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Métaphysique III - 1ère partie - Invariance et adaptation
Nouvelles figures de la Métaphysique

Mettre en évidence la permanence de la métaphysique contre vents et marées.

Article mis en ligne le 23 juin 2023
dernière modification le 9 novembre 2023

PLAN Général en trois parties

I - INTRODUCTION : Méta est morte, vive Méta !
II - MÉTAPHYSIQUE ET TECHNIQUE : Lire Jean Vioulac
III - TOUCHE PAS À MON I.A. : To bit or not to bit
IV - ESPACE / TEMPS : le Grand Remembrement
V - LA COMMUNICATION : la nouvelle cléricature
VI - LITURGIE POLITIQUE : les nouveaux rites de la Domination.
VII - CONCLUSION : Jamais sans ma Méta !

Bibliographie complémentaire

  1. Jean Vioulac Approche de la criticité, Philosophie, capitalisme, technologie ; Puf, 2018, 499 pages.
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INTRODUCTION : Méta est morte, vive Méta !

Malgré toutes les attaques et les fourberies d’usage dans la sphère escrologique, la "Bête" résiste et, même, se transforme sans vergogne. A chaque étape, la coupure épistémologique "marcioniste" fonctionne. Si bien que le vulgus pecus [1]ne perçoit pas forcément la vaste entreprise de mise à jour à l’œuvre.

Par ailleurs, on insistera jamais assez sur la nature systémique de la Mt dont elle est la matrice originale. Bien évidemment, un platonisme du Siècle d’or grec l’époque trouverait notre époque d’une hubris folle, un retour du Chaos honni, il ne ferait pas la filiation qui nous lie au Maître Platon. Et pourtant, la Mt sut se moderniser, s’actualiser, faire des mues consanguines pour survivre. L’ordre du monde antique devenu globalisation assure la pérennité. La panzer-philosophie a trouvé une mot merveilleux : Weltanschauung, la vision du monde très chic dans le narratif branché.

Dans Mt II, nous avons suivi la constitution historique de notre ADN, il s’agit maintenant dans comprendre les développements actuels. La démarche relève ni de l’archéologie ni de la généalogie, mais d’une criticité permettant de comprendre les pièges et les enjeux théoriques que nous devons affronter.

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MÉTAPHYSIQUE ET TECHNIQUE : Lire Jean Vioulac

  • Jean Vioulac : décryptage de la mondéanité.

D’abord, je renvoie aux deux recensions des principaux titres de cet auteur dans la rubrique Notes de lecture. Jean Vioulac sait parfaitement lier érudition, mondanéité et criticité. Ici, je me contente de synthétiser ses apports fondamentaux à la compréhension de situation actuelle.
Cette première partie de Mt3 cadre les points suivants de notre démonstration.

  1. Vioulac met en évidence la "Nouvelle Métaphysique" issue de Marx et Heidegger, les deux Saint-pères de notre univers intellectuel fondateurs d’un renouveau dramatique de la pensée gnostique de l’histoire. Le premier vise l’avenir, le second opte pour une régression ad nauseam vers la pensée grecque première que, sans modestie, il projette de refondre. Nous reviendrons dans le détail sur cet auteur Grand-maître de la Panzer-philosophie. [2]
  2. La technique est le propre de l’Occident dont l’accélération culmine avec la révolution industrielle et ne cesse de progresser de façon exponentielle.
  3. Logos + Métaphysique fondements de la technique qui devient le nouvel Être, incarnation du Capital, maître des pauvres erres (étants-là).
  4. La main cède devant la poussée irréversible des instruments. L’artisan devient une pièce détachée de la machine (Luddites et Soyeux), première connexion du cerveau à un artéfact externe (externalisation réticulaire).
  5. L’esclave est lui-même dans le cadre grec un instrument du mode de production de cette époque. L’instrument peut-être carné, la machine est incarnée.

  6. Ce processus accompagne la sédentarisation dans des Cités souvent portuaires. La Terre et la mer sont les mamelles du nouveau monde qui s’amorce sous le soleil méditerranéen. On assiste du côté à la première mise sous coupe de la Nature qui devient culture au deux sens du terme.
  7. La pensée grecque affiche sa double volonté dominatrice et profanatrice du monde, si bien que :
  8. Le couple infernal Philosophie / Technique opère un mouvement de délocalisation du couple main / Cerveau : externalisation et constitution de prothèses. Le tout sous le couvert d’une réticularisation, une mise en réseau.
  • Les concepts-clés de Vioulac.
    Au fil de ses recherches, Jean Vioulac a forgé un vocabulaire d’une utilité indéniable pour comprendre notre présence au monde. Les rapides et radicales transformations des dernières décennies obligent à repenser nos outils lexicaux. Les concepts mis en avant par Vioulac me paraissent indispensables pour prendre à bras le corps la question de notre insertion dans un monde qui nous échappe de plus en plus et qui mute tous les dix ans.
  1. J.V. (Jean Vioulac) pose d’emblée la redoutable question "Comment penser aujourd’hui et comment sortir des crises qui secouent comme des répliques tectoniques la philosophie et notre univers mental, instrumental, économique et politique.
  2. Dispositif. Ensemble de l’organum (instrumentation) planétaire régulé ne laissant aucune espace de différenciation, de contraction ou de simple pensée. Déjà Francis Bacon (1561 - 1626) intitule son oeuvre majeure Novum organum et fonde la première méthode scientifique. Le personnage à la fois philosophe, scientifique, homme politique et juriste marque la naissance de la modernité. Son empirisme part à l’assaut de la connaissance. Le Dispositif se veut global, universalisant, il induit un impérialisme centré sur la domination à travers de multiples instruments concrets ou abstraits.

