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Ne pas parler uniquement d’Israël
Article mis en ligne le 13 décembre 2023
dernière modification le 7 décembre 2023

Origine GraswurzelRevvolution

Un entretien entre et Bernd Drücke et Meron Mendel 27 octobre 2023

Le 7 octobre 2023, des terroristes du Hamas ont franchi la frontière entre Gaza et Israël et ont assassiné de la manière la plus cruelle 1 400 femmes, enfants et hommes israéliens. Plus de 200 civils ont été emmenés en otage à Gaza par les tueurs de masse. En réaction à l’attaque terroriste islamiste, l’armée israélienne a commencé à bombarder des cibles dans la bande de Gaza. Au 15 octobre, environ 2.300 Palestiniens avaient déjà été victimes de ces bombardements incessants.

L’interview suivante de Meron Mendel, né en Israël en 1976, a été réalisée avant le 7 octobre. Meron Mendel vit en Allemagne depuis plus de 20 ans. Le 14 septembre 2023, ce pédagogue israélo-allemand, professeur de travail social et directeur du centre de formation Anne Frank, a présenté son nouveau livre "Über Israel reden. Un débat allemand" (1) dans le lieu historique Villa ten Hompel (2). Dans son best-seller, Mendel montre comment le rapport à Israël et au conflit du Proche-Orient est discuté en Allemagne, dans la politique et les médias, parmi les gauchistes, les migrants et les juifs. Avant la lecture, l’occasion s’est présentée d’accorder une interview à la radio Graswurzelrevolution (3), dont nous publions ici des extraits dans une version remaniée, dans le cadre de la rubrique Israël/Palestine du GWR-483. (GWR-Red.)

Graswurzelrevolution : Ton livre "Über Israel reden" (Parler d’Israël), que tu as publié en mars 2023, s’est retrouvé en avril à la première place de la liste des meilleures ventes de livres de non-fiction, entre autres par Deutschlandfunk Kultur et ZDF. C’est à mon avis l’un des livres les plus intéressants de l’année, même si j’ai aussi des critiques à formuler.

Dans une interview de quatre heures de "Jung & naiv" (4), tu as raconté que tu avais grandi de manière égalitaire dans un kibboutz dans le désert du Néguev, sans que l’intervieweur n’aille ensuite plus loin. Cela m’intéresse beaucoup parce que je suis rédacteur d’une revue anarchiste non-violente et que le mouvement des kibboutz est né il y a 120 ans d’un mouvement socialiste libertaire. Jusqu’au début des années 1930, les kibboutzim étaient d’inspiration anarchiste. Ce n’est que lorsque le courant sioniste-étatiste a pris le dessus dans le mouvement des kibboutz, à la fin des années 1930, que la pensée anarchiste, libérale et socialiste, a été repoussée dans les kibboutzim.

"Mais elle ne s’est jamais complètement éteinte", écrit James Horrox dans son livre "Gelebte Revolution. L’anarchisme dans le mouvement des kibboutz" (5). Comment as-tu vécu ton enfance dans le kibboutz ? Comment as-tu grandi ? A l’époque de ton kibboutz, quelle part de l’esprit anarchiste, non dominateur et égalitaire se trouvait encore dans les kibboutzim ? Et combien aujourd’hui encore ?

Meron Mendel : Tout d’abord, il faut faire une distinction entre l’époque où j’ai grandi dans le kibboutz, c’est-à-dire de la fin des années 1970 à la fin des années 1980, et l’époque actuelle. Au cours de ces 30 dernières années, le mouvement des kibboutz a connu un grand processus de transformation, passant d’un format fortement marqué par le socialisme à un format capitaliste, un format capitaliste un peu atténué. C’est ce qui est arrivé à mon kibboutz. Je dis "mon kibboutz", même si je n’y vis plus, mais mes parents y sont toujours. De nos jours, beaucoup de ces formes de vie que nous avons connues à l’époque n’existent plus sous la forme d’alors. Mais elles existent toujours.

