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Métaphysique I
Le sergent recruteur de la Domination

Cet article est susceptible d’être modifié ou corrigé. Version provisoire, vos commentaires m’aideront.

Article mis en ligne le 21 juin 2023
dernière modification le 16 juillet 2023

De la Méta-physique, sœur jumelle de la Filousophie.

LA METAPHIQUE 1ème partie

PLAN

  • Introduction.
  • Définition : un complexe des dupes.
  • Structure et produits dérivés.
  • Premières synthèses.
      •  

Introduction

Vouloir traiter de la métaphysique relève de la gageure ou, tout simplement de l’inconscience. Et pourtant, comme monsieur Jourdain, nous "métaphysiquons" à jets continus. Plusieurs difficultés méthodologiques se posent.

  • D’abord, cerner la tumeur métastasée dans tout l’appareil intellectuel occidental y compris chez les apôtres de la mort de la métaphysique et les Décontructeurs labellisés.
  • Ensuite, ne pas perdre le fil conducteur et l’esprit de ce lexique.
  • Toutefois, l’exposé rapide des multiples facettes de la métaphysique reste un passage obligé s’il l’on veut déminer le champ intellectuel (pathos).
  • Enfin, à chaque étape, détecter puis désamorcer la mine sous nos pieds et dans nos têtes.

Bibliographie

I - La Métaphysique, Claudine Tiercelin, in Notions de philosophie,II Folioessais, page 287-498.

II - Qu’est-ce que la métaphysique ? Frédéric Nef, Folioessais, 1062 pages.

III - Introduction à la métaphysique, Jean Grondin, Presses de l’Université de Montréal, 378 pages.

IV - Du sens des choses L’idée de la métaphysique, Jean Grondin, puf, 276 pages.

V - La métaphysique Pas à Pas, Benoit Donnet, Ellipses, 286 pages.

VI - La métaphysique, dir. Renée Bouveresse, Ellipses, 207 pages.

VII - Faut-il déconstruire la métaphysique ? Pierre Aubenque, puf, 90 pages.

VIII - Y a-t-il une histoire de la métaphysique ? dir Y. C. Zarka, Bruno Pinchard, puf, 407 pages.

IX - La beauté de la métaphysique, Jean Grondin, Cerf, 192 pages.

X - La connaissance métaphysique, Claudine Tiercelin,
Collège de France / Fayard, 79 pages.

      •  

Définition : un complexe des dupes.

" La métaphysique correspond à cette interrogation élémentaire de la nature humaine qui cherche à découvrir l’ordre du monde."

L’axiome de la métaphysique : voir, comprendre, imiter.

 [1]

  •  

Du côté de l’étymologie.

La grécitude nous a légué de lourdes "déviances" devenues génétiques. Nous avons déjà rencontré la Langue / Pensée, le célèbre LOGOS, que nos filousophes, depuis plus de deux mille ans, s’efforcent de nous convaincre de son universalité et de son importance dans la constitution intellectuelle de notre "occidentalité" triomphante.

Le terme de métaphysique apparaît tardivement dans la phraséologie des philosophes, largement monothéïsée par un millénaire de pensée. Avicenne (Ibn Sina) l’introduisit dans le vocabulaire courant des théologiens. La diffusion des textes d’Aristote, longtemps mis à l’index, servit de base théorique à la science méta-physique.

Produit dérivé de la philosophie première dont l’objet principal se concentre sur tout ce qui est au-delà du physique, soit le monde sensible, perceptible et matériel.

Dès l’origine, apparaît donc une volonté englobante de toute connaissance. Physique et Métaphysique forment un tout indivisible bien que fragmenté afin de spécialiser le développement de chaque science.

La métaphysique, une spécificité occidentale, depuis son origine s’interroge sur ce qui est, ses causes et ses raisons. Légitimement, on peut s’interroger sur sa vraie nature : n’est-elle pas une science du divin qui se retranche derrière des alibis scientifiques.

Elle ne possède aucun des attributs et des méthodes des autres disciplines. D’ailleurs, son éternelle modernité se dévoile dans la multiplicité des métaphysiques appliquées : celle de la marche à pied, des animaux, des plantes, du guerrier, de la féminitude…
Bref, elle consiste à s’ébahir à moindre frais de tout et n’importe quoi, devant ce qui est familier, histoire de lui donner un sens. Le tourisme est la parfaite illustration de son déploiement tautologique : voir ce qui déjà archi-vu, formaté, organisé. (II, p. 38) Comme les Shadocks, ils pompent, ils pompent sans jamais vider l’espace et le temps de leur connerie.

Le couple infernal Philo / Méta démontre l’holisme inné, mais voilé de la pensée occidentale.
Sa co-production évidente avec le langage donc du Logos lui confère une légitimité que peu d’auteurs mirent en doute. On peut aussi affirmer qu’elle est une production permanente de mots vides utilisés par les penseurs en mal de discours valorisants.