    Constat complémentaire :

    J.V. caractérise notre époque en démontrant sa systématicité comme celle de la Mt.

  3. Appareillement. Ensemble des prothèses et des instruments nécessaires à l’expansion du capitalisme et à la domestication des populations. La finalité visée et l’occidentalisation du monde par la généralisation d’un monde de production universel.
  • 1 – La totalisation. J.V. se place directement sous la bannière de Marx : « La totalisation constitue la logique même de la modernité occidentale » (p.227). Elle n’est pas monolithique, ce qui serait une faiblesse inexpiable, mais polymorphe : politique, sociale et économique depuis la révolution industrielle. Toutefois, l’État n’est pas son archétype. L’immanence caractérise le totalitarisme nouveau, l’économie sert d’agent viral.
  • 2 – Logique de l’argent.
    • L’échange. Ce concept, déjà présent chez Aristote (le mouvement) devient la base de l’échangisme économique : la partouze comme schème de la mondéanité. C’est lui qui fonde le marché. L’échange est un mouvement perpétuel, un mécanisme fou que rien n’arrête.
    • Argent et puissance. La monnaie la valeur absolue de l’échange. C’est « un objet concret et utilisable », une médiation mesure de toute chose concrète ou abstraite. L’argent comme produit naturelle n’a pas de pouvoir, il est le pouvoir. Il est intimement lié à l’État qui lève des impôts. Marx décrit parfaite tous les arcanes de la monnaie dans le Livre I du Capital. Avec lui, nous savons que l’invention de la monnaie est reconnaissance de sa valeur sociale.
    • Fétichisme et mysticisme. « L’échange via la monnaie est la méthode immanente par laquelle les hommes mènent au paraître leur essence commune » (p. 257). Le passage du troc à la monnaie soit valeur d’échange = prix produit une inversion. De plus, il implique l’apparition deux mécanismes fondamentaux : la médiation qui provoque un changement de nature démiurgique (la monétarisation = activité médiatrice quasi magique ce qui fait qu’elle pénétra dans le pathos comme le couteau dans le beurre forcément mou de l’époque). Cette aliénation pure dans la sphère de l’immanence, Marx l’appelle fétichisme qui sous-entend un mysticisme, une inversion qui transfert une valeur transcendante et une activité subjective pure (immanence). Le matérialisme devient donc une mystique fallacieuse, même une gnose : l’argent met en relation direct les individus avec la valeur. Le Veau d’Or de la Torah n’est pas une fable ni un symbole, mais une renonciation pour l’immédiateté sonnante et trébuchante. La monnaie constitue l’appareillement de base du K.
      En résumé : Argent ⇔ Médiateur universel ⇔ figure de Dieu ⇔ immanence du Capital (K) par la marchandise.
  • 3- La métaphysique, travail et argent.
    • Husserl : la Krisis. On doit à Husserl d’avoir dans les années 1920 / 1930 d’avoir démontrer que « la crise européenne s’enracine dans l’erreur d’un certain rationalisme. » Cette erreur s’appelle « l’objectivisme ». La modernité est crise, il n’y a donc pas de crise de la modernité, mais consubstantialité. J.V. poursuit la démarche fondatrice avec une précision de métronome. La mathématisation et la logique deviennent les nouveaux fétichismes de la métaphysique mise à jour, étape principielle de la sécularisation dont nous sommes les héritiers et les fidèles. Refuser cet héritage est considéré comme des signes de régression passéiste, voire d’une pulsion douteuse. (la lecture de Vioulac ou à défaut la notice sur ses livres apporte des outils fondamentaux à la compréhension de notre situation actuelle.
  • 4- L’essence de l’être comme production : Heidegger.
    • Le travail, comportement fondamental de l’existant. J.V. dut téter du Maître, passage obligé de tous postulants à des fonctions académiques. Il fait de Heidegger une analyse au scalpel. Le Moustachu base sa philosophie sur un retour aux sources grecs, moment fondamental de la « conceptualité occidentale » qui dit, tout bêtement, la réalité. « Le connaître n’est qu’une appropriation et une façon de ratifier ce qui a déjà été mis à découvert… » Bref, penser serait, alors, enfoncer des portes ouvertes. Parlant du potier (l’homme qui met la main dans la terre, destin fatal d’un pue-la-sueur), il précise que « la chose produite l’est le regard fixé sur l’aspect anticipé de ce qui est à configurer ». Ce processus généalogique du concept met en évidence l’attitude primaire de l’ergon, le travail. J.V. commente « le travail se voit reconnu dans sa puissance ontologique primordiale. », « la puissance primordiale de l’histoire est par suite celle du travail ». La métaphore du potier s’arrête très vite, car il est bien évident que le vrai travail est strictement encéphalique (en un ou deux mots).
      Travail ⇔ Puissance ⇔ Histoire, nous retrouvons, dans cette formule, une nouvelle Trinité. La métaphysique colle à nos basques comme la vérole sur le bas-clergé. L’appareillement commence donc dès la grécitude, sa véritable nature réside dans sa capacité d’adaptation.
  • 5 - L’argent comme objet de la synthèse communautaire : Sohn-Rethel.
    La genèse de la théorie dans le cadre d’une ontologie sociale. « L’avènement de la philosophie est contemporain de la monétarisation des échanges dans toutes les cités grecs » par extension :
    Démocratie ⇔ Fonctionnariat ⇔ Monnaie ⇔ Économie.
    J.V. s’appuie sur le trop méconnu Sohn-Rethel qui a le mérite de mettre en rapport la technique de la mesure avec la monétarisation comme abstraction concrète qui peut se schématiser :
    Métaphysique ⇔ Abstraction ⇔ Transcendance/immanence.

