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Charles-Nestor Pottequin de la Pottequinière
Cercle de l’Union interalliée
Article mis en ligne le 16 novembre 2011
dernière modification le 29 octobre 2023

Allô, Anne-Sophie ? Tu ne devineras jamais où j’étais aujourd’hui : au cercle de l’union interalliée ! Oui, tu sais, ce club, 33 rue du Faubourg Saint-Honoré, un peu après l’Élysée, entre l’ambassade du Royaume Uni et l’ambassade du Japon. C’est très chic. Le club occupe tout un immense hôtel particulier de 1717, qui a appartenu à Henri de Rotschild. Fatalement, on se trouve entre gens de bonne compagnie. Parmi les fondateurs, en 1917, André Citroën, le comte de Beaumont, le comte d’Andigné. Non, pas indigné, ma chérie, Andigné. Le comte, tu sais bien. Parmi les présidents, le prince de Faucigny-Lucinge, ou monsieur Taittinger, le monsieur des champagnes, celui qui finance des mouvements identitaires, un homme de cœur et de principes.

C’est très beau. Un jardin privé, de plus de cent mètres de long, donnant sur l’avenue Gabriel. Piscine, bien sûr. Il faut cela, pour l’un de ces lieux où nous sommes entre nous. Je sais ce que tu vas dire : même là, on voit des parvenus, des gens qui travaillent ! Rassure-toi, on ne prend que ceux qui pensent bien : le petit Stéphane Bern, il est bête comme ses pieds, mais il nous aime ! Et bien sûr, tous ces présidents de grandes entreprises, Claude Bébéar, Pierre Mongin, le président de la RATP (mais comment peut-on passer sa vie à s’occuper du métro ! Je te le demande !) Augustin de Romanet, mais si, celui de la Caisse des dépôts, et Yves-Thibault de Silguy, celui de Vinci. Non ma chérie, pas Léonard, les parkings. Pas toujours de bonne noblesse ? Non, certes, Valéry Giscard, tout le monde sait qu’il ne descend pas de l’amiral d’Estaing, mais c’est un homme charmant. Et, parmi les roturiers, n’oublie pas qu’il y a eu Ferdinand Foch. Maréchal, ça vaut bien baronne, non ?

Tu te demandes si tu veux en faire partie ? Oh, ça ne coûte rien, 4200 euros la première fois, 1440 euros par an ensuite, et 1230 euros si tu veux profiter de la piscine. Très bien la piscine, pas d’adolescents, pas d’Arabes. Ou alors des princes saoudiens invités par Yves-Thibault, ça compense. Bon, pour les dames, il y a deux ans d’attente, parce qu’ils veulent garder un ratio de deux tiers d’hommes pour un tiers de femmes.

Ah, ma chérie, la tradition on la prend ou on la jette, mais on ne la coupe pas en petits morceaux. Pour les hommes, l’attente est quand même de six mois. Non, ma chérie, on ne regarde pas les quartiers de noblesse. C’est pour l’Ordre de Malte, ça. Tu sais, ma chérie, au cours des siècles, il a bien fallu que nous fassions de la place à tous ces ambitieux. L’argent, oui toujours l’argent… nous avons bien dû nous y mettre, maintenant le pouvoir c’est l’argent. Enfin, c’est toujours la naissance, si l’on est né là où pousse l’argent !

Le plus amusant, c’est qu’ils donnent des conférences. Oui ma chérie, le pouvoir ça ne se garde que si on se tient au courant. C’est aussi pour ça que ces clubs existent, pas seulement pour nous épargner la vue et l’odeur des gens qui travaillent. C’est pour que l’on puisse venir nous donner des informations. Et justement, tiens-toi bien, ils annonçaient une conférence, à 55 euros l’entrée, d’un socialiste. Oui, ma chérie !

Il n’y a plus de socialistes depuis longtemps ? Ca je le sais, ma chérie. Tout de même, il y a encore un parti dit socialiste, je t’assure qu’ils sont tous très fréquentables. D’accord, eux aussi, l’argent, toujours l’argent, ils ne pensent qu’à ça… On ne peut tout de même pas demander à des gens qui s’affichent socialistes de réclamer le retour sur le trône de la Maison de France, non ? Pardon ? Qui est ce socialiste qui va donner une conférence, le 22 décembre, au cercle de l’union interalliée ? Mais Jacques Attali, ma chérie, voyons ! Sur quel thème ? « Penser la gouvernance mondiale ». Voilà à quoi ils servent, les socialistes ma chérie. À nous éviter d’avoir à penser comment perpétuer notre pouvoir, ils s’en chargent pour nous !
« Gouvernance », joli mot non ? On pense à gouvernante, comme cette Mme Campan qui fut gouvernante des enfants du Roy. On dit toujours du mal du petit personnel, mais c’est manquer de charité chrétienne, ma chérie : cet Attali, il fait ce qu’il peut pour nous aider ! Je ne te demande pas de l’inviter à dîner, non. Mais, là, dans l’ascenseur du club, c’était mignon, cette publicité pour la conférence d’un socialiste.


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