(traduction@Samuel Légitimus) La version anglaise est à la fin.
Trouvé ici https://www.facebook.com
C’est un projet sérieux. Tous les immigrants aux États-Unis savent (ou savaient) que s’ils veulent devenir de vrais, d’authentiques Américains, ils doivent réduire leur allégeance à leur pays natal et considérer celui-ci comme secondaire, subordonné, afin de mettre l’accent sur leur blancheur. Contrairement à n’importe quelle nation d’Europe, les États-Unis tiennent la blancheur pour la force unificatrice. Ici, pour de nombreuses personnes, la définition de l“Américanité” est la couleur.
Sous les lois de l’esclavage, la nécessité du classement des couleurs était évidente, mais dans l’Amérique d’aujourd’hui, dans la législation post-droits civiques, la conviction qu’ont les Blancs de leur supériorité naturelle se perd. Est vite perdu. Il y a des « personnes de couleur » partout, qui menacent d’effacer cette définition longtemps assimilée de l’Amérique. Et alors quoi ? Un autre président noir ? Un Sénat majoritairement noir ? Trois juges noirs à la Cour suprême ? La menace est effrayante.
Afin de limiter la possibilité de ce changement insoutenable, et de restaurer la blancheur à son statut antérieur de marqueur de l’identité nationale, un certain nombre d’Américains blancs se sacrifient. Ils se mettent à faire des choses qu’ils n’ont manifestement pas envie de faire et, pour ce, ils (1) renoncent à leur sens de la dignité humaine et (2) risquent l’apparence de la lâcheté. Tout comme ils peuvent mépriser leurs actions et être parfaitement conscients qu’ils sont veules, ils sont prêts à tuer des petits enfants qui fréquentent l’école du dimanche et à abattre les pratiquants qui invitent un garçon blanc à prier. Embarrassante comme doit l’être l’évidence de la lâcheté, ils sont prêts à mettre le feu aux églises et à tirer à l’intérieur tandis que les membres sont en prière. Et, honteux comme le sont ces démonstrations de faiblesse, ils sont prêts à abattre des enfants noirs dans la rue.
Afin de maintenir vivante cette perception de la supériorité blanche, ces Blanc-Américains glissent leur tête sous des cagoules en forme de cônes et sous des drapeaux américains et se refusent à la dignité de la confrontation face-à-face ; ils braquent leurs armes sur les personnes désarmées, innocentes et apeurées, sur des sujets qui s’enfuient, exposant aux balles leur dos sans menace. Sans doute le fait de tirer dans le dos d’un homme qui s’enfuit heurte-t-il la présomption de la force blanche ? Triste situation que celle des hommes blancs, s’abaissant au-dessous de leur (meilleurs) moi, pour massacrer des innocents aux arrêts de la circulation, pour enfoncer le visage des femmes noires dans la poussière, pour menotter les enfants noirs. Seuls des trouillards feraient ça. N’est-ce pas ?
Ces sacrifices, faits par des hommes blancs soi-disant durs, qui sont prêts à abandonner leur humanité par peur des hommes et des femmes noirs, suggèrent la véritable horreur du statut perdu.
Il peut être difficile de ressentir de la pitié pour des hommes qui font ces bizarres sacrifices au nom du pouvoir et de la suprématie blanches. La dégradation personnelle n’est pas facile pour les Blancs (surtout pour les hommes Blancs), mais afin de conserver la conviction de leur supériorité sur les autres - en particulier sur les Noirs - ils sont prêts à risquer le mépris, et à être vilipendés par le l’homme mature, sophistiqué et brave. Si cela n’était pas si ignorant et pitoyable, on pourrait pleurer cet effondrement de la dignité au service d’une mauvaise cause.
Le confort d’être « naturellement meilleur que », de ne pas avoir à lutter ou à exiger un traitement civil, est difficile à abandonner. La confiance de ne pas être observé dans un grand magasin, d’être le client préféré dans les restaurants haut de gamme - ces inflexions sociales, appartenant à la blancheur, sont avidement recherchés.
Si effrayantes sont les conséquences d’un effondrement du privilège blanc que de nombreux Américains ont afflué vers une plate-forme politique qui soutient et traduit en force la violence faite contre les sans-défense. Ces gens ne sont pas tant en colère que terrifiés, avec le genre de terreur qui fait trembler les genoux.