Sohn-Rethel insiste sur le fait que « la connaissance de la nature n’est pas une capacité originaire de l’esprit humain, mais bel et bien le produit de développements sociaux déterminés ». Le savoir est le résultat de l’expulsion du travail manuel, les esclaves prennent le relais ce qui permet aux maîtres de focaliser sur la cogitation. La sueur sert de repoussoir aux hautes spéculations. L’esclavage se révèle à la fois mode de production et nécessité pour acquérir de la connaissance, activité consommatrice de temps libéré. La pensée est une valeur ajoutée pompée sur le travail. Le penseur se définit comme « inspecteurs des travaux finis ».
En résumé :
Métaphysique Monnayage conséquence du principe idéalisation/abstraction de la valeur d’’échange.
L’auguste Héraclite avait parfaitement compris (il était prêtre dans un temple) :
« Du feu, en échange de toute chose, et de toutes choses le feu,
Comme l’or, en échange les marchandises et des marchandises, l’or. "

L’argent institue de facto une communauté, d’abord celle des penseurs / propriétaires tributaires des esclaves / producteurs. La tête s’émancipe de la main : triste dichotomie dont nous payons encore la facture.
Toutefois, la monétarisation constitue un monde commun à la fois aux deux parties, donc :
Monnaie ⇔ Communauté.
Sohn-Rethel : « Les concepts purs de objets sont lié à l’élimination consciente de la société dans l’acte de pensée, ils sont en quelque ce qui subsiste une fois que l’on fait complètement abstraction du social ».

J.V. a parfaitement raison de dire que « l’argent objective la métaphysique », thème fondamentale qu’il convient de suivre pas à pas.

MÉTAPHYSIQUE PROFONDE.

J.V. démontre que la Mt possède deux principes profondément enfouis dans son pathos. Paradigmes dont nous ne percevons plus l’évidence tant ils font partie de notre « Grund » (Fonds de commerce). De plus, ces deux syndromes ayant muté au cours des siècles, leur identification devient hasardeuse. D’autant comme la Mt originelle, ils ont su enrober leur nocivité dans le sucre de la modernité. (Bonjour les caries ! et le diabète systémique !).

  1. – La TOTALISATION.

« Au Commencement était la panique » fruit de Chaos (de moins sa perception) et du Tout indispensable à la thérapie phobique. Le Chaos = Pathos originel de l’embryon de la pensée occidentale. « Tout est dans Tout et son contraire », le trauma héréditaire : 0 = 0, la tautologie mère porteuse de la philosophie naissante. La Grécitude propose une panacée : le Logos qui seul permettra de sortir de l’indifférenciation. Les ténors grecs (Platon, Aristote) mettent au point une « méthode » palliative : la dialectique et la logique. Le Logos devient la Totalité en son essence logique. Cette science qui sauve du Chaos c’est la Métaphysique.

J.V. décortique avec finesse les arcanes de notre matrice sapientielle. Le diagnostic est sans appel ; Le Tout mute en concepts collatéraux : Infini, Être, Absolu, Totalité, Dieu… bref des mots pour masquer les maux. Une tyrannie du Logos s’impose, premier stade de la pensée occidentale. Cette tyrannie, onirisme ou onanisme du logos, son ombre portée sur le réel.

« Le propre de la métaphysique est d’instituer la Raison pure en seule et unique instance de critique »

Il faut attendre Kant pour que cette dictature soit remise en question à travers les centaines de pages des quatre Critiques. Le Prussien propose de dissiper l’illusion mystique de la Totalité. Kant ajoute une dimension concrète au Hors-sol absolu : la subjectivité. La question de la Mt n’est plus celle de la connaissance, mais de l’action. « La vérité ne peut être connue, mais elle doit être faite. » La volonté individuelle, un Moi / Je encore nimbé de scories, se prolonge par le rassemblement de l’humanité en une communauté éthique et agissante.

Avec Kant, la Mt amorce une mue, l’épiderme pèle et se régénère, tel le serpent satanique, mais la nouvelle peau cache le venin toujours là. La perfidie s’enfonce encore plus dans le pathos. Cette sécularisation occulte les fondements et la mystique dénoncée au début de la démarche critique kantienne pour devenir une mystification redoutable. Kant défonce une porte et laisse le champ libre aux pires dérives totalitaires.

Hegel franchit le Rubicon, il s’engouffre dans la brèche ouverte dans la digue. Tout aussi prolixe que son prédécesseur, il impose une nouvelle mutation à la Mt. Au passage, notons que les cadences s’accélèrent, la machine à endoctriner suit les transformations historiques et économiques.
Il propose une nouvelle critique : le système. Le cauchemar de la modernité a trouvé sa matrice. Le je signifie j’en suis kantien, mais Hegel l’inclut comme élément du Système Absolu de Liberté. Terrible méprise et retour à un nouveau Logos pervers, car le Je devient individu (atome corporel, souvent incorporel d’ailleurs) « résultat d’un processus d’individuation de l’Universel . Maintenant, l’Absolu pense en se pensant lui-même. Sommet du nombrilisme démiurgique. Les dégueulis hégeliens parfument son temps et fondent la modernité radicale dont nous peinons encore à ventiler les miasmes.