  •  

Structure et produits dérivés.

Les laudateurs de la métaphysique s’appuient sur trois piliers fondamentaux qu’ils considèrent indépassables et indestructibles. Il convient donc de correctement identifier les piliers et les thèmes de la métaphysique, si l’on veut procéder à un curage des égouts de l’Occidentalité.

  •  

A — Structure.

    •  

Les trois piliers.

Jean Grondin, un des apologistes particulièrement remarquable de la disciple énonce parfaite dans IX, chap. 1, pages 21-44, les trois fondations de la métaphysique qui permettent de penser comme une unité singulière. Parler de métaphysique au pluriel serait perdre la face devant les contempteurs dont la radicalité n’a d’égale que la cécité idéologique et l’incapacité à comprendre la puissance de ce qu’ils croient déjà morte ou une plaisanterie vieillotte.

  •  

Le pilier ontologique.

Celui-ci part du principe que le "monde est habité de quelque sens". Ce sens est celui des choses elles-mêmes. La philosophie, via la métaphysique, tente de comprendre " l’ordre du monde ", son logos. La métaphysique, d’ailleurs à toutes les époques, cherche le sens des choses sensibles ou invisibles. Il y un ordre des choses à révéler. L’harmonie du monde, répudie le Chaos et dégage l’eidos, l’idée que le réel est rationnel. Ici la métaphysique s’appuie sur le Logos et sa puissance calculatrice. L’irrationnel est banni, son éventuelle réalité serait une catastrophe aux conséquences indicibles.

L’ontologie, science des choses, fonde la métaphysique.

Nous étudirons l’ontologie dans une rubrique spécifique, à la fois pour la traiter en profondeur et pour rester dans la dimension métaphysique qui nous préoccupe, maintenant.

  •  

Le pilier théologique.

Il y a t-il un pilote dans le monde ? Question légitime, si l’on considère que le principe de raison, induit par le postulat du Logos :

L’affirmation de ce principe dans son absoluité annonce que la métaphysique fonctionne sur un prérequis donné d’avance, une donation dont nous traiterons en détails dans la notice sur l’ " ÊTRE ". Ce principe exclut le hasard, car il deviendra un pilier de la métaphysique, chose impensable. Le Chaos reste l’ennemi.

Il y a donc un principe téléologique (cause finale) lié à une cause première. L’ordre du monde n’échappe pas à cette prégnance première.

La métaphysique revêt la défroque d’une pensée de la pensée. Elle pose par là un narcissisme redoutable. Se regarder pédaler pour se convaincre. Il y a bien une intelligence qui se pense elle-même.

Prodige de la métaphysique : elle pense les choses (pilier ontologique), l’immanence, en affirmant la transcendance (pilier théologique).

Les lecteurs de nos notices sur le monothéisme comprennent notre focalisation sur la pensée méditerranéenne : fusion explosive de la grécitude et de la Torah.

  •  

Le pilier anthropologique.

L’homme fait partie de l’ordre du monde grâce à sa faculté de penser, son esprit (noûs) ce qui le distingue du règne animal. A côté de l’ordre du monde, le règne des êtres se caractérise par le langage qui lui permet de comprendre et de communiquer. Le langage sert à exprimer l’intelligence des choses (ontologie).

La possibilité d’exprimer l’ordre des choses implique :

  1. Que rien n’échappe au désir de comprendre.
  2. " Toute chose est en principe explicable " (IX p.41).
  3. Que notre raison devient une "norme suprême", pour tous les hommes ( sauf les métèques et les esclaves) selon les saintes règles du Logos.
  4. La raison peut, seule, comprendre la donation. [2], car l’intelligibilité du monde n’est pas une construction de la raison des choses. La raison met du sens dans le non-sens.
  5. Le non-sens est un appel à l’exercice de la raison pratique.

Tous ces arguments s’appliquent aussi aux données de la vie : institutions collectives, juridiques et inter-humaines qui, elles aussi sont une donation, constituant les premiers balbutiement du droit naturel.

  •  

B — Produits dérivés.

Par définition, des pierres de taille servent à monter les piliers, (ceux du Mont Saint-Michel le prouvent). Pour filer la métaphore, je dirais qu’il faut une carrière (les îles Chausey), les transporter : bateaux, chevaux, monte-charge, des tailleurs (du granit), des forgerons… et des architectes à la hauteur du produit fini. (Les pyramides entrent dans la même catégories avec l’esclavage en plus)

Donc, un pilier est la somme de tous les matériaux et de toutes les opérations successives nécessaires à son érection. La métaphysique correspond parfaitement à cette définition pierrale. N’oublions pas : " Tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon Église ".

