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Patrick MIGNARD
La "démocratie" contre la démocratie
Après les résultats, N. Sarkozy élu
Article mis en ligne le 14 mai 2007
dernière modification le 3 juin 2007

Pour instaurer un système autoritaire/dictatorial on n’a pas forcément besoin de la violence.

On sait depuis le milieu du siècle précédent que le processus dit démocratique peut mettre à mort, par sa propre logique,... la démocratie. S’il est certainement moins spectaculaire que le recours à la violence physique, il n’en est pas moins plus redoutablement dangereux... et les conséquences n’ont rien à envier en gravité, au coup d’état militaire.

L’incompétence, quand ce ne sont pas la bêtise, la bassesse et la trahison des « hommes et femmes de progrès »(?) sont généralement à l’origine de ces catastrophes (faut-il donner des exemples, des dates et des noms ?).

LA « REVOLUTION » NEO CONSERVATRICE EN MARCHE

L’incompétence historique, légendaire, de ce qu’il est convenu d’appeler la Gauche... au sens le plus large du terme nous a désormais plongé dans une situation catastrophique. Ce sont ces pseudo théoriciens et autres « penseurs » politiques de pacotilles... en fait parfait bureaucrates, ou idéologues de Cour, qui nous ont conduit là où nous sommes aujourd’hui.

Car comment expliquer qu’un réactionnaire comme le nouvel élu, démagogue parfait, issu d’un système d’escrocs et de profiteurs, lié aux milieux financiers, porteur d’un bilan politique catastrophique puisse avoir un électorat aussi fourni et en particulier parmi les plus déshérités ?

De deux choses l’une :

- ou bien le peuple est complètement débile... mais alors soyons cohérent... et ne parlons plus de démocratie....

- ou bien tout est fait, avec la complicité de toute la classe politique pour enfermer ce peuple, dont on se méfie, mais dont on a besoin pour assurer sa légitimité, le débiliter, l’infantiliser, le rendre dépendant des experts et autres pseudo leaders politiques et économiques, le manipuler avec les médias et le formater aux exigences d’un système parfaitement contradictoire avec ses intérêt et ses aspirations.

Pour ma part je fais le choix de la deuxième solution... et je ne suis pas certain, qu’à droite comme à gauche on ne se situe pas, sans le dire évidemment, dans la première.

Désormais les choses sont claires... aux yeux de la majorité légale du peuple, ce sont les « solutions » conservatrices et réactionnaires qui l’emportent.

Nous vivons aujourd’hui la faillite d’un processus qui nous a maintenu pendant plusieurs décennies dans l’immobilisme. Il n’y a plus aucune perspective dans la manière dont les politiciens envisagent l’action politique. Pourquoi ?

Tant qu’ils ont pu s’acheter la paix sociale, ils l’ont fait... mais aujourd’hui avec la mondialisation, ce n’est plus possible. Les masques tombent : la Gauche est impuissante à habiller d’une couche de social la gestion du système, la Droite joue parfaitement son rôle de faire fonctionner le système marchand quel qu’en soit le prix.

On a échappé à LE PEN en 2002, on n’a pas échappé à SARKOZY en 2007... et qu’a-t-on fait concrètement, socialement, sérieusement, entre 2002 et 2007 ? Rien.

La « révolution » néo conservatrice est désormais sur les rails... et ce n’est pas la Gauche qui fera dérailler le convoi... au contraire, elle court à la prochaine gare pour essayer de monter dans la locomotive.


LA FAILLITE D’UNE CERTAINE CONCEPTION DU POLITIQUE

Tout ce cirque pseudo démocratique pour en arriver à la conclusion affligeante suivante : le pouvoir anti-populaire a une légitimité populaire.

Ah elle est belle et efficace la « démocratie » de nos théoriciens politiques de gauche ! Ils ont bonne mine les « donneurs de leçon » et stratèges qui siègent dans les palais dorés de la République (faut-il donner des noms ?)....

Et que vont-ils maintenant raconter aux jeunes des banlieues qu’ils ont manipulés, qu’ils ont harcelés pendant des semaines pour qu’ils s’inscrivent sur les listes électorales ? Qu’il faut être patient ? Qu’il faut aller voter pour les mêmes aux législatives ? Qu’il faut attendre cinq ans ?...

Non seulement ils nous ont conduit dans la « merde » - avec plus ou moins notre consentement il est vrai -, mais il vont encore nous y enfoncer... Comment ? Mais c’est très simple.