J.V. démonte avec brio les méandres de la pensée du gourou. « Le Vrai est Tout. Mais le Tout n’est que l’essence s’accomplissant par son développement. » Retrouvailles funestes avec les vieilles lunes de la Mt. L’eschatologie et l’Absolu comme les habits neufs de Dieu. La formule A (atomisation)⇔ C (concentration, holisme). L’hégélianisme pousse le bouchon à son ultime logique totalisante. Après Platon, il plagie et réintroduit Aristote (théoricien incontournable de la MT) « l’activité est l’essence de l’Esprit », introduction du « bougisme » : «  Je bouge, donc je suis dans le Tout »
Quelques délires hégéliens précurseurs :

  • Histoire : point névralgique de la pensée hégélienne, elle « est la réalisation de l’Idéal, l’auto-effectuation de l’esprit, c’est-à-dire la production d’un monde spirituel ». Toujours cette fatalité du recyclage des vieilles recettes de la Mt. La Révolution industrielle de l’époque (le Savoir Absolu de la Machine), la dénaturation (la profanation du monde) et l’holisme trouvent en Hegel son théoricien et son alibi culturel. Est vrai ce qui est efficace. D’autre part, le conformisme devient la morale et l’agir obligé du nouvel Individu : « l’individu n’est vrai que dans la mesure où il participe de toutes ces forces à la vie substantielle et intériorise l’Idée » (P.54). L’individu devient serviteur et instrument proclame la « Raison dans l’histoire ». Hegel abdique devant le Réel instrumentalisé, il se fait « chien de garde » du Capital en cours de déploiement, la Vérité en Actes ! L’histoire, la ruse de la raison
  • L’atomisation et la massification. Principe que nous avons déjà abordé (A &#x21D4 C). L’État est la Loi, donc l’individu est absolument impuissant à produire la loi, puisqu’il en procède intégralement. Critiquer la loi est une forme de banditisme hérétique. Le conformisme se fait morale en actes. La vieille Vertu devient pure et simple obéissance aux lois (p.65). Hegel penseur du système boucle sa pensée : elle théorise la nouvelle tyrannie en la transformant en TOTALITARISME . Le peuple, la masse ne sont pas rationnels, seul l’universel l’est. Masse = Foule : ici Hegel inaugure la sociologie et la psychologie des foules. Hegel déploie une théorie atomistique de l’individu comme corpuscule de la famille, de l’État et n’existant que par sa contribution obligatoire au travail, bref un STO (Service de Travail Obligatoire), la germanitude réserve des surprises !
  • Service, sacrifice, terreur et guerre. L’individu est au service de l’État, stade indispensable de la liberté. En lui, l’Esprit réalise le prodige de « se donner à soi-même son propre contenu. Dieu a trouvé en l’Esprit une nouvelle soutane. Tout lui est subordonné. Les individus sont devenus les « soldats de plomb » de l’autoréalisation de l’Absolu de l’État. La soldatesque se sacrifie sur le champ de bataille de l’Histoire. Vioulac cite les nombreux passages dans lesquels Hegel s’épanche sans retenue sur le bonheur de réaliser la grande destinée de la Liberté comme aliénation de soi, la pure Terreur du devenir, le dernier mot de l’Histoire. Malheur à qui s’opposerait à son érection. L’État a le devoir d’utiliser sa puissance pour éliminer la singularité (la désobéissance d’un je rebelle) c’est-à-dire le tuer. Robespierre et consorts trouvent en Hegel leur disciple zélé. La forme État devient universelle et système d’application de la novelle Raison. La métaphysique rêva de le faire, Hegel et sa bande de technocrates le conceptualisèrent avec brio. La guerre comme sacrifice, aliénation volontaire de soi et stade supérieur de la réalisation de soi, est aussi le moment le plus élevé de l’État. Liberté &#x21D4 Aliénation, encore une formule choc de la modernité fille des Lumières. Hegel en glorifiant la guerre (la violence pure et sublime) sublimise l’Absolu de l’État, il en fait une Totalité organique, la puissance de la métaphore suffit à valider son système mortifère (p.79-84) dont l’expansion mondiale sera le triomphe. L’État est l’idée pensée effectivement comme monde, par conséquence le Savoir devient Pouvoir.
  • Métaphysique et Totalitarisme. « Tous ce que l’homme est, il le doit à l’État : c’est là que réside son essence  ». Le théoricien du fascisme italien, Giovani Gentile n’innove pas quand il affirme avec Mussolini : «  Tout dans l’État, rien en dehors de l’État, rien contre l’État  ». La postérité de Hegel est effrayante, pas un pan de la théorie et de la pratique politique de notre socle idéologique n’échappe à son emprise. Via la conception organique de l’État, celui-ci est une incarnation quasi christique, le vaste recyclage de la vieille garde métaphysique vient de prendre un coup de jeune, l’hégélianisme comme « jouvence et panacée ». Hegel rejette la conception mécaniste du Léviathan (Hobbes) pour une vision organique du politique. L’« État total » de Carl Schmitt pointe le bout de son nez. On assiste au début de la panzerisation de la pensée occidentale. Vioulac consacre de longues pages à démontrer le lien intime entre métaphysique nouvelle et le Totalitarisme, la théologie cède le pas à la philosophie pure du Tout, triomphe du Logos (Rationnel = Réel). La métaphysique se déploie dans son essence intime celui de système du Logos qui devient l’armature de notre pensée. Hegel utilise la métaphysique comme réduction, condensation de sa pensée. La logique totalitaire de notre univers est en place : la totalisation devient une théologie de la rationalité. Adorno a raison d’affirmer : « La Raison est totalitaire » (p.91). En résumé : Raison ⇔ Totalité ⇔ Totalitarisme, cette idéocratie vient de loin, Platon n’est pas mort, chaque génération le ressuscite avec délectation.

