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Le travail est à la vie ce que le pétrole est à la mer
Article mis en ligne le 17 septembre 2007
dernière modification le 4 septembre 2007

Jamais ce slogan n’aura été mieux illustré que par le livre de Gérard Filoche, « Carnets d’un inspecteur du travail », chez Ramsay, disponible à Publico. Un socialiste. Personne n’est parfait.

En voici quelques histoires :

« Tout le système repose sur le gérant [d’un magasin « discount »].Il commence le lundi à 6 heures, finit le dimanche à 13 heures et doit encore faire de la gestion à domicile le dimanche après-midi. Esclavage total. Il n’est même pas cadre, mais n’a pas d’horaires. Il gère tout, manie les palettes, les descend du camion, les porte du trottoir à la cave, les range dans les stocks, installe les gondoles, contrôle les arrivages, gère le personnel, surveille les caisses derrière la glace sans tain de son minuscule bureau. M. Maurice est maigre comme un clou, sec et nerveux, tellement son travail est épuisant, mais toute la boutique repose sur ses épaules. Il sourit quand je m’intéresse à ses horaires, me dit qu’il sait qu’il ne tiendra pas longtemps, mais il espère trouver un travail dans la grande distribution, chez Carrefour. Il croit que ce sera mieux. C’est à mon tour de sourire. »

Ce petit chef n’a-t-il que ce qu’il mérite ?

Alors, la suivante : « Une secrétaire médicale vient à ma permanence. On voit combien elle est usée physiquement. Depuis longtemps, elle effectue 60 heures par semaine, sans dérogation préalable, dans le cabinet de médecins où elle travaille. Elle est au service de trois généralistes qui sont ses trois employeurs depuis plus de vingt ans. A bientôt 56 ans, elle n’en peut plus. C’est venu doucement, dit-elle, elle avait de plus en plus de lourdeurs dans les jambes, de plus en plus de lassitude en fin d’après-midi. Elle s’est aperçue qu’elle ne pouvait plus faire ses 10 heures par jour, six jours sur sept. Je propose d’aller faire une visite, de discuter avec ses employeurs, d’imposer un respect des horaires, mais elle ne veut pas : « Je vais me fâcher avec eux, ils ne me le pardonneraient pas, ce n’est pas possible. » Il n’est pas facile d’être la seule salariée de trois employeurs que l’on connaît bien depuis si longtemps. Le bout de cet esclavage, c’est sa retraite et elle en est loin. »

Secrétaire médicale, combien de caissières de supermarchés, d’ouvrières rêvent de ce travail propre, silencieux ?
Très bien, passons à Météor, le métro sans chauffeurs, le métro anti-grève, le métro aux milliards investis pour être sûrs que les chauffeurs syndiqués ne pourront plus prendre le Gouvernement à la gorge.

« De grands travaux comme la construction des lignes Eole ou Météor, sous les pieds des Parisiens, ont mobilisé pendant de longues années des centaines d’ouvriers et de techniciens à raison de 60 à 64 heures par semaine en moyenne. Encore s’agissait-il d’heures de travail effectif sur le tunnelier. Pour Météor, il existait jusqu’à vingt-trois puits, dont seulement trois étaient équipés d’ascenseurs de chantier. Pour les vingt autres, il fallait descendre par des échelles à 30m. de profondeur, puis marcher sous la nappe phréatique, dans la boue, le bruit, à côté de machines dangereuses, jusqu’au tunnelier. La durée du travail effectif était mesurée... à partir du tunnelier. Le temps nécessaire pour se changer, s’équiper, en haut, dans les vestiaires, descendre les échelles, rejoindre le tunnelier, était considéré comme temps de transport et non de travail. A une de nos remarques un chef de travaux a répondu : « Ben alors je vais mettre les vestiaires derrière le tunnelier. » A la fin, il fallait deux heures pour atteindre le tunnelier. Évidemment, de telles durées sont inhumaines, les hommes deviennent des zombies, au fond des tunnels. Ils ont 40 ans et en paraissent 60. On a vu un conducteur de travaux de 56 ans passer sa sixième nuit consécutive de 12 heures au fond du trou. Il était complètement usé, mais ne voulait pas se plaindre. « Ne dites rien, monsieur l’inspecteur, c’est mon dernier chantier, sinon ils vont me virer »

C’est dans ces conditions qu’il y a eu sur le chantier Météor près de 450 accidents du travail, dont quatre amputations, deux comas profonds, un aveugle et sur le chantier Eole deux morts... il paraît que cette statistique est basse pour ce type de travaux. »

Nestor Potkine, qui secoue vigoureusement sa montre parce qu’elle persiste à lui affirmer que nous sommes en 2007, pas 1907.


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