Le jour de l’élection, combien tant d’électeurs blancs - autant les instruits, que les bien éduqués – ont embrassé avec empressement la honte et la peur semées par Donald Trump. Le candidat dont la compagnie a été poursuivie par le Ministère de la Justice pour avoir refuser de louer des appartements aux Noirs. Le candidat qui doutait que Barack Obama soit né aux États-Unis, et qui semblait tolérer le tabassage d’un manifestant du mouvement Black Lives Matter lors d’un rassemblement de campagne. Le candidat qui a refusé que des travailleurs noirs foulent les parquets de ses casinos. Le candidat qui est chéri par David Duke et approuvé par le Ku Klux Klan.
William Faulkner l’a compris mieux que tout autre écrivain américain. Dans Absalom, Absalom, l’inceste est moins un tabou pour une famille du sud de la classe supérieure que la reconnaissance de la seule goutte de sang noir qui souillerait si clairement la lignée familiale. Plutôt que perdre sa « blancheur » (encore une fois), la famille choisit le meurtre.
MOURNING FOR WHITENESS
By Toni Morrison
This is a serious project. All immigrants to the United States know (and knew) that if they want to become real, authentic Americans they must reduce their fealty to their native country and regard it as secondary, subordinate, in order to emphasize their whiteness. Unlike any nation in Europe, the United States holds whiteness as the unifying force. Here, for many people, the definition of “Americanness” is color.
Under slave laws, the necessity for color rankings was obvious, but in America today, post-civil-rights legislation, white people’s conviction of their natural superiority is being lost. Rapidly lost. There are “people of color” everywhere, threatening to erase this long-understood definition of America. And what then ? Another black President ? A predominantly black Senate ? Three black Supreme Court Justices ? The threat is frightening.
In order to limit the possibility of this untenable change, and restore whiteness to its former status as a marker of national identity, a number of white Americans are sacrificing themselves. They have begun to do things they clearly don’t really want to be doing, and, to do so, they are (1) abandoning their sense of human dignity and (2) risking the appearance of cowardice. Much as they may hate their behavior, and know full well how craven it is, they are willing to kill small children attending Sunday school and slaughter churchgoers who invite a white boy to pray. Embarrassing as the obvious display of cowardice must be, they are willing to set fire to churches, and to start firing in them while the members are at prayer. And, shameful as such demonstrations of weakness are, they are willing to shoot black children in the street.
To keep alive the perception of white superiority, these white Americans tuck their heads under cone-shaped hats and American flags and deny themselves the dignity of face-to-face confrontation, training their guns on the unarmed, the innocent, the scared, on subjects who are running away, exposing their unthreatening backs to bullets. Surely, shooting a fleeing man in the back hurts the presumption of white strength ? The sad plight of grown white men, crouching beneath their (better) selves, to slaughter the innocent during traffic stops, to push black women’s faces into the dirt, to handcuff black children. Only the frightened would do that. Right ?
These sacrifices, made by supposedly tough white men, who are prepared to abandon their humanity out of fear of black men and women, suggest the true horror of lost status.
It may be hard to feel pity for the men who are making these bizarre sacrifices in the name of white power and supremacy. Personal debasement is not easy for white people (especially for white men), but to retain the conviction of their superiority to others—especially to black people—they are willing to risk contempt, and to be reviled by the mature, the sophisticated, and the strong. If it weren’t so ignorant and pitiful, one could mourn this collapse of dignity in service to an evil cause.
The comfort of being “naturally better than,” of not having to struggle or demand civil treatment, is hard to give up. The confidence that you will not be watched in a department store, that you are the preferred customer in high-end restaurants—these social inflections, belonging to whiteness, are greedily relished.
So scary are the consequences of a collapse of white privilege that many Americans have flocked to a political platform that supports and translates violence against the defenseless as strength. These people are not so much angry as terrified, with the kind of terror that makes knees tremble.
On Election Day, how eagerly so many white voters—both the poorly educated and the well educated—embraced the shame and fear sowed by Donald Trump. The candidate whose company has been sued by the Justice Department for not renting apartments to black people. The candidate who questioned whether Barack Obama was born in the United States, and who seemed to condone the beating of a Black Lives Matter protester at a campaign rally. The candidate who kept black workers off the floors of his casinos. The candidate who is beloved by David Duke and endorsed by the Ku Klux Klan.
William Faulkner understood this better than almost any other American writer. In “Absalom, Absalom,” incest is less of a taboo for an upper-class Southern family than acknowledging the one drop of black blood that would clearly soil the family line. Rather than lose its “whiteness” (once again), the family chooses murder.