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Rapport mondial sur la corruption 2005
Extraits de la présentation
Article mis en ligne le 28 février 2007

La corruption ne remplit pas seulement les poches de l’élite politique et du monde des
affaires ; elle prive les gens ordinaires de services essentiels comme l’accès à des médicaments
susceptibles de sauver des vies et l’accès aux soins de santé et au logement.
En un mot, la corruption coûte des vies humaines.

Nulle part ailleurs la corruption n’est aussi enracinée que dans le secteur du bâtiment,
thème principal du
Rapport mondial sur la corruption 2005
de Transparency
International. Du projet hydraulique des Hauts plateaux du Lesotho (page 38) à la
reconstruction d’après-guerre en Irak (page 98), la transparence dans les marchés
publics est, sans conteste, le facteur le plus important pour juger du succès de l’appui
des bailleurs de fonds au processus de développement durable. Les pays en développement
se retrouvent avec des infrastructures inférieures aux normes et une dette
excessive à cause de procédures de passation de marchés gangrenées par la corruption.

Bâtir un monde sans corruption

Aussi enracinée que la corruption paraisse, elle peut être vaincue. Transparency International
(TI) a été l’un des précurseurs du Pacte d’Intégrité (PI) contre les pots-de-vin,
qui prévoit des sanctions telle que l’inscription sur liste noire d’un fournisseur qui
n’aurait pas respecté l’accord contre les pots-de-vin (page 72). Appliquée actuellement
dans plus de 20 pays à travers le monde, en 2003-2004, la campagne de TI a porté ses
fruits sur le plan mondial. Le PI est de plus en plus utilisé par les banques multilatérales
de développement, une nette avancée qui apportera beaucoup de réconfort aux
citoyens ordinaires du monde en développement.

Ainsi, en septembre 2004, la Banque mondiale a rendu publique sa décision d’exiger
des entreprises soumissionnaires pour les grands projets qu’elle finance, qu’elles
attestent « avoir pris les dispositions nécessaires pour qu’aucune personne agissant en
[leur] nom ou pour [leur] compte ne commette d’acte de corruption ». Cette percée
est la preuve de l’impact grandissant du mouvement de lutte contre la corruption sur
l’agenda mondial.

Une autre initiative de TI (conjointement avec Social Accountability International
et un groupe d’entreprises internationales), les Principes pour contrer la corruption
dans le secteur privé, servent de références pratiques aux entreprises pour prévenir la
corruption dans l’ensemble de leurs opérations.

En janvier 2004, au Forum économique mondial de Davos, 19 sociétés internationales
parmi les plus importantes du monde ont entamé une importante démarchedevant aboutir à l’établissement d’un secteur du bâtiment libre de toute corruption
lorsqu’elles ont apposé leurs signatures sur les Principes du secteur privé adaptés aux
industries du génie civil et du bâtiment (voir page 58).

Les coûts de la corruption

Ces initiatives, et d’autres, sont essentielles à la construction d’un monde sans corruption.
Plus de 4 billion de $ américains sont consacrés aux marchés publics annuellement
à travers le monde. De la construction de barrages et d’écoles à la fourniture de
services de collecte d’ordures, les travaux publics et le bâtiment sont désignés, étude
après étude, comme le secteur le plus exposé à la corruption - aussi bien dans le
monde en développement que dans le monde développé. Si nous n’arrêtons pas la
corruption, le prix à payer sera toujours plus désastreux.

Aussi horrible que cela paraisse, il en coûtera des vies humaines. Rien qu’au cours
des 15 dernières années, les tremblements de terre ont coûté la vie à plus de 150 000
personnes. Comme l’écrit James Lewis, les « [t]remblements de terre ne tuent pas ;
l’effondrement des immeubles, si » (page 28). Des exemples en Turquie et en Italie ont
démontré que les immeubles s’écroulent souvent parce que la réglementation en
vigueur en matière de bâtiment et de plans a été ignorée - et elle l’est souvent parce
que certaines personnes ont été payées pour la contourner. En termes économiques,
les études rassemblées par Paul Collier et Anke Hoeffler (page 15) révèlent comment
la corruption augmente le coût et altère la qualité des infrastructures. Elle ralentit le
développement en réduisant les taux de croissance à long terme. En somme, la corruption
a la capacité de dévaster les économies émergentes.

