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C’est du délire
Article mis en ligne le 19 novembre 2016
dernière modification le 3 novembre 2023

C’est du délire

ce qui s’est passé vendredi 28 octobre avant le débat à Mille Bâbords [1]. Même si on peut se dire que, pour discuter du sujet de la "race" sur Marseille [2], on aurait pu se passer de partir d’un texte en particulier [3] et des intervenants qui se sont déplacés [4], rien ne justifie l’action prétendument antiraciste qui a eu lieu. Empêcher de s’exprimer les gens qui sont venus et avec lesquels on ne serait pas d’accord [5] les agresser verbalement et physiquement et saccager un local militant (vitrine pétée, mobiliers renversés, livres et brochures balancés, boule puante et lacrymo répandu...) qui sert à beaucoup d’initiatives collectives et intéressantes sur Marseille n’est pas acceptable et doit être dénoncé partout où c’est possible, que ce soit dans des médias, des assemblées, des collectifs, dans d’autres villes...il faut isoler ce genre de pratique, ne pas les rendre possible et se solidariser peu importe ses positionnements sur le fond du débat.

Je prends cette position-là évidemment car il ne fut pas question d’attaque sur un groupe d’extrême droite [6] comme un communiqué vantard [7] pourrait le laisser entendre et c’est quand même assez simple à comprendre même si on analyse que brièvement la situation. Des gens sont venus dire indistinctement [8] « vous êtes des racistes car vous n’utilisez pas le mot "race" » : cherchez l’erreur ! Surtout quand on sait qu’une partie d’entre eux ne considèrent pas le PIR [9] comme un groupe d’extrême droite anti-juif et en sont même proche politiquement [10]. Il n’y a pourtant pas besoin de faire des études pour s’en apercevoir. Par exemple il suffit de lire le titre [11] du livre écrit par une des plus grandes penseuses du PIR, Bouteldja, et intitulé Les blancs, les juifs et nous. Je crois que c’est assez clair et je me demande comment certain-e-s camarades peuvent encore s’organiser avec ce genre de personne car je sais de source sûre qu’il y avait plusieurs tendances qui sont venues saborder le débat, notamment des tendances communistes et anarchistes. Bref, à chaque personne ses propres démons.

Ce qui est aussi du délire, c’est le manque de solidarité extérieure envers les gens et le local agressés. Beaucoup de personnes essaient de couper les cheveux en quatre. Par exemple lors de l’assemblée du collectif Al Manba, le mardi suivant, il a été rétorqué [12] à une personne, pour des raisons foireuses, à mon goût, que c’était normal ce qui s’était passé, ou bien qu’on s’en foutait [13], quand a été posé la question de la solidarité, sans rentrer dans le fond du débat, avec le local de Mille Bâbords [14], et avec une personne du collectif qui s’est fait agressée en tant que soit-disant raciste. Ce collectif accepterait donc sans broncher qu’il soit dit que le local dans lequel il s’est réuni soit un local raciste, et attaqué comme tel, et que certaines personnes au sein du Manba soient racistes et attaquées comme telles ? Jusqu’à quand ce genre d’ineptie va t-elle être acceptée ? Faudra-t-il attendre que son nouveau local soit aussi attaqué sur la même base [15], faudra-t-il que certaines personnes qui y militent finissent aux urgences ou, pourquoi pas, à la morgue ?

Mais il ne s’agit que d’un exemple parmi d’autres car il y a en fait une quasi incapacité générale à s’extraire du fond du débat afin d’assurer le minimum vital ; ça fait peur de voir laisser Mille Bâbords et des gens agressés comme ça sans trop de réaction.

C’est toujours du délire quand on vient empêcher un débat sans savoir ce que les gens pensent afin de les assigner à UNE position politique commune [16]. Pour ma part, il n’est pas question d’utiliser les mots "race" et consorts, je les laisse aux autres. Les trois-quart de ma famille du côté de ma mère ne se sont pas faits exterminés il y soixante-quinze ans sous prétexte qu’ils étaient d’une race soi-disant différente et, pour le coup, inférieure, pour que moi je ré-emploie ce mot. Et oui je suis d’origine juive et j’emmerde les gens que ça dérange, tout autant que j’emmerde la religion juive, l’état d’Israël, ses colons et ses soutiens, mais tout autant que j’emmerde la Palestine, la religion musulmane et toute autre nation et religion.