Dans cette article, impossible de traiter à fond de chaque pierre. Afin de garder l’esprit du lexique, je préfère, ici, me contenter de les identifier et démontrer leur importance. Dans MT 2, je raccrocherai les éléments à leur développement historique et à leurs promoteurs. Des entrées spécifiques du Lexique permettront d’exposer, par le détail, les pièces détachées de la métaphysique, premier système de la pensée occidentale et capable de gérer ses propres mutations.

Face à l’enchevêtrement des notions et leur variance sémantique, j’opte pour une double approche. La première, ci-dessous, tente de cerner au plus près et au plus simple de chaque " pierre " de l’édifice.

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1 - Être et étant

Mme Tiercelin dans son article " La Métaphysique " (I p. 387) commence par : " Qu’est-ce que l’être ? Pourquoi y a-t-il de l’être plutôt que rien " Ces deux interrogations plongent directement dans le marigot.

L’être est bien le centre de la métaphysique [3] . Si bien que beaucoup d’auteurs considère la Mt comme une " Science de l’être ". Position délicate, car le qualitatif de science pose de nombreuses questions aux auteurs, nous préférons parler de Système ou de " mode de production sapientiel (MPS) " .

De plus, comment parler de l’indicible (du méta) sans le défigurer ? On le voit la Mt, malgré sa quasi universalité, ne manque pas de poser de redoutables problèmes.

  1. Celui de sa cohérence, donc son discours ne doit pas être contradictoire, sous peine de s’auto-détruire. Nous le verrons plus tard, la logique interne du discours sera le lieu des joutes fratricides entre métaphysiciens.
  2. Sans être une science, la MT doit utiliser toute la rigueur logique et les règles reconnues du raisonnement.
  3. Il ne peut pas y avoir de rupture entre le physique et le méta, ex : " le chien est un chat " . L’invisible doit être en cohérence avec le visible, sous peine de perdre son sens, et de devenir non-sens, donc retour au Chaos ex : la licorne, le Père-Noël.
  4. L’idée d’être est la plus connue, la première et la plus générale de toutes les notions.
  5. " Être un être, c’est être un étant… c’est-à-dire quelque chose qui la propriété de posséder de l’être " (X, p. 23).
  6. Définition : étant = chose.
  7. Être = Essence. L’être de l’étant chat est son essence. (Ne pas rire, mais cela se discute entre filousophes)
  8. La MT commence avec le langage, c’est un premier acte de langage. Chercher ce qu’est l’être, c’est d’abord s’interroger sur le sens du mot" (I, p. 395). Attention à ne pas gloser sur des mots vides : Dieu, Beau… La Mt reste un discours quelque soit son objet, l’Être et ses avatars.
  9. Métaphysique = Philosophie Filousophie.
  10. " Être un être revient à être ", la célèbre tautologie pose en absolu la chose. Être un être, c’est être un étant, chose qui possède la propriété de posséder l’être.

Avec ces dix points, on perçoit les divagations et les errances que la question de l’être introduit dans la pensée occidentale.

Aide-mémoire

Quelle est la véritable nature de l’être ?

L’être comme artéfact premier de la pensée occidentale.

Théologie

Méta⠀ ⠀ ⠀ +⠀ ⠀ Physique ----> Ontologie
Logos

Affaire à suivre.

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2 - Les Idées

Nous avons ici un produit dérivé de l’être. Illustration :

  1. L’être chat présuppose l’existence du/des chats. La pluralité des types de chats ne peut remettre en cause l’idée de chat (principe de non-contradiction). L’idée, mise en scène par Platon, permet à la fois de concilier et de décrire un chat particulier (ontologie) et l’idée de chat comme essence de tous les chats : la chatitude.

Pour rire : la chatité complète la chatitude. Beaucoup en feront leur fromage et leur gagne-pain.

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3 - Le Beau et l’Harmonie

Ici, nous ne parlons pas d’esthétique, invention tardive, mais de Beauté, une pierre fondamentale de la métaphysique.

