Divergences Revue libertaire en ligne
Slogan du site
Descriptif du site
Nestor Potkine
Du Berceau au berceau
Article mis en ligne le 31 mars 2011
dernière modification le 5 février 2011

Cradle to Cradle, remaking the Way we Make Things de William McDonough & Michael Braungart

Par Nestor Nestor Vroum-Vroum.

Le titre est déjà révélateur. Car, en anglais, on dit : from the cradle to the grave (du berceau à la tombe). Les auteurs du livre Cradle to Cradle, remaking the Way we Make Things ont sciemment détourné cette vieille expression qui décrit une erreur essentielle de la civilisation moderne. L’industrie crée des objets fondés sur le principe du berceau à la tombe : on les utilise, puis on les jette. Il faudrait plutôt produire les objets du berceau au berceau : en d’autres termes, s’assurer, dès le stade de la conception, que tout, dans un objet, peut resservir. Le recyclage total. Pas simplement un peu de recyclage, un recyclage à un ou deux cycles ou un recyclage d’un ou deux des composants d’un objet. Un recyclage total… et pas nécessairement commercial, puisque l’on dispose de plus en plus de matériaux dotés des mêmes propriétés utiles (résistance, force, isolation, etc.) que les matériaux synthétiques ou polluants, mais qui peuvent nourrir la nature lorsqu’on les y renvoie.

Vaste programme certes, et les auteurs décrivent pour l’exemple l’énormité du processus de conception d’un textile d’ameublement 100 % recyclable. Il fallut, pour cela, rejeter HUIT MILLE produits chimiques (colorants, ignifugeants, etc.) couramment utilisés par l’industrie textile et essuyer le refus de soixante entreprises chimiques de s’associer au projet. Résultat amusant : lorsque l’on testa l’eau sortant de l’usine fabriquant le tissu, les testeurs crurent que leurs instruments ne fonctionnaient plus, parce qu’ils n’avaient rien détecté de vilain !

« Du berceau au berceau » ; cette formule frappante n’est que l’une des nombreuses trouvailles de ce livre qui, paradoxalement, pue. En effet, il est un échantillon, quoique l’un des moins blâmables, de l’éco-business. De l’idée que non seulement les mots « développement durable » ne sont pas un oxymore, mais que environnement et capitalisme sont compatibles.

Michael Braungart, chimiste et consultant, William McDonough, architecte membre du Centre Chine-USA pour le Développement Durable aiment le business. Toutefois, comme ils ont des âmes roses et pas noires, ils souhaitent que le business devienne propre sur lui, ne fasse plus sous lui, et contribue à la bonne santé de la planète.

Malgré cette atterrante niaiserie, le livre pétille d’armes merveilleusement utiles. Même des histoires drôles : Planète 1 rencontre Planète 2, qu’elle n’a pas vue depuis longtemps. « Dis donc, ça n’a pas l’air d’aller ! Tu es malade ?

— Ne m’en parle pas, j’ai attrapé Homo Sapiens !

— Bah ! Ne t’en fais pas. Moi aussi je l’ai eu, et ça a disparu tout seul ! »

Plus sérieusement, le livre attaque certaines « solutions » dont on a compris qu’elles ne sont qu’un problème supplémentaire. Ainsi des incinérateurs : « Utiliser le feu contre les déchets est une attitude médiévale. Une sorte de paranoïa. Quand on a peur, c’est au feu que l’on a recours. L’approche « du berceau au berceau est de concevoir dès le départ les déchets comme de la nourriture. De la nourriture pour ce qui va suivre. Il s’agit de ne pas gaspiller des ressources que nous pouvons transmettre à nos enfants et qu’ils pourront transmettre à nos petits-enfants. »

On ne saurait mieux dire.

Un autre exemple brillant ; les auteurs, afin d’éclairer les conséquences de la révolution industrielle, imaginent que l’on demande à un concepteur de la planifier, mais selon les exigences suivantes :

« — Mettre des millions de tonnes de produits toxiques dans l’air, l’eau et le sol chaque année.

— Produire des matériaux si dangereux qu’il faudra les surveiller de près pendant des millénaires.

— Produire des milliards de tonnes de déchets.

— Enfouir des matériaux de valeur dans des trous d’où il sera impossible ou dangereux de les tirer.

— Créer des milliers de règles complexes, non pas pour préserver la nature et les humains, mais simplement pour ne pas les empoisonner trop vite.

— Créer la prospérité en extrayant, récoltant ou coupant des ressources naturelles, pour ensuite les enfouir ou les brûler.

— Diminuer autant que possible la diversité des espèces et des cultures. »

Plus simple encore : la marée noire de l’Exxon Valdez en Alaska en 1991 augmenta le PNB de l’Alaska : tant de personnes durent accourir combattre la catastrophe, que l’activité économique s’en ressentit favorablement, ce qui se refléta dans les statistiques ! Le cancer frappe de plus en plus de victimes ? L’industrie pharmaceutique et les professions médicales contribuent dès lors à la santé économique !

Enfin, deux simples rappels, contre le culte de la bagnole. Buckminster Fuller affirmait que des extraterrestres examinant la Terre depuis des soucoupes volantes cachées dans les nuages, en déduiraient vite qu’il s’agit bien d’une planète habitée. Par des automobiles.

Et ceci : en Europe, la surface occupée par la totalité des routes égale à présent la surface occupée par la totalité des habitations.