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Jean-Manuel Traimond. Photos Christiane Passevant
Un cimetière exclusif
Un guide méchant [et parfois moche] de Paris
Article mis en ligne le 30 janvier 2011
dernière modification le 21 janvier 2011

Le cimetière de Picpus est le seul cimetière privé restant à Paris. On n’y enterre que les descendants de guillotinés. Guillotinés de la Révolution, s’entend, qui jeta bien des corps sans têtes dans cette fosse commune. Le conservateur du cimetière (à présent à la retraite), propriétaire des ruches le long du mur et vendeur de leur miel, observait un beau rituel lorsque venait un touriste américain. Il mettait une ceinture de porte-drapeau et y plantait un drapeau américain. Puis il emmenait le visiteur sur la tombe de Lafayette, qui ne mourut pas guillotiné, mais dont la famille eut à se plaindre du rasoir national. Là, devant la tombe de Lafayette, il présentait puis abaissait le drapeau américain sous les yeux du touriste américain, pétrifié par la foudre patriotique.

Gageons qu’aucun touriste américain ne comprend le mauvais calembour à l’origine du nom de Picpus, celui d’une auberge célèbre pour l’agressivité et l’abondance de sa vermine.

En sus du conservateur de Picpus, 150 apiculteurs récoltent du miel à Paris, selon les services vétérinaires. Le domicile le plus inattendu des abeilles parisiennes surplombe l’onyx d’Algérie, le travertin du Jura et la brèche d’Alep, bref l’Opéra-Garnier. Les spécialistes affirment que les qualités du miel du toit de l’Opéra, reconnues par les gastronomes découlent de la grande variété de fleurs poussant à Paris.

Le domicile le plus ancien remonte, lui, à Napoléon III, sous le règne duquel il fut inauguré. En 1856, M. Hamet installa le rucher-école de la Société centrale d’apiculture dans la pépinière du Jardin du Luxembourg. Le miel est vendu aux enchères, dans l’orangerie, bâtie en 1839 et où l’on plaça 34 bigaradiers (orangers à oranges amères), certains vieux de 300 ans, rempotés tous les quinze ans dans leurs caisses en chêne. On rempote aussi des palmiers, presque aussi vieux, tous les dix ans, parce que leurs puissantes racines font éclater les barres de chêne massif.

Enfin, on peut mentionner le Miel de Béton recueilli sur le toit du centre administratif de Saint-Denis, commune de banlieue.

Horace Léon, dans Ruches de l’éloquence française, estime que « le lieu de production mellifère le plus important de Paris reste indéterminé : s’agit-il des bureaux du Quai d’Orsay, d’où coule l’éloquence melliflue à l’usage de l’étranger, ou de l’hémicycle de l’Assemblée dont le miel est destiné à l’indigène ? »


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