  1. Ce qui nous entoure du sol au cosmos et l’expérience de nous en avons forment l’ordre du monde que les Grecs considérèrent comme la BEAUTÉ.
  2. Rien de subjectif à la Kant, ni notion de représentation. Mais un modèle de pensée.
  3. L’ordre du monde ne peut qu’être Beau, nous peine de non-sens.
  4. La beauté est une nécessité.
  5. Le Beau et le Bien sont lié, c’est un principe. Le non-beau ne peut fréquenter le Bien : le mal serait beau !
  6. Autre inclusion : Beau ⇔ Amour. Donc le Beau est désirable.
  7. Le Beau comporte des " canons " : la mesure (pas d’excès), la symétrie, l’harmonie de proportions (le nombre d’or par ex.)
  8. Le Beau se suffit à lui-même.
  9. Cette finitude repose sur un telos , une cause finale induite par une cause première.
  10. Le Beau prouve la nécessité de la métaphysique qui permet de comprendre le réel et son au-delà.
  11. La contemplation nécessaire de l’ordre du monde implique l’imitation, effort premier pour comprendre et exprimer sa connaissance. Ici, l’intelligence n’est pas création, mais organisation des perceptions.
  12. Le Beau met en œuvre à la fois l’immanence et la transcendance.
  13. La doctrine du Beau crée un fixisme, une finitude achevée. Progrès et procès demeurent impossible et cela pour longtemps. Le changement signifie : retour au Chaos.
  14. La connaissance de la Beauté et de l’Harmonie repose aussi sur la possibilité de comprendre le Beau par la géométrie et le calcul qui valident la connaissance.
  15. Le Bien renvoie à la Beauté des Idées. Le cercle tautologique fonde, dès le départ, la Mt. La morale n’a rien à voir dans cette émergence.
  16. Le Bien est la Lumière de l’être.
    •  

4 - Théorie des causes, la causalité

Impossible de traiter de philosophie ou de métaphysique sans rencontrer sans cesse la causalité, principe issue de l’évidence sensorielle et cognitive. Quelques points de repères significatifs :

  1. Causer, c’est faire, engendrer une suite. La cause n’existe que dans son effectuation. Pas d’effet, pas de cause.
  2. Cause la multiplicité des causes.
  3. La causation désigne l’opération même de la cause, l’effectivité de la production de l’effet.
  4. Un effet peut avoir plusieurs causes.
  5. Elle peut être directe ou indirecte.
  6. La causalité prend sa source dans l’imitation de la physique.
  7. La relation de cause à effet met en jeu la déduction, un des principes de l’intelligence. Reconnaître une cause, c’est penser.
  8. Le principe de causalité postule que tout phénomène à une cause : loi naturelle devenue principe intellectuel.
  9. La causalité relève de l’imagination basée sur l’expérience, elle n’a rien d’une logique pure.
  10. La compréhension causale en s’appuyant sur la mathématisation acquiert une légitimité.
  11. L’énigme de la causalité première et finale laisse le champ libre à toutes les hypothèses farfelues : le thaumaturge, le démiurge, Dieu…
    •  

5 - L’UN

Dans le développement de la métaphysique, l’Un occupe une place particulièrement déterminante dans la constitution de la pensée méditerranéenne et occidentale. Nous le verrons dans la partie suivante de cette rubrique. Plotin Inaugure une pensée de l’Un.

  1. Platon et Plotin, le duo tragique de nos fondements.
  2. L’UN devient un point de départ. De la transcendance absolue, obligatoire donc unique, s’amorce un mouvement descendant, une "Procession vers le bas".
  3. Il est un trop-plein qui déborde. Il génère des causes. Mais, paradoxe, " c’est parce qu’il n’y a rein en l’Un que tout peut en venir ".
  4. La transcendance radicale du premier principe : l’Un.
  5. Avec l’Un on franchit une strate spéculative et mystifiante de l’Être.
  6. On ne peut dire que ce qu’il n’est pas : introduction d’une pensée apophatique, premier pas vers un théologie négative.
  7. L’un est le stade final de la contemplation, une sorte d’extase devant l’inépuisable grandeur de l’Un. C’est aussi, l’intelligence se regardant elle-même.
  8. En lui, le non-être et le sur-être coexiste.
  9. Penser l’Un revient à reconnaître la différence au cœur de l’unité.
  10. Pauvre République Une et Indivisible, risible dans sa stupidité, suffisante dans sa prétention, totalitaire dans son destin.
  11. " Si l’Un n’est pas, rien n’est ", ne pas confondre avec " si l’Un n’est pas, rien est ". La pensée occidentale se révèle incapable de penser le Rien, le Vide [4]. sans avoir recours à des attributs spatiaux-temporels : le temps, l’infini…
  12. L’Un est l’Un tout court, l’Un lui-même. Comprendre Dieu est Dieu, nom de Dieu (est aussi dieu dans le célèbre juron). On comprend l’admiration de l’islam pour cette adage tautologique.
  13. L’antécédence de l’Un sur l’être fait que celui-ci perd son droit d’aînesse. L’être nait de la prodigalité de l’Un.
  14. En lui l’autosuffisance n’a pas besoin de l’être. Il est la Lumière qui illumine le soleil. Ici, la tautologie prend toute sa force et cela sans vergogne
    •  

6 - Théologisation de la métaphysique

Avec l’Un, on assiste à la théologisation de la métaphysique, porte-ouverte à sa monothéisation : Un = Dieu. Quelques remarques :

