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Alors, le SNU. Ça donne quoi ?
Article mis en ligne le 9 décembre 2019
dernière modification le 19 mars 2020

En juin 2019, tandis qu’avait lieu la première phase du Service National Universel, le gouvernement en assurait fébrilement la communication.

Retour sur un échec annoncé.

Elle a concerné 2 000 volontaires réparti·es par « maisonnées », « brigades » et « compagnies », agé·es de 15 et 16 ans et soigneusement sélectionné·es parmi 4 000 candidatures censées représenter la jeunesse du pays.

Les volontaires ont eu le plaisir de porter un uniforme bleu marine avec casquette, chemise blanche et cocarde. Mais pourquoi ne leur a-t-on pas directement donné un tonfa et un Taser ? Autant faire les choses à fond.

Pendant deux semaines les joyeuses recrues se sont levées à 6h30 pour faire leurs lits « au carré » sous l’œil vigilant des encadrant·es (et parfois, des caméras) avant d’aller déjeuner puis, lever des couleurs et Marseillaise à 8h pétantes. La dernière étape pouvant être répétée à l’envi, selon qu’un ministre décide d’aller faire le beau à la TV avec « les jeunes », quitte à les laisser griller en plein soleil par 30°C jusqu’à ce que malaises et insolations s’ensuivent.
La journée, les volontaires ont suivi différents « modules » : prévention anti-attentat, formation au roman national et aux valeurs de la République, premiers secours... Le tout agrémenté de séances de pompes collectives quand on est surpris les mains dans les poches.
Pendant tout le mois de juin le SAV était parfait : réseaux sociaux, conférences de presse scénarisées avec des participant·es présélectionné·es, mobilisation de toutes les forces gouvernementales et pour finir en beauté : contrat avec plusieurs stars de YouTube parmi lesquelles Tibo Inshape, docteur ès virilisme, dont les messages nauséabonds sont ressortis des tréfonds du Net. Il aurait touché 20 000 € pour faire la pub du SNU aux côtés de Gabriel Attal. Pas étonnant, il avait déjà fait la même chose pour le RAID et l’armée.

Plus tard dans l’année, les jeunes devront assurer également deux semaines de mission d’intérêt général.


A quoi s’attendre pour la suite ?

Dès juin 2020, le SNU durera un mois entier et concernera 30 000 élèves de seconde ou en décrochage scolaire, toujours sur la base du volontariat avant de devenir obligatoire d’ici peu. En 2022 ? 2026 ? La date n’est pas fixée.

La ministre de la Défense, Florence Parly, prévient : si les gendarmes ne viendraient pas chercher les réfractaires, il s’agit pourtant bien de rendre le SNU obligatoire « par des moyens analogues à ceux en vigueur aujourd’hui pour la JDC [journée défense et citoyenneté] : impossibilité de passer le code, de passer le baccalauréat ou un autre diplôme, exclusion de concours administratifs, etc. »

Mais où trouvera-t-on l’argent ?

Le coût d’un tel dispositif tournant à plein régime est estimé à 1.7 milliards d’euros par an ! Sans parler du budget pour se doter d’infrastructures décentes.

« Certainement pas à la Défense », nous dit-on au gouvernement !

Bien que le budget alloué à ce ministère ait été largement augmenté en 2019, le SNU a changé de tutelle avec le remaniement de 2018. C’est donc du côté du ministère de l’Éducation nationale qu’il faut chercher. Ce ministère qui licencie à tour de bras ses contractuel·les, qui méprise ses travailleur·es, ses élèves et leurs parents.
Honte à ce gouvernement qui préfère financer des uniformes, des drapeaux flambant neufs, l’encasernement de centaines de jeunes et financer des YouTubers à qui on ne confierait même pas l’encadrement d’un champ de patates, plutôt que de se doter d’une politique éducative émancipatrice et sociale !

La jeunesse doit filer droit, voilà l’objectif du SNU !

« Il ne s’agit pas de réinventer le service militaire mais de donner à la jeunesse de France des causes à défendre, des combats à mener dans les domaines social, environnemental, culturel  » Emmanuel Macron

À l’entendre, la « jeunesse de France » n’aurait plus goût à rien, elle manquerait d’engagement, d’implication, d’idées… En bref, les jeunes auraient bien besoin d’un bon coup de pied au cul !

C’est oublier un peu vite l’implication de la jeunesse contre le CPE de Villepin en 2006, contre la « loi travail » de Hollande en 2016 ou plus récemment contre les réformes Blanquer. Les jeunes se mobilisent en soutien aux exilé·es, font grève contre l’inaction climatique, défilent avec les Gilets Jaunes…
La « jeunesse de France » n’attend pas qu’on lui « donne des combats » à mener.

Elle n’attend personne pour lutter pour l’écologie et exiger la justice sociale !
Chirac en 2002, Sarkozy en 2005, Royal en 2007, Mélenchon, Macron, Le Pen en 2017… celles et ceux qui remettent le service militaire à l’ordre du jour sont légion et tous·tes s’accordent sur plusieurs points :

« En France on manquerait de cohésion nationale »
Ces paternalistes 2.0 nient le libre-arbitre des individus. Les jeunes ont besoin de développer leur esprit critique et leur autonomie, pas qu’on leur fasse faire des pompes quand une tête dépasse !

« Le SNU permet de gommer les différences, tout le monde est à égalité »
Qui peut sérieusement penser que le port de l’uniforme annule les inégalités ? Qui peut penser que passer un mois enfermé·e à ressasser en chœur les mythes et les gloires de la République compensera les mécanismes de domination capitalistes, sexistes, racistes, néocolonialistes ?
Ça n’était pas vrai durant le service militaire, ce ne sera toujours pas le cas avec sa version « light ».

Campagne unitaire contre le SNU