Même aujourd’hui, dans les kibboutz, les salaires ne sont pas versés sous la forme que nous connaissons dans l’économie de marché capitaliste, mais sont distribués d’une manière ou d’une autre. De ce point de vue, c’est toujours égalitaire. Ainsi, le directeur de l’usine et l’employé(e) de la chaîne de montage reçoivent exactement le même salaire. Quant à savoir si cela sera encore le cas dans cinq ou six ans, j’y mettrais un grand point d’interrogation. Voilà pour la situation actuelle.

Concernant la situation d’alors : à l’époque de mon kibboutz, la réglementation était effectivement très égalitaire. J’ai un peu de mal avec l’anarchisme, parce que c’est toujours la question de savoir comment on définit l’anarchisme. Ce n’était pas "l’anarchie dans le kibboutz", comme on le dirait dans le langage courant. Mais c’était anarchiste dans la mesure où les gens du kibboutz étaient tous égaux. Beaucoup de décisions étaient prises lors de l’assemblée du kibboutz et tous les membres du kibboutz participaient à l’assemblée. Pas nous en tant qu’enfants, mais nos parents, donc tous à partir de 18 ans, ou plutôt à partir de 21 ans. Après le service militaire, on pouvait postuler et être admis comme membre du kibboutz. On a alors un droit de vote égal et équivalent à celui de quelqu’un qui a peut-être cofondé le kibboutz.

Et c’est ainsi que le samedi soir, tous les membres du kibboutz se sont réunis dans la salle à manger. Il s’agissait alors de prendre des décisions graves, par exemple : "Allons-nous construire une nouvelle usine ?" ou "Devons-nous plutôt dépenser l’argent pour l’éducation ou pour la consommation ? C’étaient de grandes décisions. Ensuite, de nombreuses petites décisions étaient également prises en commun. Si un membre du kibboutz voulait étudier, par exemple la philosophie, on votait pour savoir si cela avait du sens ou s’il ou elle devait peut-être plutôt étudier l’agriculture, parce que cela correspondait davantage aux besoins du kibboutz. C’est précisément sur ce genre de choses que les décisions ont été prises.

Au-delà de cela, ce qui m’a affecté, c’est l’éducation dans les kibboutz. La famille classique était pratiquement abolie d’une certaine manière. Tout le monde savait bien sûr qui était papa et maman, qui étaient les frères et sœurs, on se rencontrait aussi tous les jours. Mais c’était pour une période relativement courte, c’est-à-dire de 16 heures à 19h30. Le reste du temps, on le passait avec les jeunes du même âge dans le groupe de pairs. Cela a commencé très tôt. Les bébés dormaient dans les maisons d’enfants ou les maisons de bébés, les mères venaient à des heures précises pour allaiter par exemple. C’était le quotidien. Le groupe de pairs, c’est-à-dire les jeunes du même âge, avait même presque plus d’importance que les parents ou les frères et sœurs.

Peut-être le dernier aspect : le travail a toujours été une partie importante de notre quotidien. Là, le travail physique avait une très grande importance. On était moins considéré en fonction de ses capacités mentales, intellectuelles. Si l’on voulait féliciter quelqu’un, on disait : "Oui, c’est un travailleur assidu". Si on voulait dénigrer quelqu’un, on disait que c’était un fainéant.

C’était la pire des choses. Nous avons été intégrés dans ce monde du travail dès notre plus jeune âge. Aujourd’hui, on appellerait cela le travail des enfants, mais à l’époque, ce n’était pas du tout connoté négativement. On commençait très tôt, dès la première ou la deuxième classe. Très vite, on a été intégré dans le domaine de travail normal du kibboutz. Au début, on ne travaillait que deux à quatre heures après l’école. Plus tard, nous avions cinq jours d’école et une journée de travail où nous travaillions normalement avec les adultes dans les champs, dans les plantations, avec les poules dans le poulailler ou avec les vaches, donc le travail était un aspect très important.