  1. Pour comprendre notre arrière-boutique idéologique, il me semble indispensable de jeter un œil, même horrifié, à l’histoire du monothéisme occidental dans ses trois principaux délires parfaitement élaborés. ( On peut lire les rubriques sur le monothéisme.)
  2. Le procès de théologisation durera des siècles, sa puissance génère des sécularisations successives.
  3. Exemple Saint Augustin : l’être de Dieu = être lui-même.
  4. Métaphysique et théologie ne font plus qu’un.
  5. Toutes le "pierres angulaires" de la métaphysique serviront à l’élaboration de la machine-infernale du monothéisme.
  6. La fusion du judaïsme et de la pensée grecque (Philon d’Alexandrie) va engendrer la première Intelligence conceptuelle (IC) bras armé de la domination spirituelle et territoriale.
    •  

7 - Emergence du moi

L’être, l’un, le Beau…toutes ces merveilles issues de la métaphysique ne sont pas des gouttes de pluie condensées dans les nuages. Elles émanent d’un penseur, indispensable réalisateur de ses spéculations. Autrement dit, la métaphysique repose sur l’activité d’un étant de chair et d’os. Avant d’être collective, la démarche relève de l’individu exerçant son droit à penser.

Ici, nous ouvrons un sujet dont nous pouvons que brosser un rapide tableau. Le Moi et ses dérivés sémantiques mobiliseront des articles de ce Lexique et, bien sûr une place centrale dans les " Etudes stirneriennes " en préparation. Traçons les pistes :

  1. Le Moi de la grécitude : psuchê reste purement abstrait, c’est l’âme que les mauvais drilles nomment aussi esprit.
  2. Qu’est-ce que cette âme, un ovni, un objet inanimé cher aux poètes ? Il est difficile d’imaginer la mobilisation intellectuelle que cette notion prendra au fil des siècles. La rejeter dans la vaste poubelle de l’histoire démontrer l’inculture et la cécité des éboueurs et des commissaires politiques de la pseudo-modernité.
    1. La pensée grecque eut le courage de prendre la question à bras le corps. L’interrogation sur la nature de ce moi / âme occupe des milliers de pages et encore plus de commentaires avisés. Est-ce Moi ou une personne, sinon ni Moi ni une Personne ? Le corps (visage) avance masqué, premier délit de " fake face ".
    2. Sommes-nous devant un simple artifice de langage : un grammaticalisation et une pronominalisation ?
    3. Chaque corps a-t-il une âme ? Est-elle unique, divisible ou multiple ?
    4. Au naturel, suis-je un étant possédé, un zombi (ou une marionnette) d’une âme démoniaque qui me fait croire que je suis ?
    5. Est-ce mon corps ou mon âme qui ressent et qui pense ?
    6. Je suis isolé, mais pas solitaire.
    7. Le fait de penser m’autonomise. L’individu que je suis devient une individualité dans un processus d’individuation. (Même raisonnement avec le terme "sujet" "subjectivité " et " subjectivation ".
    8. Enfin ce positionnement en tant que Moi / âme, m’inscrit dans le monde, je deviens par conséquent à la fois un autre pour chacun des moi / âme du monde. D’où l’importance de l’identité pour chacun.
  3. Rien de corporel, car la corporéité est du domaine du labeur, des pues-la-sueur, des esclaves. La noblesse de la citoyenneté réside dans la capacité spirituelle à penser la substance universelle, donc la psuchê est immortelle. L’élitisme ne date pas de l’ENA et ses annexes.
  4. Les rapports de l’âme et du corps restent flous. Mais la petite graine est semée. Le monothéisme reprendra le flambeau, sans trop d’originalité.
  5. Le Moi n’est pas encore un JE. Pendant des siècles, ce corps restera dans la honte de la matière vernaculaire. " Moi, je te hais " (Pascal). Il faut attendre Descartes avant que le Moi devenu Je soit reconnu comme lieu de la pensée. Et encore, c’est l’ego qui, toujours, médite.
  6. L’émergence du Moi comme le Mien mobilisera l’énergies de beaucoup de penseurs. Nous consacrerons une rubrique complète à cette érection du moi comme JE.
  7. Lentement, la psuché se sécularise, on peut parler d’incarnation de l’acte de penser dans un corps. Lourd et long travail d’érosion du concept de Dieu au profit d’un transfert des prérogatives divines au sujet. Mais " la mort clinique de Dieu " (Nietzsche) ne suffit pas : le cadavre exquis hante la bête.
  8. Psuchê, moi, soi, self, égo, sujet, individu, individuation, corps, intériorité, identité, solitude, moi transcendantal, Moi absolu indissociable du non-Moi (Fichte), Ego de Stirner, personne, subjectivité. Sans oublier l’appropriation du terme par les courants psychologisants.
    •  

8 - Vers la rationalité intégrale

Le Logos permit de penser et de calculer dans le domaine du sensible. De quels outils la Mt dispose-t-elle ?

