La mythologie : ouverture à la complexité de la pensée.
Tout et Totalité II : les mythes disent tout
Le stade pré-religieux et entrée dans l’histoire.

Le mythe : le second stade du Tout comme représentation.

Les civilisations émergeant de la préhistoire passent par des stades connus : sédentarisation (totale ou partielle), maîtrise de techniques cruciales autour du feu : poteries, forges et bien d’autres. Le plus déterminant reste le développement du langage à la complexité croissante et hétérogène (Babel).
Le mode de pensée opère une révolution cérébrale et culturelle. Il pense et se pense à travers des récits (odes, chants… avec un personnel spécifique : l’aède, le barde, prêtre, gourou…)

Le mythe, expression de la conscience.

Originellement le mûthos signifie tout simplement " la pensée qui s’exprime une avis ". Platon précise le sens en utilisant le mûthos comme forme première de ses discours, tout en montrant son infériorité par rapport à la philosophie. Platon revêt la toge de l’ethnoloque en le réduisant à un message sous forme de récit par lequel que communauté transmet de génération en génération ce qu’elle veut garder en mémoire de son expérience et de son passé. En Grèce l’histoire de dieux est cette mémoire qu’il faut absolument préserver. La culture orale favorise l’art du dire du locuteur et les variations de sens.
L’aède s’adapte à son public et peut transformer la forme et le fond du récit. Sa fonction et le récit fusionnent pour faire mémoire d’abord individuelle. La vertu et le succès des mythes forgent une pensée collective et pédagogique. Les mères, les nourrices propagent à leur tour les récits leur donnant un poids déterminant dans la structuration du psuchê à la fois âme et mémoire.
A noter que le locuteur s’efface devant le récit qu’il psalmodie ce qui universalise sa parole. Cela renforce la technique d’imitation et de croyance de la pédagogie par les mythes : véritable Livre d’éducation et de formatage avant l’heure : Bible, Coran…

Devenir du mythe.

Cette narration déjà-là ne pouvait qu’attirait les premiers penseurs de la grécitude (et d’ailleurs) Platon y percevait une connaissance illusoire souvent immorale voire grossière.

Du mythe au Logos.

La philosophie prend sa source dans la fusion de mûthos et de logos, le récit devient discours argumentait. Le mythe rejeté dans l’obscurité de la légende, de l’allégorie subir des assauts redoutables. Finie la poésie, faiseuse de vers et rimailleuse, l’aède change de statut, i se fait bonimenteur. Arrive donc la vraie " poïêsis , l’activité libératoire de sens. Elle exprime une action, la fabrication, un art de faire qu’Aristote appelle Poîêtiké qui sous-tend une technique, un art nouveau : la poétique.

Le Logos est vérifiable, le mythe non, mais il possède une qualité indépassable : celle de convaincre de faire croire. Platon utilisera cette faculté afin de "scientiser" sa pensée et de la rendre accessible dans l’univers mythologisé de son époque. C’est en perdant de sa puissance que le mythe se définit comme tel au moyen de ses contestations depuis Xénophane, Héraclite bien avant Platon. Le mythe platonicien veut parler aussi à l’âme, seul moyen de persuader les " âmes faibles " non atteignables par le logos. La plèbe et les gueux obligent à utiliser un discours différent de celui destiné au pur citoyen. Le mythe s’oppose à la tragédie, vulgaire parodie.

La puissance du mythe repose sur la conception anthropomorphique des dieux. L’allégorie sert de transposition. Le mythe serait aussi une sorte de mémoire collective.

Le mythe implique un rite qui l’actualise. Le rite n’a pas de sens sans un mythe qui le légitimise. Cette aphorisme pèse lourd dans la constitution de notre pathos, que l’on pense à G. Sorel (mythe de la grève générale). C’est un axiome fondamentale de la praxis, de toute praxis. L’essence d’un mythe n’est pas d’être connu de tous, mais d’être censé être et digne de l’être ; aussi bien ne connaissait-t-on pas généralement pas. (Paul Veyne) " Nul n’est censé ignoré la Loi ", les juristes mêmes y perdent leur latin, alors le " sans-dent " se raccrochent aux rites réputés
opérationnels et suffisants. Le culte induit la cohérence du mythe, de la croyance…

Mythe + Logos = Mythologie.

La jonction des deux concepts grecs ressemble au mariage de la carpe et du lapin. Il y a changement radical de nature. La mythologie serait un oxymoron du type une " faribole plus que vraie ". La tension entre les deux composants de la mythologie perdure toujours.

Le mythe : les invariants.

Bien évidemment, la lecture des mythes soulèvent d’abord la question de son interprétation. Les écoles mytheuses se suivirent : de l’étymologiste signifiante au structuralisme débridé. Mais restons dans notre problématique centrale : le Tout pour le tout.

  • Lié à la parole, le mythe n’a pas de fin. Le passé formate le présent et le futur.
  • Les premiers livres de l’humanité s’appuient sur l’idée d’enclosion du monde. C’est une forclusion à l’infini qui n’a rien à voir l’enclosure anglaise qui clôt le champ et fixe la propriété, cette obsession anglo-saxonne (Locke, Hume etc.).
  • Le sanskrit est la langue qui signifie déjà " complet ", donc la totalisation du dharma, de l’artha , du Kama, de la moksha [1] La grécitude et l’indianitude partage le même combat : le Tout.
  • L’unité du mythe repose sur celle des croyants. Cette unité est téléologique avant d’être théologique. [2]
  • Devant l’impossibilité de concevoir la Totalité réelle, l’angoisse première favorise la conception d’une première forme de transcendance qui reste passéiste, souvent sans eschatologie. Sans ce reste à penser, le tout serait une absurdité prétentieuse.
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L’anti-mythe : mission impossible.
  • Le mythe comme origine est fantasmatique. [3]
  • La mythologie contient par ajout de Logos une certaine dose de rationalité, variable selon les civilisations. A l’inverse, la rationalité pure (Kant Critique de la raison pure) contient une part de mythique sous peine de sombrer, il faut préserver la rationalité de la raison.
  • L’ethnocentrisme guette l’interprétation, attention aux mythologues (Eliade…) qui peuvent réduire le mythe à une cosmogonie et une cosmologie orientalisantes ou régressives.