GWR : La situation actuelle en Israël est criante. D’un côté, il y a un fort mouvement social extraparlementaire de masse qui manifeste avec jusqu’à 150.000 personnes contre les plans autocratiques du gouvernement d’extrême droite de Netanyahou. D’un autre côté, le gouvernement tente d’abolir de facto la démocratie en Israël en supprimant la séparation des pouvoirs et d’instaurer une autocratie. Comment vois-tu la situation actuelle ? La société civile israélienne s’oppose aux projets antidémocratiques du gouvernement. Comment vois-tu les possibilités de soutenir les mouvements sociaux d’une part en Israël et d’autre part ici ? Quelles perspectives vois-tu ?

Meron Mendel  : Cela fait beaucoup de questions. Tout d’abord sur cette situation sur le terrain. C’est en effet incontestablement le gouvernement le plus à droite qu’il y ait jamais eu dans l’histoire d’Israël. En Israël, depuis 1977, il y a des gouvernements qui ont tendance à être plutôt de droite, si nous sommes bienveillants, des gouvernements conservateurs au pouvoir, qui ont déjà commencé des processus qui nous sont présentés maintenant dans toute leur laideur. Cela n’a pas commencé fin décembre de l’année dernière. Il s’agit de nombreux processus qui durent depuis longtemps : radicalisation surtout des religieux, aussi bien des juifs ultra-orthodoxes que de ceux que l’on appelle les nationaux-religieux, ce que l’on appelle souvent le mouvement des colons. Ces groupes de population, qui ont tendance à devenir de plus en plus importants, pour la simple raison qu’ils ont tout simplement beaucoup d’enfants. On peut parler d’une moyenne d’un plus ou moins huit enfants par famille, pas seulement depuis hier, mais depuis la création de l’État en 1948.

Ces groupes de population se sont de plus en plus éloignés vers la droite. Ils sont désormais très à droite de l’échiquier politique. Les mouvements de colonisation, qui n’ont cessé de prendre de l’ampleur depuis les années 1980 et 1990, s’immiscent également dans différents centres de pouvoir en Israël, dans l’armée, dans l’administration, dans la politique.

Les fruits de cette évolution sont aujourd’hui clairement visibles. Si l’on regarde le premier gouvernement israélien de David Ben Gourion, il y avait deux ministres dans tout le cabinet qui portaient la kippa, c’est-à-dire qui étaient des religieux modérés. C’était un tout autre type de religiosité qu’aujourd’hui. Aujourd’hui, les trois quarts des membres du cabinet Netanyahou sont des orthodoxes ou des ultra-orthodoxes. Si l’on regarde les différents ministres du cabinet, on doit constater que pour eux, la démocratie ne fait pas forcément partie de leurs valeurs, c’est le moins que l’on puisse dire.

GWR : Comment gèrent-ils cette situation ?

Meron Mendel : C’est toujours la question de savoir comment on se positionne par rapport à Israël. Je veux dire qu’on peut aussi être indifférent, cela fait partie de notre réalité. Je regrette beaucoup ce qui se passe au Sud-Soudan ou dans le Haut-Karabakh ou dans de nombreuses régions du globe. Je dois avouer, à ma grande honte, que je ne fais pratiquement rien pour aider les gens là-bas. Il n’y a donc aucun impératif à soutenir Israël ou à encourager le mouvement démocratique en Israël. Mais parce qu’en Allemagne, cette amitié avec Israël est toujours tenue en haute estime, surtout depuis 2008, depuis que Merkel s’est exprimée devant la Knesset et a déclaré que la sécurité d’Israël était la raison d’État allemande, on peut aussi considérer ces notions de manière critique. C’est ce que je fais de manière très détaillée dans le livre. Mais si l’on veut prendre cela au sérieux, il faut aussi admettre qu’Israël se trouve aujourd’hui dans une crise existentielle, que son existence est sur le point de basculer.

Bien sûr, Israël a toujours une armée très forte et peut bien repousser les ennemis de l’extérieur, mais l’ensemble du système, du moins le système démocratique en Israël, n’a probablement jamais été une démocratie libérale pure. Mais les éléments libéraux de cette démocratie risquent désormais de disparaître complètement. Pour ceux qui se définissent comme des amis d’Israël, il s’agit alors en tout premier lieu, y compris pour nos hommes et femmes politiques, de repenser la relation et les positions : comment peut-on établir ou développer une relation avec un tel type d’Israël ? Nous avons vu en mars de cette année ce qu’il en était lorsqu’il y a une sorte de "continuer comme ça". L’un des premiers hommes d’État à avoir invité Benjamin Netanyahou à effectuer une visite d’État a été notre chancelier Olaf Scholz.