  1. Certainement pas d’une baguette magique ni de la "clé des champs / chants". La MT utilise par nécessité les mêmes outils que la physique. Un zeste d’imagination en plus avec une bonne lampée de calva, le pousse-au-crime universel.
  2. La Mt travaille à partir de représentations qu’elle se fait de ce qui hors de la physique. Ces représentations comme abstraction ou idée ont-elles une
    réalité (position dite réaliste) ?
  3. Le Logos ou raison est donné (donation) et avec lui la coappartenance de la raison et du réel. Donc la pensée et l’être sont intimement liés. Position que le monothéisme s’empressera de valider.
  4. Les vérités mathématiques étant éternelles et vraies ce qui en découle ne peut être que la Vérité.
  5. Lisait-on sur le fronton de l’académie de Platon.

  6. Le logos sort l’homme de l’animalité. Ce logos est comparable à un mythe, il en possède la puissance évocatrice.
  7. La raison des choses est la fois le discours vrai de ce qu’il révèle.
  8. C’est donc un principe, le principe de raison comme principe causal. Il explique sans avoir à être expliqué. Sa nature relève du fondement de la logique déductive.

La métaphysique unifie le sensible et l’invisible.

    •  

9 - Le Mal. La morale

Impossible de passer sous silence les retombées directes de la MT. L’affirmation radicale de l’équivalence être => Beau => Bon =>Vrai implique de nombreux questionnements annexes. Il suffit de parcourir l’histoire de la notion pour constater les dégâts et les empreintes voire des marquages (tatouages) indélébiles dans notre ADN.
La question du mal fait partie des stigmates de la Mt. C’est aussi un trou noir dans la pensée libertaire.

  1. A-t-il un être comme les autres idéalités ?
  2. Sa réalité entre en conflit avec l’Harmonie. S’il ne correspond pas à un reste de Chaos, sa nature propre n’est-elle pas un étant sans être ? Redoutable question qui fit et fait toujours couler beaucoup d’encre et de sang.
  3. La Mt agit comme un TOC (Trouble Occidental de Complicité) entre les extrêmes, les contraires. La Mt fonctionne comme un principe d’inversion concurrent direct du principe de raison.
  4. L’affirmation de A implique à (lire non-A). La dualité systémique fait partie intégrante de la Mt. Donc :
  5. Les P’tits pères de l’Eglise s’arrachèrent les poils de nez pour dégoter toutes les justification possibles au mal-l’étant-sans-être.
    1. Plotin : il n’est présent que dans réalités matérielles, car elles contiennent du non-être.
    2. La Gnose considère que le monde est une création imparfaite, c’est le domaine du mal endémique et adamique.
    3. Le Bien (Dieu) ne peut est à l’origine du mal.
    4. Augustin " admettre la réalité du mal serait une concession au dualisme ". Ironie d’un manichéen repenti !!!
  6. L’articulation Mal / Morale fait partie aussi bien de la philosophie pure que de la théologie. Schématiquement, une hiérarchisation s’opère :
    1. Le mal ordinaire, les zones d’ombre du comportement humain. La littérature illustre parfaitement cette conception, Camus la Peste, Soleil vert et la nécrophagie comme survie de l’humanité. Les textes foisonnent, voir aussi G. Bataille la Littérature et le mal et bien sûr Dostoïevsky dont le le personne d’Ivan Karamazov fonde un athéisme basé sur la souffrances des innocents
    2. La radicalisation du mal. Sphère des salauds, de la mauvaise foi, on y traite autrui d’instrument qui n’exclut pas la torture, le sadisme. Le XXème siècle ne manque pas d’exemples. La puissance instrumentale atteint des sommets d’efficacité. Le principe de raison se lie au principe d’efficacité : massification, génocide, racisme absolu. La psychologisation et son exploitation par les " nouveaux bourreaux" culmine. L’idéologie devient puissance meurtrière (holodomor, goulag, Shoah, extermination de l’autre… )
    3. La banalité du mal. La thèse d’Hannah Arendt renvoie au pire toujours possible et peut servir à une réflexion approfondie. Jean Nabert et Paul Ricœur ont contribué à l’approfondissement de cette problématique.
    4. La banalité du mal revoie à de nombreux thèmes : loi, obéissance, déréalisation, haine, totalitarisme, exploration de la perversion et de la passivité.
    •  