Vioulac termine son développement par une analyse méticuleuse du soviétisme et du nazisme. Léviathan contre Béhémoth (IIIème Reich). Le premier s’appuie sur une pensée mécaniste, l’autre sur un naturalisme organiste. La rationalité de Lénine imite le taylorisme, celle du Führer sur une spiritualisation névrotique et une immanentisation de la sphère politique sur le modèle du divin. Le Parti (Staline) contre la Race (Hitler) résume les deux faces du Totalitarisme dont nous gardons toujours en nous les spires d’ADN.
Dans ce contexte, penser (mais aussi panser) l’anarchisme impose de revenir aux premiers opposants du délire hégelien : Stirner, Kierkegaard et Proudhon.

– LA MASSIFICATION.

La théologisation de la Mt sous la poussée du Christianisme et de la théologie-politique (Théo-pol) avait remplit les églises, convertit les peuples à coup de triques et de goupillons. Christianisme et colonialisme formèrent le couple infernal de l’expansion de l’Occident. Cette première massification prépara le terrain à la seconde vague de totalisation sociologique. On le sait la Mt comporte un volet anthropologique. La révolution industrielle lança l’offensive.

Tocqueville (1805-1859) et le totalitarisme démocratique.

La totalisation est plurielle d’où sa redoutable efficacité. Elle n’est pas une abstraction, mais une « souveraineté » du Tout sur le Réel. La transcendance du Tout (« Tout pouvoir vient de Dieu » (saint Paul, Romains,13, 1) descend d’une manière nouvelle sur terre, grâce à Rousseau elle devient immanence* par le long processus de sécularisation*.

Tocqueville, lors de son voyage en Amérique, découvre les premiers effets de la mise en œuvre de la Démocratie débarrassée de ses scories grecques. « Une grande révolution démocratique s’opère parmi nous » (p.165) diagnostique-t-il alors. Il parle même d’une « cassure irréversible ». « Le passé n’éclairant plus l’avenir, l’esprit marche dans les ténèbres » exprime la stupeur et la hantise de Tocqueville.

