseur de l’écologie politique. A l’âge de 84 ans, il s’est donné la mort avec sa femme, ce lundi 24 septembre.

Né à Vienne, Autriche, en février 1923, André Gorz (Gerard Horst pour l’état civil), fils d’un marchand de timbres juif et d’une secrétaire catholique issue d’un milieu cultivé, est élevé dans une atmosphère férocement antisémite qui amènera son père à se convertir au catholicisme en 1930. En 1939, pour lui éviter d’être mobilisé dans l’armée allemande, ses parents l’envoient faire ses études à Lausanne. En 1945, un diplôme d’ingénieur chimiste en poche, il participe aux rencontres de la société d’étudiants Belles-Lettres, et s’intéresse vivement à la phénoménologie et à l’œuvre de Sartre, qu’il rencontre l’année suivante->http://as.unblog.net/?p=109#more-109].


[Le Nouvel Observateur. - « Ecologiste avant la lettre », comment définissez-vous l’écologie ?

André Gorz.- De toutes les définitions possibles, j’aimerais privilégier d’abord la moins scientifique, celle qui est à l’origine du mouvement écologiste, à savoir le souci du milieu de vie en tant que déterminant de la qualité de la vie et de la qualité d’une civilisation. Les premières grandes manifestations de ce souci se sont développées en Amérique du Nord, puis au Japon, puis en Allemagne, d’où elles ont gagné le reste de l’Europe. Elles ont pris la forme de mouvements de protestation, souvent violemment réprimés, contre la confiscation de l’espace public par des méga-industries, des aéroports, des autoroutes qui venaient bouleverser, bétonner, techniciser le peu de milieu « naturel » qui restait et répandre des polluants et des nuisances.

La résistance des habitants à cet envahissement de leur milieu de vie n’était pas une simple « défense de la nature ». C’était une lutte contre la domination, contre la destruction d’un bien commun par des puissances privées, soutenues par l’Etat, qui déniaient aux populations le droit de choisir leur façon de vivre ensemble, de produire et de consommer.


[Les périphériques vous parlent :Dans votre dernier ouvrage Misères du Présent, Richesses du Possible faisant allusion au livre de J. Rifkin La Fin du Travail, vous affirmez quant à vous : « Il ne s’agit pas du travail au sens anthropologique ou au sens philosophique. (...) Il s’agit sans équivoque du travail spécifique propre au capitalisme industriel » Pouvez-vous développer pour nous cet argument ?

André Gorz : Au sens anthropologique, on appelle habituellement « travail » l’activité par laquelle les humains façonnent et transforment leur milieu de vie. C’est d’abord la malédiction biblique : le monde n’est pas naturellement propice à la survie des humains, il n’est pas « un jardin planté pour eux », disait Hegel. La vie humaine est « improbable », écrivait Sartre, elle rencontre cette improbabilité comme un ensemble d’adversités, de maladies, de raretés.

Au sens philosophique, le concept de travail englobe les dimensions multiples de l’activité humaine. La philosophie grecque distinguait le travail-corvée - ponos - qu’il faut accomplir jour après jour pour entretenir le milieu de vie et produire sa subsistance. C’est aussi bien le travail ménager que le travail agricole, dont les hommes, dans les sociétés traditionnelles, se déchargent sur les femmes et les esclaves. Après le ponos, il y a la poiesis : le travail de l’artisan, de l’artiste, du « producteur ». Le travail comme poiesis n’est plus, à la différence du ponos, asservi complètement aux nécessités et aux contraintes matérielles de la subsistance. Il peut s’en émanciper en devenant création, invention, expression, réalisation de soi. C’est cette dimension du travail qui intéresse avant tout Hegel et ensuite Marx : le travail par lequel je m’individualise, me fais personne, inscris dans la matérialité du monde l’idée que je me fais de ce qui doit être.

Enfin, il y a le travail comme praxis, que Hannah Arendt appelle « l’agir » (Handeln). La praxis est essentiellement l’activité non utilitaire qui tend à définir les conditions et les normes de la « bonne vie ». Cela comprend le débat politique et philosophique, la réflexion, l’enseignement, une grande partie de ce qu’on appelle aujourd’hui le « relationnel » et la « production de sens », l’Eros.

Il peut sans doute y avoir des chevauchements et des interpénétrations entre ces dimensions de l’activité humaine. Elles se distinguent par leur sens, leur intentionnalité beaucoup plus que par leur contenu. Élever un ou des enfants par exemple comporte du ponos - des besognes fastidieuses continuellement à refaire - mais n’est pas réductible à cela ; ou alors la finalité, le sens du travail éducatif en tant que praxis a été perdu.


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