Divergences Revue libertaire en ligne
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Qu’ont appris les étudiants israéliens cette année ? “L’anti-intellectualisme” est depuis toujours l‘un des symptômes du fascisme.’’
Shaul Arieli
Article mis en ligne le 7 septembre 2018
dernière modification le 12 novembre 2018

Nous reproduisons ici un article paru sur le site de "La paix maintenant auquel il nous a paru important de donner un certain écho.
Divergences.

voici le pdf

Si l’on observe le système éducatif en Israël à travers les lentilles du Pisa (le Programme international d’évaluation des acquis des élèves), la situation n’est guère encourageante Chaque année, l’Ocde examine le niveau d’alphabétisation des élèves de 15 à 16 ans en lecture, mathématiques et sciences et prédit depuis des années qu’en Israël la proportion des diplômés du secondaire auxquels il sera difficile de s’intégrer dans la société et l’économie sera parmi les plus élevées de l’Ocde. Le quotient de réussite des enseignants en Israël n’est pas haut non plus.

Traduction & Notes, Tal Aronzon pour LPM

Manifestation contre les coupes budgétaires affectant les écoles chrétiennes arabe-israéliennes, 27 mai 2015 ©AP/Photo Sebastian Scheiner [DR]

Ha‘Aretz, le 18 juin 2018

What did Israeli students learn this year ? the least possible

L’Article de Shaul Arieli

La gravité de la situation est plus grande à la lumière du fait que de 2006 à 2016 le budget de l’éducation a augmenté de 30 milliards de Nis [1], et n’a cessé de grossir depuis.
Mais tous ces milliards n’ont abouti qu’à un progrès de 13 points en sciences et un autre de 28 points en mathématiques selon les observations du Pisa.

L’explication n’est ni neuve ni surprenante. « Il nous faut comprendre qu’éduquer les élèves en direction de leur avenir, non de notre passé [nous incombe] », dit le Pr Andreas Schleicher, ministre de l’Éducation de l‘Ocde, à la suite des faibles résultats des élèves israéliens et de leurs enseignants.
« La pédagogie en Israël est très traditionnelle et normative. Elle ne vise pas à développer les dons de l’élève, elle ne s’intéresse pas à la créativité et à la résolution des problèmes… Votre système éducatif use trop d‘études basées sur la mémorisation… Cela ne fonctionne plus de cette façon. Dans le monde moderne, on ne vous gratifie pas [en fonction] de votre savoir — mais pour ce que vous êtes capable d’en faire. »

Ça n’est pas nouveau. Comme d’autres, j’ai publié un article en 2005 (“Pourquoi étudier ? — Apprenez par cœur”) où l’on pouvait lire : « On nous a annoncé qu’à partir de maintenant une partie de l‘examen d’entrée en études bibliques comprendra la mémorisation des versets et leur lecture à voix haute.
L’objectif de cette décision du coordinateur des Études bibliques est de “rapprocher la Bible des élèves, d’améliorer leur capacité à lire les textes à voix haute”.
Á l’ère de la communication et de la technologie, l’innovation du ministre de l’Éducation consiste dans l’emphase mise non pas sur la capacité à comprendre le texte, non pas sur l’esprit critique ou même l’aptitude à comprendre la Bible, mais sur la capacité des élèves israéliens à représenter la réponse sioniste qui convient aux chœurs de l’Église — et de chanter un certain nombre de versets selon la cantilation biblique.

Il n’est guère étonnant que le ministre de l’Éducation, Naftali Bennett [2], ait choisi une manifestation en l’honneur de la Fondation pour le renforcement des Études du judaïsme, en septembre 2016, pour déclarer :
“Étudier le judaïsme et l’excellence est à mes yeux plus important qu’étudier les mathématiques et les sciences”, [et ait] rejeté à maintes reprises la moindre critique à l’encontre de cette position.
Semblable critique fut formulée par Rachel Elior, professeur de pensée juive, qui écrivit dans un court préalable sur Facebook :
“Le plus important est d’apprendre le respect des êtres humains, dont le caractère universellement sacré de la vie ne dépend ni de la religion ni de la nationalité.”

Rappelons que la plate-forme éducative du parti de Bennett ignore la diversité de la société [israélienne] et vise à donner à tous les enfants une éducation (religieuse) juive ; et (nationale) sioniste.
L’amour de la patrie auquel le parti du Foyer juif entend éduquer comprend l‘annexion de la Cisjordanie ; la domination perpétuelle d’un autre peuple ; et l‘isolement international jusqu’à “ce que le monde s’habitue”.
Son modèle éducatif ignore des commandements tels que “Tu aimeras l’étranger” [3]. Il propose l’univers éducatif sur lequel Yeshayahou Leibowitz [4] écrivit cette vive mise-en-garde :
“Lorsque que quelqu’un admet les vues selon lesquelles ‘l’État’, ‘la nation’, ‘la patrie’, ‘la sécurité’, etc., sont les valeurs suprêmes et que la loyauté inconditionnelle envers elles est un absolu devoir sacré — [cette personne] devient capable de commettre n’importe quelle abomination dans cet intérêt sacré sans le moindre pincement de mauvaise conscience.” »

Cela se reflète dans l’allocation de budgets plus fournis à l’éducation religieuse-nationaliste [des sectes] messianiques, à laquelle il nous faut reconnaître que Guideôn Sâ‘ar et Shaï Piron [5] s’associèrent également.
Selon les données du ministère de l’Éducation, entre 2012 et 2016 le ministère a augmenté les budgets [dévolus] aux élèves du secondaire [des réseaux] religieux au taux le plus élevé en comparaison des autres secteurs, atteignant le pic de 33 000 Nis annuels par élève.
Cette somme est de 22% supérieure au budget attribué aux élèves du secondaire du secteur public ; et de 67% au budget alloué aux élèves arabes du secondaire.

Bennett sait que façonner les positions politiques de la jeunesse affectera le système politique, son caractère, et le régime de l’État d’Israël dans les années à venir.
[Cela] n’est pas dissimulé à ceux qui désirent “conquérir les cœurs” et promouvoir des idées nationalistes-messianiques.

Mais le désastre éducatif de la société israélienne est plus profond encore et est marqué par les caractéristiques du fascisme. “L’anti-intellectualisme” est depuis toujours l‘un des symptômes du fascisme.

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