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Christiane Passevant
We Want Sex Equality
Film de Nigel Cole
Article mis en ligne le 31 mars 2011
dernière modification le 30 mars 2011

We Want Sex Equality. Joli film pour illustrer la lutte des femmes pour l’égalité professionnelle.

En Grande-Bretagne, la loi sur l’égalité professionnelle est votée en 1970 et en France, il faut attendre 1973.

Aujourd’hui, les femmes représentent la moitié des salarié-es, gagnent en moyenne 28 % de moins que les hommes et sont 82 % à travailler à temps partiel. L’égalité professionnelle… La lutte continue !

We Want Sex Equality [1] s’inspire d’une grève qui a eu lieu en 1968 dans l’usine Ford de Dagenham. Lutte sociale et revendication de genre ? Certainement, mais pas au départ. C’est d’abord une réaction à chaud à propos d’une décision des dirigeants de l’usine de ne pas payer les heures supplémentaires. Brouhaha de protestations et révolte à l’annonce de la décision… Surtout que les ouvrières de l’atelier de sellerie de Dagenham, d’où sortaient les Cortina de l’Angleterre travailliste de Harold Wilson, ont déjà supporté des coupes salariales.
Et dans la foulée, en plus de devoir s’asseoir sur les heures supplémentaires, elles découvrent qu’à travail égal, le salaire n’est pas égal entre les hommes et les femmes. C’en est trop, elles se sentent exploitées, humiliées, et votent la grève à l’unanimité. Avec une particularité toute nouvelle, c’est une grève de femmes, initiée par des femmes.

Et la grève s’organise à la surprise générale, également pour le délégué syndical (Bob Hoskins) qui se range aux côtés des grévistes. Piquets de grève, banderoles, meetings, les slogans fusent : « On exige un salaire reflétant notre boulot, pas le fait d’avoir une bite ou non ! » ; « On veut le respect ! » ; « Chacune de nous mérite le même salaire qu’un homme ». Message reçu, les femmes se radicalisent dans la lutte. Pendant trois semaines, elles refusent de coudre les banquettes de la Ford made in England pour protester contre l’injustice de leur déclassement et revendiquer un salaire équivalent à celui des hommes.

Les ouvriers de l’usine, amusés dans un premier temps, les soutiennent — normal faut être solidaires avec les nanas ! —, puis changent d’avis lorsque la grève se prolonge et bloque toute la chaîne de production. Les voilà au chômage technique et leur solidarité, avec les traites qui tombent, en prend un coup. On ne rigole plus en passant les piquets, on lance des réflexions sexistes, mais les filles tiennent bon, décidées à aller jusqu’au bout.

Comédie sociale où le cinéma britannique excelle, We Want Sex Equality de Nigel Cole prend prétexte de la grève pour faire le portrait de l’Angleterre de la fin des années 1960. Sexiste et paternaliste la société anglaise et ce n’est pas une question de classes… On se demande même si le trait qui paraît d’abord forcé l’est réellement. Dans l’usine, l’atelier le plus pourri, c’est celui des femmes, la chaleur y est suffocante, il pleut à l’intérieur et le travail à la chaîne n’a rien à envier, côté Modern Times, aux chaînes de montage des hommes. Dans le privé, les femmes doivent se cantonner aux rôles de bonne épouse, bonne mère et jolie potiche (l’épouse du directeur de l’usine), ou bien garde-malade et cuisinière ! Si l’on y réfléchit, ce n’est pas si loin dans le temps, de quoi s’interroger si les mentalités ont réellement évolué depuis. Dans le contexte de l’époque, la lutte des femmes de l’usine Ford de Dagenham prend alors une dimension politique et symbolique.

Dans le film, la porte-parole des grévistes s’appelle Rita O’Grady (Sally Hawkins), dans la réalité elle s’appelait Rose Boland. Rita est tout d’abord mal à l’aise face aux “décisionnaires”, le secrétaire syndical la tranquillise d’ailleurs avant la rencontre avec les cadres de la direction, « Laissez-moi parler. vous n’avez rien à dire. » Mais voilà que la “petite brune” prend la parole, argumente et refuse de se laisser manipuler par le syndicaliste professionnel et les dirigeants anglais de l’usine Ford.
C’est la surprise ! Elle tient tête et déjoue les promesses fallacieuses de la direction avec bon sens, mais pas du tout dans les clous, ce qui désarçonne ses interlocuteurs.

Entre temps, un représentant de la maison mère arrive des États-Unis pour mettre de l’ordre. Pragmatique et cynique, il cherche à diviser les grévistes et à semer le trouble parmi elles. Il fait miroiter à l’une des jeunes grévistes qu’elle pourrait être leur vedette pour la campagne publicitaire de la marque. Et quand la séance photos se termine en affirmation de la revendication, il va même jusqu’à menacer de délocaliser l’usine pour faire cesser la grève. Mais peine perdue, le courant de révolte tient bon et la grève continue malgré les difficultés, les moments de découragement et parfois les dissensions.

Le combat n’est pas facile et l’on réalise que la loi sur l’égalité professionnelle n’a pas été octroyée, mais obtenue par la mobilisation et la lutte. Et ce n’est pas terminé si l’on considère les disparités salariales qui existent aujourd’hui encore entre les hommes et les femmes.

Dans cette fin des années 1960, les grévistes sont conscientes qu’il faut se battre pour revendiquer un droit et elles vont jusqu’à manifester sous les fenêtres de la ministre du Travail, Barbara Castle (Miranda Richardson), qu’elles rencontrent en délégation. Les médias s’intéressent au mouvement, mais parfois avec une certaine condescendance. Les journaux, la télé parlent de la grève… Rita se rend au congrès syndical et obtient le soutien de la grève par les syndicalistes à l’issue d’un discours qu’elle improvise. Un soutien important, contre l’avis de certains cadres syndicaux qui estiment normale l’inégalité des rémunérations entre les hommes et les femmes. C’est le même raisonnement que les patrons qui voient dans l’égalité salariale un danger de remettre en cause l’équilibre des salaires. Traduisez : une perte des profits !

Le film de Nigel Cole offre quelques beaux portraits de femmes, tendres, émouvants, truculents et plein d’humour et rappelle aussi que, à travail égal, salaire égal, « c’est un droit, pas un privilège »