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Bosnie-Herzégovine. Les exclus de la République
Article mis en ligne le 31 mars 2011
dernière modification le 21 mars 2011

Plus de 400 personnes ont été déchues de leur nationalité bosniaque. Beaucoup craignent des persécutions en cas de renvoi vers leur pays d’origine. Dans l’attente d’une éventuelle expulsion, certaines sont placées en rétention illimitée.

Pendant la guerre en ex-Yougoslavie, de nombreux ressortissants de pays arabomusulmans sont venus prêter main forte aux musulmans de Bosnie. Ils ont été intégrés dans l’armée ou ont rejoint des associations humanitaires, ont obtenu la nationalité bosniaque et, pour beaucoup, se sont mariés, ont eu des enfants, et ont construit leur vie dans ce pays.

Considérés comme islamistes, ils sont aujourd’hui devenus des indésirables, alors que la Bosnie se rapproche de l’Union européenne - depuis décembre 2010 les citoyens bosniaques n’ont plus besoin de visa pour entrer dans l’espace Schengen.

En 2005, les autorités du pays ont promulgué une loi qui prévoit d’examiner les modalités d’obtention de la nationalité bosniaque pour tous ceux qui l’auraient acquise entre avril 1992 et 2006. Une commission a été mise en place à cet effet, sous l’égide du ministère de la Sûreté.

À ce jour, la commission a ôté la nationalité à plus de 400 ressortissants bosniaques, installés dans le pays depuis des années, au motif qu’ils pourraient représenter une menace pour la sécurité. Les critères de décision de la Commission restent extrêmement flous.

Risques de renvois dangereux

Les deux tiers des « déchus » de la nationalité sont d’origine algérienne, égyptienne, jordanienne, soudanaise, syrienne, tunisienne ou turque. Beaucoup craignent des persécutions en cas de retour dans leur pays d’origine. Ainsi, tous les Tunisiens ayant fait un séjour en Bosnie ont été immédiatement torturés et incarcérés à leur retour en Tunisie.

Leurs démarches pour demander l’asile ou un droit de séjour en Bosnie se sont toutes heurtées à un refus. Des dizaines d’entre eux ont alors fui la Bosnie pour tenter de trouver refuge ailleurs en Europe.

Enfermés dans l’attente d’une expulsion

Ceux restés en Bosnie se terrent. Plusieurs ont été arrêtés et placés en rétention dans l’attente d’une expulsion. Trois d’entre eux ont déjà été renvoyés vers l’Algérie et Bahreïn. Six autres sont encore enfermés dans le centre pour étrangers de Lukavica. Il s’agit d’Imad El Houssine, de nationalité syrienne, d’Omar Frendi et de Noureddine Gaci, d’Algérie, d’Ammar El Hanchi, de Tunisie, et de Zyed Gertani et Fadhil Hamdani, d’Irak. Ils sont soumis, de facto, à une privation de liberté illimitée.

L’ACAT- France vous invite à saisir le Haut Représentant international en Bosnie- Herzégovine. Il s’agit du plus haut pouvoir politique en Bosnie-Herz égovine, créé par les accords de Dayton de 1995, qui ont mis fin au conflit. Il est nommé par l’ONU et peut annuler toute décision de l’exécutif ou du Parlement ou, au contraire, prendre une décision en opposition aux représentants élus.

Zoom - El Houssine a entamé sa troisième année en rétention

Imad El Houssine est enfermé depuis plus de deux ans dans le centre de rétention pour étrangers de Lukavica.

Arrivé de Syrie en ex-Yougoslavie en 1983 pour étudier la médecine, il s’est enrôlé dans l’armée de Bosnie-Herzégovine en 1992, s’est marié à une Bosniaque en 1993 et a obtenu la nationalité bosniaque en 1994.

Déchu de sa nationalité bosniaque, il a été placé en rétention en octobre 2008, en attendant son éventuel renvoi vers la Syrie, malgré deux décisions de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour constitutionnelle bosniaque demandant de surseoir à toute mesure visant à son expulsion.

En 2009, il témoignait : « Chaque mois, ma détention est prolongée au prétexte que je représente une menace pour la sécurité. Cela fait maintenant huit mois que j’ai été enlevé à ma famille et à mon épouse […] Dois-je attendre jusqu’à l’année prochaine, sans jugement, sans décision de justice ni d’action à mon encontre ? »

http://www.acatfrance.fr/appel_mois.php?id=54#situation