C’était une décision que non seulement moi, mais aussi des milliers d’intellectuels israéliens, dont l’écrivain David Grossmann, avons vivement critiquée. En ce sens, Scholz s’est défendu en faveur de Netanyahou, alors que le président américain Joe Biden, par exemple, a dit très clairement qu’il n’inviterait pas Netanyahou à Washington tant que ses projets de suppression du pouvoir judiciaire ne seraient pas retirés.

Mon interprétation est que ce sont précisément ces schémas de pensée, selon lesquels nous devons être du côté d’Israël, que la sécurité d’Israël est la raison d’État allemande, et ainsi de suite, qui font que nos hommes et femmes politiques pensent qu’ils sont contraints de toujours être du côté de la politique israélienne. Mais si être du côté de la politique gouvernementale israélienne signifie poignarder dans le dos la société démocratique en Israël, alors c’est une politique désastreuse.

GWR : La revue Graswurzelrevolution est depuis 50 ans membre associé de la War Resisters’ International (WRI), c’est-à-dire de l’Internationale des opposants à la guerre, qui compte 90 organisations dans 40 pays (6). En Israël, nous sommes en contact avec le mouvement antimilitariste New Profile et nous avons soutenu des anarchistes comme "Anarchists Against the Wall". Nous cherchons à savoir où il y a des groupes antimilitaristes, émancipateurs et anarchistes que nous pouvons soutenir. En Israël, il y a longtemps eu un mouvement de base relativement important. Nous avons eu de bons contacts avec des objecteurs de conscience en Israël. Même un neveu de Netanyahou a refusé de faire son service militaire et a été emprisonné pour cela. A l’époque, nous avons mené une campagne de solidarité pour lui avec d’autres groupes WRI. Il y a des mouvements sociaux et une société civile forte en Israël. Quand 150.000 personnes manifestent dans les rues là-bas, c’est comme si 1,5 million de personnes descendaient dans la rue ici, par rapport au nombre d’habitants. Quels groupes émancipateurs soutiendrais-tu ?

Meron Mendel : Tout d’abord, je dirais qu’il est judicieux de soutenir les groupes qui font le lien pas seulement avec la démocratie et la droite libérale au sein du pays central israélien. Ceux qui attirent l’attention sur le fait que l’occupation de la Cisjordanie depuis plus de 55 ans et la relation avec Gaza contribuent à ce qu’Israël se trouve si bas méritent d’être soutenus. Cette gauche est encore relativement petite, même dans ce grand et impressionnant mouvement de protestation. Je pense que les choses bougent en ce moment. Dans de nombreuses conversations que j’ai dans le pays, je remarque qu’un certain changement de perspective s’amorce lentement.

Si être du côté de la politique du gouvernement israélien signifie poignarder dans le dos la société démocratique israélienne, alors c’est une politique désastreuse.

On voit aussi dans les manifestations de plus en plus de groupes qui font référence à l’occupation. D’ici et avec des chercheurs américains, nous avons écrit une lettre intitulée "The Elefant in the room", dans laquelle nous disions que l’éléphant dans la pièce est l’occupation, et qu’on ne peut donc pas parler de la désintégration de la démocratie israélienne sans souligner en même temps qu’elle va de pair avec l’occupation. Quand on voit dans les manifestations le slogan "l’occupation nous occupe", ceux qui disent cela veulent dire le fait que beaucoup de jeunes Israéliens sont mis dans le rôle d’occuper d’autres personnes. Il s’agit de nombreuses formes, subtiles ou non, de violence et d’oppression. D’un autre côté, nous voyons aussi que ce mouvement de colons devient de plus en plus affamé.

On pourrait penser qu’ ils sont de l’autre côté de la ligne verte, c’est-à-dire dans les territoires palestiniens, qu’ils ont tous les privilèges là-bas, qu’ils reçoivent beaucoup d’argent et qu’ils vont pour ainsi dire laisser tranquille le cœur du pays, Israël.

