Christiane Passevant
1/4 - Basilio Martin Patino : entre « vérité » et « farce »
Article mis en ligne le 25 décembre 2006
dernière modification le 22 février 2011

Le 28e festival du cinéma méditerranéen de Montpellier nous offre la découverte de l’œuvre cinématographique d’un cinéaste méconnu et rare, Basilio Martin Patino [1].

Né en 1930, il crée le ciné-club universitaire de Salamanque et organise les Conversations de Salamanque
Les Conversations de Salamanque [2] auxquelles participent de nombreux cinéastes de cette génération, se tiennent du 14 au 29 mai 1955, organisées par le ciné-club de Salamanque avec Basilio Martin Patino et Juan Antonio Bardem, réalisateur, la même année, de Mort d’un cycliste, en 1955, qui marquent un tournant dans la production et la mise en avant d’une réflexion critique dans le cinéma. Cette critique de la vacuité cinématographique et de l’allégeance à l’ordre moral ambiant annonce également le renouveau du cinéma espagnol : « Le cinéma espagnol vit isolé. Isolé non seulement du monde, mais de notre propre réalité. » Juan Antonio Bardem y ajoute un bilan sans concession : « Le cinéma espagnol actuel est politiquement inefficace, socialement faux, intellectuellement infirme, esthétiquement nul et industriellement rachitique. »

De Neuf lettres à Berta (1965), Paradis perdus (1985), Madrid (1987), à Octavia (2002), l’œuvre de fiction de Basilio Martin Patino se présente comme une enquête constante, sur l’engagement, sur la sincérité, sur la perception de réalités qui s’échelonnent comme la transcendance d’une vision complexe. Farouche antifranquiste et opposant irréductible à la censure, il réalise des documentaires clandestins après que Canciones para despues de une guerra (1971) ait été interdit. Très chers bourreaux (1973) et Caudillo (1974) — fulgurantes attaques de la dictature franquiste — renvoient à un questionnement sans cesse présent chez Patino sur la fabrication et la manipulation des images. Quelle place ont la vérité et le mensonge dans un processus qui n’a de force que celle de poser des questions importantes et « dangereuses » ? Le remarquable Casas viejas : el grito del Sur  [3] sur le massacre de Casas Viejas est un modèle cinématographique de ce qu’est la recherche de réalités à partir de perspectives différentes. Les genres, les temps se mêlent et se côtoient pour une approche sincère et profonde de la révolte spontanée des paysans libertaires andalous.

Le travail cinématographique de Basilio Martin Patino tient tout à la fois de la rigueur et de la créativité : un cinéaste essentiel de l’engagement et de l’intériorité.