  • « La grande maladie démocratique » devient son leitmotiv, une lame de fond, c’est la marche vers l’égalité des conditions, processus de nivellement universel qui mène à l’uniformité générale. La Démocratie implique le conformisme. Homme de l’Ancien Régime, Tocqueville identifie le vice chromosomique de ce qui vient de l’Ouest. Il est celui qui démasque l’arrière-plan de la modernité : l’individualisme comme idéologie politique et économie. Pour lui, « la Révolution Française crut instituer la démocratie contre l’Ancien Régime, en réalité elle fut provoquée par un mouvement à l’œuvre dans l’Ancien Régime ; elle fut la crise consécutive au temps long d’incubation de la «  grande maladie démocratique ». La Révolution se déduit à une irruption cutanée d’une maladie en gestation. La pustule suit l’infection, et ce n’est pas une tumeur bénigne, mais un bubon redoutablement contagieux. L’immanence est bien une maladie de la transcendance, sa phase éruptive dans le corps social et politique. Pour lui, « il n’y a pas de Révolution, mais simplement une réorganisation de l’État, une nouvelle répartition des pouvoirs, d’une redéfinition d’un cadre institutionnel qui laisserait les inchangés les hommes : elle est un processus immanent et irrésistible de transformation de la substance même de l’humain ».
  • Masse et individu. Pour Tocqueville, la Démocratie est un « nivellement universel  », un processus d’uniformisation et d’unification, il y voit un mouvement de fusion des classes sociales. La démocratisation est donc une moyennisation et d’homogénéisation au profit d’un nouvelle classe aristocratique élue, reproductible et corruptible. Cela induit une délitescence continue du lien social. L’alibi démocratique tend à générer une « pax romana » d’une nature nouvelle très efficace. L’aristocratie fonctionnait sur le double lien du sang et de la hiérarchie d’origine religieuse, la démocratie génère une foule innombrable, une massification castratrice, elle est un moyen d’atomisation (homme = particule élémentaire). La formule A ⇔ C fonctionne à plein régime. La tautologie devient atome = masse. L’ancien régime divisait pour régner, le nouveau atomise pour massifier. La démocratie confond l’indépendance (isolement) et liberté, elle fonde une soumission à une abstraction : le Pouvoir, malgré les formes démocratiques : élections…L’homme qui ses chaînes de serf pour celle d’atome en fusion anonymisante. La masse se croit aux manettes, mais elle n’est que la substance de l’immanence totalisante. Le pouvoir transcendant du Roi et de l’Église s’éclate en pouvoirs et en barronnies couvertes par l’onction sacrée du Droit. La machination / Domination a fait peau neuve, la mue assure le nouveau pouvoir par un conformisme éclaté, mais totalement sous contrôle. La Machination fonctionne avec la cohérence de toutes ses pièces qui se croient détachées, mais forment non plus une mécanique mais un organe. Difficile pour un anarchoïde de ne pas y voir la quintessence du « piège à cons ». Bref la Démocratie est un nouvel holisme.
  • La normalisation. « La démocratisation est auto-massification de la masse ». La masse réduit l’individu à la portion congrue. Lors de son séjour en Amérique, Tocqueville constate que le pays fonctionne sans structure étatique forte, mais s’appuie sur des institutions locales, souvent élues, les ligues de vertu, de la bien-pensance conformiste. L’immanence irradie le corps sociale et politique. A part quelques exceptions, l’anarchie, le chaos s’estompent rapidement. L’invisibilité caractérise ce pouvoir de masse. Le refus de toute soumission à toute autorité transcendante est le principe même de l’« égalisation ». Chaque corps social : village, villes… ne peut compter que sur lui-même. Tocqueville constate l’absence de liberté d’Esprit. Le conformisme règne comme ossature à travers des normes issues des multiples courants du christianisme. La population américaine d’origine européenne regroupe les exclus et les persécutés du continent-mère dont la volonté hégémonique et coloniale sera vite battue en brèche. La religion américaine s’appuie sur la ritualisation de la vie sociale, le conformisme, la fierté de l’exclu qui trouve un eldorado et des terres à profusion. Le Commun devient la Norme une « Raison publique sans organe » (p.191). Démocratie ⇔ Conformisme, la Bible devient la référence inaliénable et la libre pensée une abomination. Le conformisme génère une tyrannie de masse et à côté des multiples clergés, (expression de la liberté religieuse) apparaissent de nouvelles manipulations : manipulateurs d’opinion (prédicateurs), publicistes, (ce n’est pas pour rien que les principaux modèles du capitalisme : markéting, ordonnancement, logistique… nous viennent de l’Amérique. Bref la démocratie est une grégarisation, une quasi déshumanisation. Les autochtones (Amérindiens) paieront le prix fort de ce rouleau compresseur bouffi de bonne conscience et d’âpreté aux gains. La propriété (terre) c’est à la fois le vol et la Liberté. De la misère des premiers colons à la richesse comme étendard.
  • Politiques de la Démocratie. Tocqueville constate avec stupeur que l’avènement de la Démocratie coïncide avec son inversion des valeurs qu’elle prône. La démocratie politique reste un alibi et favorise une puissante mise en avant du social. Les lois américaines expriment cette primauté du social et de son double individuel : le port d’arme reste encore un acquis, comme le droit de chasse pour la paysannerie française. Ne Touche pas à mon arme, car mon arme est mon âme, le slogan de la démocratie sociale. Le centralisme de la Révolution Française trouve en Amérique son antinomie, bien que le Pouvoir central américain tente en permanence de grignoter celui des États (cf. Henri Lefebvre…). La pulsion démocratie se veut produit de libération à exporter chez les peuples encore dans les limbes de la sauvagerie… Le Droit devient l’ « arme fatale » de la Démocratie. La bureaucratie cherche à perfectionner sans cesse le processus de massification, rien ne peut lui échapper, les « espaces de libertés » se réduisent et ouvrent la porte aux survivalistes de tous poils. Tocqueville démontre que la démocratie « est un despotisme » et un « totalitariste » d’une efficacité incomparable. La Monarchie a failli, vive la Démocratie : l’exosquelette du monde à venir. Tocqueville rejette aussi le suffrage universel, car agent opérationnel de la massification. On s’en doute, le socialisme lui donne des boutons, car son hypnotisme pour l’État tout puissant lui paraît comme « la maladie terminale de la folie démocratique ». La guerre n’est plus civile, mais servile, une sorte de combat non de classes, mais de couches sociales, puis plus tard, raciales. La politique se définit par la décentralisation et la création de corps intermédiaires destinées à endiguer la masse et à multiplier les pares-feux. L’antinomie de Démocratie : créer la massification et réduire les risques de déviances. La Démocratie est l’organisation minimaliste de la servitude volontaire.