Ce sont des individus, incapables de voir au-delà des prochaines échéances électorales... J’exagère ? D’après vous quelles sont les prochaines perspectives politiques, dès aujourd’hui, et qui vont mobiliser tous les appareils de la Gauche ? Mais bien sûr les prochaines élections législatives ou chacune des organisations va essayer de s’imposer, tirer la couverture à soi, de nous faire croire que ce n’est que « partie remise », qu’il est important de....etc... Et la plupart des militants naïfs vont une fois encore marcher...que dis-je ?... courir !

Le processus électoral, qui isole les individus, les façonne, les conditionne, les flatte, leur fait peur ou les font rêver... est une escroquerie... et la démocratie n’a rien à voir avec ça. Ce fameux « civisme » de participation dont se gargarisent les médias et à peu près toutes les organisations politiques n’est que l’instrument et l’expression d’un abêtissement généralisé de la société civile... une mise en condition pour justifier une légitimité de pacotille fondée sur la manipulation et le conditionnement.


UN IMPERATIF SOCIAL/POLITIQUE CATEGORIQUE

Nous sommes aujourd’hui dans une impasse politique.

Le changement radical de stratégie politique est un impératif au risque d’une stagnation mortifère. Cet impératif sera un véritable arrachement, un bouleversement dans nos habitudes de penser le/la politique.

Les organisations politiques existantes le peuvent-elles ? Probablement pas. PS et PC moribond sont totalement dépassés, sclérosés, rongés par la soif de pouvoir, la bureaucratie et l’étroitesse d’esprit, ...

Les organisations d’extrême gauche sont en voie d’« électoralisation », prises par la logique politico-médiatique ambiante et croyant s’en détacher en tenant un discours radical (voir LO et la LCR)... il suffit de voir comment elles vont mobiliser leurs forces exsangues pour les prochaines élections.

Reste la nébuleuse alternative / altermondialiste. Composée d’éléments critiques, elle subit tout de même, à la fois l’ambiance générale électoraliste, ce qui l’amène à faire n’importe quoi (voir les élections présidentielles), et à dire n’importe quoi avec des slogans plus publicitaires que politiques du genre « Un autre monde est en marche »(?) ... quel monde ? comment ? avec qui ? où ?...

Elle est aussi minée par les organisations politiques traditionnelles qui l’utilisent comme vivier militant et assèche ses initiatives originales. L’expérience a montré que toute tentative de convergence stratégique avec les organisations n’aboutit qu’à l’impuissance et l’échec, et conduit inéluctablement sur le terrain électoral que l’on sait stérile. Or, il est cette fois manifestement démontré qu’à ne tenir qu’un discours, aussi progressiste soit-il,... ne sert pas à grand-chose... une autre dimension est à explorer et à investir.

C’est donc sur un autre terrain qu’il faut aujourd’hui poser la question stratégique... terrain sur lequel n’intervient aucune organisation... sinon pour s’en servir uniquement de faire valoir, le terrain de l’alternative sociale et politique.

C’est dans ce nouveau champ que doit se construire la véritable démocratie, le monde nouveau, par une pratique alternative qui a la fois fondera une véritable autonomie et autodétermination du citoyen par rapport à un système qui l’oppresse et jettera les bases de rapports sociaux nouveaux. On est alors loin des grenouillages et artifices des élections.

Dans ce domaine tout est à faire, quoique des bases ont déjà été posées, dans le débat et la réflexion économique et sociale depuis le 19e siècle, mais aussi et surtout au travers des structures alternatives qui, plus ou moins empiriquement se sont installées dans le paysage social et économique. Ce sont ces structures qu’il faut développer, étendre, fédérer, intégrer dans une stratégie de critique, de contestation et de dépassement du système marchand. Ce sont ces structures et leur développement qui doivent porter les espoirs pour demain...

Le pouvoir néo conservateur va désormais tout verrouiller : les médias, les institutions. Il va limiter nos marges de manœuvre et d’action par la loi et la répression. S’affronter directement à lui est suicidaire, marcher sagement dans les limites qu’il nous autorise c’est capituler.

Nous n’avons désormais plus le choix. Laissons aux « Sisyphes » de l’action politique le soin et la tâche de rouler indéfiniment la roche de leurs espoirs toujours déçus sur la pente abrupte du parcours du combattant imposé par le système.

Investissons de nouveaux espaces de pratique et de liberté.

Inventons un autre rapport au politique.

Patrick MIGNARD


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