La corruption dans le secteur du bâtiment ne se limite pas à piller les économies,
elle les façonne aussi. Des responsables des pouvoirs publics corrompus orientent le
développement économique et social vers de grands projets infrastructurels à forte
intensité de capitaux, préparant ainsi un terrain où foisonne la corruption au mépris
des programmes de santé et d’éducation. Les coûts d’opportunité sont énormes et les
pauvres sont les plus touchés. Si la corruption ne sévissait pas autant dans le secteur
du bâtiment, beaucoup d’argent aurait pu servir à financer la santé et l’éducation et
un plus grand nombre de pays en développement aurait un avenir durable, soutenu
par une économie de marché qui fonctionne et par l’État de droit.

La corruption détourne également les dépenses publiques vers des projets qui
détruisent l’environnement. Peter Bosshard (page 23) stigmatise « les ouvrages de la
corruption » à travers le monde (d’immenses projets de construction qui ont pu se
poursuivre simplement parce que des pots-de-vin ont été versés et que les normes
environnementales n’ont pas été appliquées). Le barrage de Yacyretá en Argentine,
l’usine d’énergie nucléaire de Bataan aux Philippines et le barrage de Bujagali en
Ouganda ont tous été mis en cause par des allégations de détournement de fonds.
Trop souvent, la corruption conduit à la réalisation de projets d’infrastructures redondants,
avec des conséquences potentiellement désastreuses pour l’environnement.

Le ciment de la corruption

La liste de projets entachés de corruption est longue. Le
Rapport mondial sur la corruption
2005
présente des études de cas sur le Lesotho (page 38) et l’Allemagne (page 60),
tandis que les rapports pays sur la Chine, le Costa Rica, la République Tchèque, la Norvège
et sur d’autres pays, font tous états d’allégations de corruption dans le bâtiment
au cours des années 2003 et 2004.

Neill Stansbury décrit (page 43) comment les caractéristiques du secteur du bâtiment
le prédisposent à la corruption : la férocité de la concurrence pour les contrats
de type « ça passe ou ça casse », le nombre élevé des échelons d’approbation et de délivrance
officielles des autorisations, le caractère unique de nombreux projets, les risques
de retards et de dépassements de délais et le simple fait de pouvoir si rapidement
cacher la mauvaise qualité de tant de travaux à l’aide d’une couche de béton, de plâtre
ou de revêtement. Trop souvent, les investisseurs et les institutions financières internationaux
sont aussi coupables par leur soutien à la corruption. C’est ainsi que la Banque
mondiale et les banques régionales de développement, trop disposées à accorder
des prêts sans les gardes-fous nécessaires en termes de contrôle et de suivi, ont péché
en investissant largement dans des projets qui font souvent l’objet d’allégations de
corruption. On a fortement critiqué aussi les agences de crédit à l’exportation (ACE)
(des agences semi-publiques de garanties et d’assurances pour les entreprises nationales
qui cherchent des débouchés à l’étranger) pour leur manque de transparence et
leur volonté de continuer à traiter avec des entreprises de bâtiment réputées corrompues.
Comme l’affirme avec force Susan Hawley (page 66), les banques multilatérales
de développement et les ACE ont un impact et une responsabilité qui vont bien audelà
des sommes d’argent qu’elles investissent elles-mêmes, ne serait-ce que parce que
les garanties qu’elles fournissent contribuent à la mobilisation des investissements du
secteur privé.

[...]

Peter Eigen, Président, Transparency International