  • Obsolescence de la théodicée. La massification des sociétés engendre un processus totalitaire irréversible, les antiques vertus aristocratiques pourrissent dans les fosses communes de l’Histoire en compagnie des pulsions révolutionnaires. Tocqueville est le premier à comprendre le « péril démocratique » et le basculement totalitaire qui est son essence. Si le cow-boy gardait les bovidés (grégarisation), en fin de compte, il participait à la création de l’essaimisation (et non l’essaimage) : le devenir insecte de l’individu, l’essaim comme destin de l’humanité, tel est l’ « avènement apocalyptique de l’humanité ». La démocratie (donc le libéralisme) est l’aboutissement du christianisme : tous égaux devant le Créateur, la nouvelle devise totalisante. La Démocratie réalise l’obsolescence de la théodicée, elle est la seule et vraie Révolution, celle qui perdurera « quoiqu’il en coûte ». C’est la réalisation du Mal dans et par l’Histoire. On ne lutte pas contre la Démocratie : ce serait lutter contre Dieu. La Démocratie est la Main Invisible de Dieu, sa punition ultime. Tocqueville se résigne au triste constat. Difficile de lui donner tort, « Auschwitz signe la fin de la théodicée », il « révèle l’essence même de la modernité occidentale », l’impensable devenu réalité. Le génocide des Amérindiens n’était qu’une mise-en-bouche dont l’importance passa inaperçue, sauf des victimes. Vioulac : « Penser la modernité occidentale impose de mettre au jour sa logique exterminatrice ». Le tout sous le glaive de la race blanche. « La destruction Finale » commença sous le signe de croix latino avec l’âpreté sauvage du gain, mais la Démocratie « spiritualise le despotisme et la violence ». La barbarie latino cède devant l’extermination froide, efficace, organisée, sans qu’aucun traité de paix ne soit respecté. Le droit comme « touche-cul », chiffon de papier, la Démocratie nait dans le reniement de soi sans vergogne. Indiens, bisons, saumons, mêmes massacres. La famine repousse les frontières autant que les fusils et la variole. Il serait trop facile d’accuser les Américains, car ils ne font que développer à leur tour l’impérialisme européen, expression par excellence de la supériorité de « la civilisation européenne » : « s’assimiler ou mourir ». Beaucoup d’Amérindiens refusent « car ils méprisent notre manière de vivre » écrit Tocqueville. Pour eux, le travail du blanc est une déchéance pure et simple. L’extermination n’est pas un « reste de sauvagerie primitive », mais l’effet direct de la totalisation. Pour le fun : « Dieu, en refusant à ses premiers habitants la faculté de se civiliser, les a destinés par avance à une destruction inévitable ». Si la théodicée a disparue, elle cède la place à une logodicée dont la rationalisation des massacres est l’actualisation de son essence. Logos ⇔ Domination ce qu’il fallait démontrer, mission accomplie par l’extension européenne.
  • L’esprit de négoce. L’égalité n’existe qu’en Eden, puis finalement au jugement dernier. Entre deux, l’Histoire est le règne de la barbarie organisée, logogisée, bénite et incontournable. Tocqueville souligne avec perspicacité que le passage du nomadisme au sédentarisme qui impose un « mode de production » : le négoce, stade primitif du monde moderne. Les premières civilisations : Égypte, despotisme orientale etc. induisent la maîtrise de la massification tout en respectant les rythmes des saisons. La révolution industrielle libère de la servitude du sol et de l’espace. Dès 1835, Tocqueville constate l’importance de l’exode rurale dont il perçoit les conséquences inéluctables. L’agriculture souffre, le commerce explose. La propriété industrielle prend le dessus et couvre l’Europe. La féodalité cède devant la charge héroïque des capitaux libérés de la propriété terrienne. Extralucide, Tocqueville constate la primauté du travail sur la rente (donc l’oisiveté). Le mépris du travail aveugle, surtout s’il est lié à un désir de profit. Le salariat devient la condition humaine avec en prime la mobilité. Le chemin de fer est l’exemple type. La vapeur sur la mer et sur la terre démultiplie le négoce. Tocqueville anticipe le constat d’Engels dans La Situation des classes laborieuses. Le gouffre entre les capitalistes et les travailleurs remplace l’ancien fossé entre la noblure et la roture. Tocqueville constate aussi que le passage d’une classe à l’autre devient possible, ce qui fonde la mythologie américaine du « self made man », le vendeur de cacahuètes n’est plus condamné à son triste destin. La massification et la démocratisation par le social autorise les passages et perpétue le mythe. L’argent est la marque, le sceau de la classe dirigeante, le titre de noblesse et la gloire du passé n’ont plus d’importance. La modernité naît dans cette Amérique que visite Tocqueville. L’argent devient « l’intercesseur universel », il est « la puissance d’atomisation du corps social ». Tocqueville décrit l’Homo démocraticus centré sur la recherche du profit comme valeur supérieur, le profit n’est pas une transcendance, mais une valeur sonnante et trébuchante universelle à a portée de tous. Ici, on trouve un accent stirnérien « l’individu ne juge que par lui-même, il juge surtout pour lui-même ». L’intérêt n’est pas égologique mais égocentrique. Le calcul en vue de l’utilité motive l’activité humaine. L’argent est le signe extérieur de richesse et de sociabilité. Le pouvoir politique reste en second plan, sauf s’il permet et garantit l’enrichissement personnel. « L’intérêt, c’est là le secret », le noble normand comprend que tout passe par cette pulsion, le salariat est l’expression quantitative qui met hors-jeu le qualitatif. L’atomisation par la massification permet le centrage sur le seul point commun des atomes : l’argent, le salaire, le profit, le négoce. Il n’y a qu’une communauté d’intérêts. Tocqueville théorise « l’individualisme démocratique » comme essence de la société.

