Divergences Revue libertaire en ligne
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Nestor Potkine qui verrait volontiers des Tunis partout
Du bon usage des brutes
Article mis en ligne le 30 janvier 2011
dernière modification le 23 janvier 2011

Pont aux ânes des militants (en herbe) politiques de tous bords : « Qu’est-ce que le fascisme » ? Une question utile quand même, au regard des millions de victimes de ce vilain avatar du capitalisme. Larry Portis vient d’y apporter une réponse d’une indispensable clarté, dans le livre du même titre [1] « Le fascisme est un mode de contrôle politique autoritaire et totalitaire qui émerge dans les sociétés industrielles capitalistes en réponse à une crise économique ». CQFD.

Empressons-nous de citer une autre définition portisienne, d’une non moins parfaite clarté : « Le pouvoir est la manière qu’emploient des individus pour obliger les autres à assurer leurs richesses, leurs privilèges et leur domination. »

Larry Portis ne s’embarrasse donc pas de circonlocutions.
Le fascisme, dans toutes les versions qui en ont été réalisées,
est l’alliance mutuellement (mais pas proportionnellement)
lucrative entre :

Des très riches qui financent et poussent à la roue ;

Des dirigeants opportunistes, malades, haineux, prêts à tous les mensonges tant qu’ils fonctionnent ;

Des dizaines de milliers de nervis heureux d’obtenir un emploi, un uniforme, un pouvoir et la possibilité d’humilier, de faire souffrir ;

Des centaines de milliers d’électeurs et de partisans, en général effrayés par la perspective de tomber, de la petite bourgeoisie, dans les eaux glacées du prolétariat.

Car, selon Barrington Moore Jr cité par Portis, « le fascisme est inconcevable sans la démocratie, c’est-à-dire l’entrée des masses sur la scène historique. Le fascisme est une tentative de rendre populaires et plébéiens la réaction et le conservatisme ». Et Jacques Perdu, lui aussi
cité : « Ce mouvement prend naissance dans une situation économique troublée qui, d’une part, réduit certaines couches sociales aisées à la misère, et d’autre part, amène la formation d’une armée de chômeurs, d’éléments déclassés que la démagogie fasciste utilise à ses fins. »

Les révolutions des XIXe et XXe siècles ont enseigné au capital qu’il vaut mieux, pour assurer la sécurité de la rente, avoir au moins une partie de la population de son côté. Et que la division du travail vaut aussi pour la répression : contraindre les masses à avaler baisses de salaire et hausses de prix, destruction des libertés et multiplication des obligations, passivité dans la décision et diligence dans le service, cela est bien mieux réalisé par des spécialistes, issus de ces mêmes masses.

C’est la raison pour laquelle on ne peut en aucune manière croire que le fascisme est dépendant de fantasmes contingents tels qu’antisémitisme, croyance au destin supérieur de la race des maîtres (Herrenrasse), ritorno alla gloria dell’Impero (pas besoin de traduire) ou White Power.

Les fascismes et les religions ont bien des choses en commun : ces deux méthodes de contrôle social utilisent des dogmes irrationnels, mis en avant et auxquels souscrivent les paresseux du bulbe, mais dont le contenu n’a strictement aucune importance. Sauf pour les victimes, Juifs, athées, homosexuels, tsiganes, syndicalistes et autres sous-hommes. Ce qui compte au niveau social, c’est qui contrôle l’institution. À qui elle profite, qui elle nourrit, qui elle affame. D’ailleurs, tant les religions que les fascismes n’ont jamais fait mystère de leur antirationalisme. Comme le dit Hobsbawm : « La théorie n’est pas le point fort de mouvements destinés à prouver la faiblesse de la raison et du rationalisme et la supériorité des instincts et de la volonté ». Et comme l’écrivait un Père de l’Eglise « credo quia absurdum » « je le crois parce que c’est absurde ».

Le fascisme est donc une possibilité très réelle, aujourd’hui en 2011 et dans les années qui vont suivre, même si, par bonheur, l’antisémitisme ou la race des maîtres se portent moins bien en 2011 qu’en 1941.

— Nous sommes dans une situation économique troublée.

— Les membres des classes moyennes perdent leur emploi en grand nombre.

— Ils craignent, avec raison, d’être réduits à la misère.

— Et nous n’en sommes plus à la création d’une armée de chômeurs, elle est déjà là, dans tous les pays industrialisés.

Oh, nous n’avons pas nécessairement à craindre le fascisme de papa, celui à retraite aux flambeaux, instituts de recherche raciale ou bénédictions archiépiscopales sur le front des armées. Le capital a compris que les chemises noires pouvaient être avantageusement remplacées par les maillots des équipes de football, les soutanes noires par les top-models et les magazines de mode, que quelques dizaines de milliers de policiers anti-émeutes peuvent mater une gauche fracassée, atomisée, soigneusement divisée en chapelles impuissantes et en syndicats achetés.

Le capital moderne a compris que caméras, cadres, contremaîtres, chefs d’équipe et vigiles suffisent à maintenir ce qui compte : ce qui se compte. La permanence des profits.