10 - Le théologico-politique : Loi,…

Bien évidemment, dès les premiers pas de la Mt, la question de la Cité s’impose aux penseurs hellènes. Il n’est pas inutile de rappeler que les premiers Grecs (Achéens) étaient des pasteurs semi-nomades, originaires de la péninsule balkanique. Ils pratiquaient un patriarcat clanique ( patria ou génos ). Ils formaient des groupes, nommés phratries ou communautés de guerriers ( phylopis ) reconnaissant l’autorité d’un roi suprême : le phylobasileus . Homère y fait allusion.
En se sédentarisant sur les terres hellènes, le génos garde son organisation solide et durable. D’où l’éclatement en Cités autonomes, mais unies par en profond sentiment de solidarité absolue : la philotès qui détermine la conscience du devoir (l’ aïdos ).
Quelques traits caractéristiques de ces nouveaux sédentaires [5] :

  1. La propriété, toujours collective, est inaliénable, elle est la source de l’autonomie ou autarkie .
  2. Le chef dépend du lien génétique de père en fils avec le l’ancêtre divin fantasmé. " Il a une autorité sans limites sur tous les membres de son groupe.
  3. Le chef est aussi prêtre, il fait exécuter la volonté divine. Récipiendaire du sceptre, il pratique la thémis (justice), sorte de fatwa avant l’heure.
  4. Il est aussi un chef de guerre dans les conflits perpétuels entre les génos. Il organisait la vendetta.
  5. En cas de meurtre civil, le fautif libérait les siens de toute responsabilité par la fuite, cette abandon valait renoncement à la solidarité du génos.
  6. Crainte des dieux et craintes sociales étaient étroitement mêlées. La peur du démos (rassemblement de tous les génos) exerçait la némésis, pression capable de prévenir les crimes.
  7. Déjà, la ville haute appelée polis est le lieu de l’acropolis, la résidence du chef et de son entourage.
  8. Les premières citées donnèrent au démos l’unité qui lui manquait. On voit, ici, le rôle majeur de la sédentarisation dans la constitution de ce qui deviendra notre héritage pour des millénaires.
  9. La notion de dèmos favorisa l’apparition de la Cité comme unité. Toutefois, le caractère guerrier restait présent.
  10. L’arrivée d’autres population (Doriens…) amorça un mouvement hétérogène au sein du dèmos. Les grandes familles gardèrent leur organisation et donnèrent souvent leur nom à la cité.
  11. L’expansion se dirigea vers l’Asie mineure, le commerce maritime se développa et les marchés devinrent des villes. La sédentarisation transforma la migration en commerces des marchandises, des esclaves et des personnes. A côté de l’aristocratie foncière se créa de nouvelles classes, celle des marchants et des artisans.
  12. Les murs de la Cité s’élargirent et les prérogatives des Conseils s’accrurent. L’agora, la place publique devint un centre important de la Cité.
  13. Plusieurs questions émergèrent :
    1. Une baisse de la natalité et le morcellement des propriétés par les héritages. De savant calcul (Platon) tentent de trouver la population indispensable à la constitution et à la survie de la Cité.
    2. Les citoyens sont donc minoritaires et les métèques font tourner la machine sans apparaître dans la population officielle.
    3. La cité tente de préserver sa liberté collective, la liberté individuelle n’est pas à l’ordre du jour.
    4. La volonté farouche d’indépendance de chaque cité s’exprime par la prolifération des monnaies, des poids et des mesures.
    5. La terreur ou tyrannie permet le maintien de l’unité.
  14. Des classes sociales apparaissent, les esclaves restent des " instruments animés " .
  15. Pouvoir civil et pouvoir religieux se concentrent dans la figure royale (ou la chefferie) : la tentation théocratique domine. Une fiscalité permet au système de vivre.
  16. Le Conseil constitué de gérontes possède une fonction consultative. Le Roi décide. Celui-ci a les pleins pouvoirs dans la gestion des affaires extérieures.
  17. L’Assemblée convoquée par le Roi sert à informer le peuple des décisions prises
  18. Progressivement, la royauté voit son autorité réduite à la magistrature, celle cesse d’être viagère pour devenir élective : les archontes (souvent neuf).
  19. Donc apparition d’une forme de noblesse guerrière (possession d’un cheval). L’oligarchie devient le modèle.
  20. Avec les découvertes et la colonisation de nouveaux territoires la question monétaire prime ( Aristote consacra une étude sur le sujet).
  21. L’oligarchie tourne souvent à la ploutocratie. Une minorité prend le ouvroir réel.
  22. C’est sur ce terrain, dont nous connaissons encore l’influence, que nait la démocratie
    1. Une amorce de partage du pouvoir dans les institutions mieux définies change progressivement la pensée politique hellène.
    2. La croissance économie joue un rôle déterminant dans le processus de démocratisation. Déjà, la coproduction du Capital et de la Démocratie (Cf. Vioulac)
    3. La notion de constitution apparaît. Elle est l’objet, dès l’origine, de vastes débats. [6]
  23. De nouvelles idées prennent formes dont nous serons les héritiers "malgré-eux" :
    1. La souveraineté, premier enjeu politique de toute unité territoriale.
    2. La démocratie n’est pas un modèle unique, sa diversité colle à l’histoire locale.
    3. L’Assemblée : il fallait avoir la citoyenneté, être majeur (18 ans, étrange non !). Elle possédait ses règles de fonctionnement ainsi que des pouvoirs parfaitement définis.
    4. Les membres du Conseil sont tirés au sort " par la fève " (étrange non ! la galette des rois est donc une pâle copie).C’est lui qui a autorité sur le magistrats, il sert aussi de porte-parole pour annoncer les traités. Il possède des attributions militaires dont la gestion de la cavalerie, comme il surveille l’administration maritime (les deux mamelles de la Cité). Il supervise les adjudications de l’état et contrôle l’emploi des fonds publics ( la Cour des comptes !)
    5. Par ailleurs, le Conseil surveille l’administration des cultes. Il désigne périodiquement les archontes, il gère l’état-civil.
    6. L’élargissement de la Cité impose la formation d’un premier droit international privé ou public.
  24. La naissance de l’unité politique émerge du fonctionnement des multiples institutions. La notion d’état prend ici sa source.
  25. A travers les conquêtes coloniales (déjà !!!), les hellènes imposent l’unification des poids et mesures. La notion d’empire s’esquisse non sans résistance des peuples conquis.
    1. La puissance et l’argent imposent la loi du toujours plus. La première forme de capitalisme voit le jour : la chrématistique. [7]
    2. L’apparition des des classes sociales provoque les premières luttes de classes. L’égalité tant prêchée implique un désir de l’imposer même par la méthode forte. La "bonne naissance " ne justifie pas les privilèges.