Par contre, et contrairement à tout ou partie des gens qui ont organisé le débat à Mille Bâbords, je n’ai pas une lecture qui dit que les luttes contre le racisme ou encore contre le sexisme ou d’autres formes de domination n’ont pas lieu d’être, ou ne seraient que des luttes annexes à la lutte contre l’exploitation et le capital ; ni même qu’il s’agit de phénomène qui disparaîtront d’eux-mêmes après qu’une révolution ait fait chuter le capitalisme. Mais je pense effectivement que état et capital se servent et renforcent ces phénomènes qui existaient avant eux. Je pense aussi que nous-mêmes et nos espaces d’organisation sont traversés à différents niveaux par ce qui traverse la société. Et oui je constate, et je trouve cette situation plus que problématique, que les renoi, les rebeu et même les femmes ont des positions souvent inférieures aux autres dans nos collectifs, luttes et assemblées et des fois s’en barrent. Et je trouve aussi que certains espaces non-mixte raccordés à des espaces ouverts peuvent apporter des éléments intéressants et contribuent à pallier certaines limites. Et les gens, qui prennent le temps de discuter avec moi ou de me lire, le savent bien.

Mais, de toutes ces constatations, je me refuse d’en faire une idéologie ou d’en développer un esprit identitaire. Mais c’est peut-être pour tout cela que je suis raciste et qu’il est de bon ton de m’envoyer, dans un local militant, une table sur ma jambe encore blessée lors d’une manif antifascite [17] tout en me balançant à la gueule des bouquins alors que je restais assis sans broncher à côté de mes béquilles. Mais peut-être qu’il faudrait que je m’excuse de ne pas ressembler au top du top du top du sujet révolutionnaire, c’est-à-dire que non je ne suis pas une personne qui est noire, et trans, et prolo et homo, et handicapée, et... Que le parti me pardonne. Par contre je suis sur une approche révolutionnaire et j’essaie de m’organiser de manière autonome. Mais peut-être que ça ce n’est qu’un truc de blanc de petit bourgeois (au RSA !).

Ce qui est aussi du délire c’est le risque de l’escalade de la violence car, si à Mille Bâbords les personnes agressées ont été plutôt sympa, ça risque de ne pas être le cas si d’autres situations similaires se reproduisent, ici ou ailleurs. La pensée unique ça me débecte, mais il est clair que ce n’est que par la tyrannie qu’on l’obtient. Alors jusqu’où ira la connerie pour obtenir l’hégémonie politique ; jusqu’où les gens sont prêts à aller ?

Solidarité avec Mille Bâbords et avec les révolutionnaires du monde entier !
Solidarité contre TOUTES les extrêmes droites [18] et contre ce monde de merde !

CSH, Marseille, novembre 2016

 [1] Cf Descente, tentative de mise à sac, coups, gazage et vitrine détruite à Mille Bâbords
 [2] Et cela est une nécessité vu les tentions qu’il y avait déjà avant les agressions menées
 [3] En occurrence Jusqu’ici tout va bien.
 [4] Même si la rencontre était loin d’être inintéressante
 [5] Comment le savoir sans discussion ?
 [6] Contre lesquels ce genre de pratiques est, selon moi, justifiées
[7] Action antiraciste à Mille Bâbords, Anti-racialisateurs et anti-racialisatrices stay et protect your home !
[8] A qui ? On sait pas. Aux gens qui ont organisé, aux personnes qui sont venues discuter peu importe leur position politique sur la question, à celles qui étaient là plus ou moins par hasard, aux gens qui font vivre le local, à tout le monde... ?
 [9] Parti des Indigènes de la République.
 [10] Je le sais pour en avoir discuté avec certains d’entre eux
 [11] Même pas la peine de perdre son temps à lire le reste, notamment si c’est pour y lire de la merde sexiste, homophobe, identitaire et autre connerie du genre.
- [12] De la part des gens qui se sont exprimés.
 13] Car on avait soit-disant pas à prendre position sur la situation.
 [14] Notamment parce qu’il a servi au Manba, et gratuitement, de lieu de réunion
 [15] Car des gens disent déjà que c’est un collectif raciste. Là encore, cherchez l’erreur car, pour rappel, le Manba est plutôt positionné, en théorie comme en pratique, contre les frontières et pour le soutien des gens qui passent les frontières alors que ça leur est interdit
 [16] En plus de les assigner à leur couleur de peau et à leur sexe
 [17] Je vous rassure j’étais du même côté de la banderole que les gens qui l’ont organisé.
- [18] Je pense aussi évidemment ici au PIR et à son idéologie.