Ce n’est pas du tout le cas, car ils veulent détruire tout ce qui les empêche de mettre en œuvre un apartheid là-bas. Du point de vue des colons, la Cour suprême est avant tout un obstacle à la spoliation de nouvelles terres palestiniennes et à l’extension de nouvelles colonies. L’appétit des colons ne connaît pas de limites. C’est pourquoi ils sont le fer de lance de ceux qui veulent saper la démocratie israélienne et démanteler la justice.

Je pense qu’il faut regarder de près quels sont les objectifs que les organisations sociales se sont fixés, aussi bien la sauvegarde de la démocratie israélienne que l’exigence de la fin de l’occupation.

GWR : Dans ce contexte, connais-tu des groupes que tu pourrais nous recommander ?

Meron Mendel :
Bon, je connais beaucoup de choses, mais si j’en cite cinq maintenant, je n’en nommerai pas dix. Ce serait méchant. Je viens de la pédagogie. C’est là que bat mon cœur et je vais peut-être dire où je soutiens quelque chose. Je soutiens par des dons une école non loin de mon lieu de naissance, où les enfants palestiniens et juifs étudient de manière égale. Dans chaque classe, il y a toujours un enseignant parlant l’arabe et un enseignant parlant l’hébreu. Je connais cette école et je l’accompagne depuis quelques années. La directrice de l’école est une femme admirable.

On peut dire que ce n’est pas un projet politiquement explosif, mais cela commence vraiment avec les enfants de l’école primaire. C’est peut-être aussi pour l’histoire que je me raconte. Quand je me promène dans l’école et que je vois les élèves de première année qui ont tout juste six ans, je pense à ce qu’ils seront dans douze ans, à 18 ans. L’un sera peut-être soldat et l’autre sera de l’autre côté, alors ils agiront peut-être différemment. C’est pourquoi mon cœur est là où se trouve ce projet.

GWR  : Ça a l’air bien. Tu vis en Allemagne depuis 2001, tu as étudié à Munich et à Francfort, tu es maintenant professeur et directeur du centre de formation Anne Frank. Dans le livre "Parler d’Israël", tu analyses avec pertinence la politique de l’AfD, y compris sa conception de l’antisémitisme. Peux-tu l’esquisser brièvement ? Comment vois-tu la politique de l’AfD ?

Meron Mendel  : L’AfD se présente comme la plus fidèle et la meilleure amie d’Israël, comme le parti qui est du côté d’Israël. Peu de gens savent probablement que, par exemple, le premier projet de résolution du Bundestag pour l’interdiction de BDS (7) venait de l’AfD. L’AfD a fait un projet qui a été rejeté. Mais ensuite, les autres partis se sont sentis obligés de rédiger quelque chose et c’est ainsi qu’en 2019, la résolution du Bundestag condamnant les appels au boycott d’Israël par le BDS et visant à empêcher les activités des groupes BDS a été votée. Dans le livre, on peut lire pourquoi je suis très critique à l’égard de cette résolution. Il est intéressant de constater que l’AfD se range soi-disant totalement du côté d’Israël et pour quelle raison. Donc, d’une part, clairement, cela fonctionne, sous la devise avec les juifs contre les musulmans.

L’AfD lutte contre l’antisémitisme, bien sûr pas l’antisémitisme d’extrême droite, qui est le plus répandu parmi les électeurs de l’AfD, mais l’antisémitisme se trouve toujours chez les autres, c’est-à-dire chez les musulmans, chez les Arabes. C’est une piste et c’est aussi la base de la coopération croissante entre l’AfD et la droite en Israël. Si l’on a vu le fils de Netanyahou sur les affiches électorales de l’AfD en 2020, ce n’est pas un hasard. Il soutient bruyamment l’AfD en Israël.