La valorisation du travail provient d’un long travail métaphysique datant du M.A à travers la sanctification du travail et de la famille (donc de la sexualité) contre les courants mystiques refusant le labeur et la reproduction. Le salut tout de suite, le présent comme eschatologie. La modernité industrielle est bien la fille naturelle de la métaphysique, elle se développe en Amérique où les vieilles entraves européennes sont perçues comme aliénantes et anti-libertaires au sens de liberté religieuse absolue.
Lors de ses voyages, Tocqueville perçoit les enjeux et la radicalité des idées américaines dont il redoute, avec raison, l’importation en Europe. Chez lui on ne trouve pas de remèdes, mais une fatalité résignée. On lui doit le concept de Marché comme logique de la massification et de la main invisible, sorte de Créateur de jouissance matérielle.

LOGIQUE DU CAPITAL.

Arrivé à ce stade de cette notice sur la modernité de la Métaphysique, il me semble opportun de préciser quelques points méthodologiques :

Mise au point.

1) - La sécularisation n’est pas un développement mécanique et obligatoire. Certains aspects peuvent sombrer dans la vaste poubelle de l’histoire.
2) – D’autres se fondent complètement dans le paysage dont ils deviennent, en quelque sorte, un inconscient refoulé, par ex. le Marcionisme, la Trinité…
3) - La plupart du temps, la sécularisation s’apparente à une migration suivie d’une intégration ou à une transsubstantiation : transformation d’une substance en une autre, une quasi alchimie qui transforme le plomb en or, la mutation est un enrichissement de nature permanente, pas de retour possible en arrière.
4) – La sécularisation est à l’origine d’un vaste débat au tour du théologico-politique . Dans cette section « LOGIQUE DU CAPITAL », la sécularisation se situe aussi à un autre niveau, bien que le lien entre le K et le Théopol, soit évident.
5) – Lors d’une sécularisation les grands principes de la Mt restent opérant : la Logique fonctionne comme la graisse dans un engrenage.
6) – La sécularisation opère sur le mode la transposition, ex :
A
B
C
D
Devient ABCD ; la verticalité, une Échelle de Jacob (Gn 28,12) symbolise la transcendance comme ascension, la transposition marque l’immanence de l’horizontalité. Figure de rhétorique largement exploitée au fil des siècles (y compris par le cinéma).
La sécularisation implique toujours une dissolution dans la mondanéité du temps et de l’espace.
7) – Enfin, les théoriciens de la sécularisation font l’objet de critiques justifiées (Hans Blumenberg, Géraldine Mulhman dont nous développeront les arguments).
D’abord, une sécularisation accomplie s’autonomise, elle devient un agent actif qui garantit l’invisibilité du fonds originel. C’est ce qui la rend si sournoise, mais aussi tellement opérative. Le consommateur n’y voit que du feu.
Le nouveau Réel sert de cache-sexe, il dissipe la transcendance, il joue le rôle d’un écran de fumée que les acteurs de la Domination favorisent et utilisent sans vergogne. Le progrès est tellement mieux ! C’est aussi une manière de masque les pulsions suicidaires du système au bord de l’effondrement permanent. Par exemple, le bien-être de la consommation voile les mécanismes de la mutation du capitalisme. La consommation produit de l’invisibilité comme une revitalisation du marché.
8) – L’évènement est un avènement. (J.V.)
9) – Une vérité profonde peut cacher une autre vérité profonde. (Niels Bohr)
10) - La recherche généalogique a ses limites, « Mon nom est Personne » affirme à juste titre le célèbre western. Nul ne connaît ses ancêtres de Cro-Magnon, mais nous sommes, pour beaucoup, des compagnons de la Kro !

J’invite le lecteur à suivre les arguments de J. Vioulac dans la recension de la Logique totalitaire Essais sur la crise de l’occident. Ici, je me contente de reprendre quelques têtes de chapitres et les principales formules.

  1. Sainte-Production, patronne du K et des causes perdues met en équivalence toutes choses produites par l’échange et devenues valeur. La Mêmeté est une ipséité disent les pédants diplômés. La Sainte-Production s’appelle aussi salariat. Le travailleur devient, comme le banquier, un fonctionnaire du K. L’équivalence fait « pot-commun » pour ne pas dire Programme Commun (PC). Sous son règne : « je ne travaille plus pour moi, mais pour la Grande-Faucheuse ». Nous retrouvons notre trio bien connu Capitalisme ⇔ Marchandises ⇔ Marché, ce dernier s’appelait Trinité, bref la gueuserie universelle (chère » à Stirner).
    Derrière ce Trio se dissimule la sécularisation théologico-politique : Valeur d’échange ⇔ Égalité⇔ Liberté. L’arnaque est bien ficelée. Le concept d’idéologie correspond parfaitement à la nouvelle situation.
    Production implique => Universalité =>Uniformisation => Conformisme. « Ce n’est pas une personne qui travaille », « le travail est une totalité » affirme Marx en voyant l’implantation du machinisme. L’Appareillement a fait son trou dans la sphère consubstantielle du monde humain post-Eden.
  2. Ipséité de la valeur et autonomisation de l’objectivité. Quand l’argent devient sujet, il est K, Être-pour-soi autonome de la valeur.
    Marx analyse longuement dans le livre I du Capital la monnaie comme objectivation et matérialisation de la valeur d’échange. J.V. a raison d’affirmer que « l’argent est l’objectivité pure ». Il devient un processus circulatoire, autocentré, autonomisé et automatisé.

Le K est donc Pouvoir. K ⇔ P, la potion magique de notre destin et surtout fonctionnariat généralisé. YHWH possède bien une descendance (Cf. les remarques sur la sécularisation). Résumé des grandes thèses de Marx :

K = Domination de la chose sur l’homme. Ce n’est plus une uniquement la domination de l’homme sur l’homme (esclavage, servage).

L’atomisation sociale = Modernité.

– L’argent est la communauté universelle.

K = autonomisation du système des objets qui fait une civilisation spécifique géocentrée au départ, puis totalisante avec une pulsion totalitaire.

Le K est dissociatif du sujet et de l’objet et opère une inversion. Soit une véritable ontologie*, « chosification du sujet et de l’objet », une « inversion de « la cause et de l’effet ».

– Le K est une transcendance sécularisée, religion de l’universalité de l’échange et machination à vocation globalisante. Le Dieu UN de la métaphysique relookée.

– Le K = Machinerie puis autonomisation (robotique et Big-data).

– Le K fait système à la fois massification de la société et autonomisation du pouvoir social dédié. Comme tout système il est clos et perpétuellement mis à jour par les diacres salariés. Il possède sa propre Logique autocorrective dont l’I.A (intelligence artificielle) n’est que le balbutiement.

ÉLÉMENTS de CRITICITÉ.

Méta toujours… prête !
Méta est morte, vive Méta !
Métaphysique ou la métamorphose perpétuelle.
Jamais sans ma Méta !


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