      Nos chers filousophes de l’époque et même les dramaturges se gaussent du charcutier qui veut convertir l’égalité de droit en égalité de fait. Quelle pédanterie ! Nos penseurs [8]trempent leurs plumes pour graver sur le papyrus (ou l’argile) les règles fondamentales de la République et du Politique. Supprimer l’égoïsme, l’hérésie à bannir : " plus jamais ça " dirent-ils en chœur.

  26. L’unification avec la gestion d’un empire tiraillé par la tension entre les Idées et la réalité populacière mena la grécitude à son déclin et à la corruption.
  27. Les deux Macédoniens Philippe et son auguste fiston, Alexandre le Grand enfantèrent l’Empire, la notion fondamentale de la politique, leur souhait fut enfin exaucé, sa finalité réalisée, notre destin pour le pire : Empire ⇔ en pire.
    •  

Premières synthèses

  1.  

La métaphysique = procès de totalisation.


En concaténant Méta et Physique, la grécitude enferme, dès le début de l’ère philosophante, dans une démarche totalisante. Le sensible et l’au-delà des sens forme une entité indémerdable. Le réel (immanence) et le hors-sol (transcendance) forment les deux faces de la même pièce sans épaisseur. Le Janus romain reprendra parfaitement la métaphore.

Ce fonds (de commerce) devient la pulsion permanente de l’occidentalité. Il parcourt sans vergogne les millénaires. Chaque escrographe rajoutera sa sauce. L’histoire de la Mt éclairera parfaitement le processus au fil des codifications et spéculations successives.
La contamination chrétienne opère une fusion entre Méta — Physique — Ontologie — Théologie — Anthropologie (Politique)
.

  1.  

Métaphysique = système

Elle inaugure la philosophie comme système de pensée clos, certes modifiable, amendable, mais toujours à visée systématique donc exclusivité, universalité et unicité sous toutes les latitudes. Le futur de la grécitude ne fera que confirmer cette tendance profonde formant une longue spirale dans l’ADN de l’Occident.

  1.  

Métaphysique, la sœur jumelle du monothéisme

Les lecteurs de mes analyses sur le monothéisme ne sont pas surpris de trouver maintes similitudes entre la grécitude et le monothéisme de l’autre rive de la Méditerranée. Afin d’alléger cet article, j’encourage le lecteur à affronter les vicissitudes moyennes-orientales qui fusionneront, à notre grand désespoir à tous, avec la machinerie implacable du Logos. La grécitude pense, le monothéisme croit et ergote en permanence.

  1.  

Le nominalisme

Il faut attendre le XIème siècles avant qu’au sein de la Mt devenue théologie apparaissent les premières réactions contre l’emprise des concepts (leur réalité, celle de la chatitude par ex.). La Querelle des Universaux marque, sur deux cent ans, les fondements de ce qui deviendra la modernité occidentale. L’ontologie prime. L’objet prévaut sur l’Idée. Le Réel se débarrasse des miasmes transcendantaux. Nous consacreront une longue rubrique à ce courant.
Les métaphysiciens patentés haïssent depuis toujours et jusqu’à nos jours (Heidegger) le nominalisme, véritable ténia de la pensée gréco-monothéiste.