On dit en Israël que si l’on veut savoir ce que pense le père Netanyahou, il suffit de lire ce que dit son fils. C’est le cas. Netanyahou ne pourrait pas le dire à haute voix, mais il laisse son fils le faire. Il y a quelques mois est paru un livre d’Eldad Beck, qui est le correspondant du journal interne de Netanyahou à Berlin, un livre sur l’AfD, où il plaide pour que la politique israélienne, la droite israélienne, se dirige vers l’AfD. C’est sa proposition et il dit que ce sont nos vrais amis. Ses principales déclarations consistent à dire : "Nous ne regardons pas de près comment vous voyez l’histoire et ce que vous pensez du nazisme - et vous nous soutenez quand nous sommes contre les Arabes".


GWR :
Dans le livre "Parler d’Israël", tu poses la question suivante : "Sera-t-il un jour possible de mener un débat objectif sur Israël ici en Allemagne ?" Le sera-t-il

Meron Mendel : Je me suis donné la peine d’écrire le livre de cette manière et d’en parler avec beaucoup de gens, parce que je pense qu’il y a en tout cas une possibilité de parler d’Israël de manière raisonnable. Là où je vois surtout un problème, c’est dans la politique fédérale allemande. Depuis que Merkel a posé les jalons, presque personne dans la politique fédérale n’ose remettre cela en question. Qu’est-ce que cela signifierait au vu des changements en Israël ? C’est pourquoi je m’entretiens souvent avec des hommes et des femmes politiques et que j’essaie de donner plus de courage aux gens.

C’est dévastateur : lorsque les portes sont fermées et qu’il n’y a pas de micro, on entend des choses très différentes que lorsqu’ils parlent en public. On peut dire que c’est peut-être le cas pour de nombreux sujets, mais je pense que cela a des conséquences désastreuses en ce qui concerne Israël.

GWR : Dans le livre, tu passes aussi en revue deux courants de gauche, les anti-allemands [1] et les anti-impérialistes. De mon point de vue, les anarchistes sont trop peu présents. Les anarchistes non-violents ont des positions très différentes de celles des anti-impérialistes ou des anti-allemands. Cela signifie que nous combattons tout nationalisme, que nous ne soutenons aucun État, mais surtout des groupes anarchistes non-violents et antimilitaristes issus des mouvements sociaux du monde entier. Nous sommes pour ainsi dire assis entre toutes les chaises. C’est ce qui me manque dans ton livre. Sinon, je trouve que ton analyse des groupes anti-allemands et anti-impérialistes est pertinente. Tu l’as bien résumée et avec humour. J’ai lu ton livre avec grand profit et j’aimerais également en recommander la lecture aux lecteurs du GWR.

GR Merci beaucoup pour l’entretien et la musique que tu as choisie pour l’émission de Radio Graswurzelrevolution.

Meron Mendel : C’est moi qui dois remercier. Merci beaucoup.

(1) Meron Mendel : Parler d’Israël. Un débat allemand, Kiepenheuer & Witsch, Cologne 2023
(2) https://villatenhompel.com/2023/09/07/uber-israel-reden/
(3) Radio Graswurzelrevolution est l’émission de radio citoyenne du GWR. L’émission de 55 minutes de Radio Graswurzelrevolution avec Meron Mendel sera diffusée en novembre 2023, entre autres, sur la radio citoyenne Antenne Münster (95,4 Mhz.) et pourra ensuite être écoutée en ligne sur :
https://www.nrwision.de/mediathek/ sendungen/radio-graswurzelrevolution/
Enregistrement vidéo de MünsterTube : https://www.youtube.com/watch?v=08l6UXvs000
(4) Voir : https://www.youtube.com/watch?v=Z6ndeiNDzUE
(5) James Horrox : Gelebte Revolution. Anarchisme dans le mouvement des kibboutz, Verlag Graswurzelrevolution, Heidelberg 2022
(6) Voir : https://wri-irg.org/en/network/affiliates
(7) BDS est une campagne politique transnationale qui vise à isoler l’État d’Israël sur le plan économique, culturel et politique. BDS est l’abréviation de Boycott, Désinvestissement et Sanctions ("Boycott, Désinvestissement et Sanctions"). Voir : https://de.wikipedia.org/wiki/Boycott,_Divestment_and_Sanctions