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Samantha Lavergnolle
Punishment Park
Article mis en ligne le 5 décembre 2010
dernière modification le 27 mars 2011

La place Bellecour à Lyon rebaptisée Punishment Park

Le jeudi 21 octobre, entre 13h30 et 19h30, plusieurs centaines de personnes, majoritairement des jeunes, voire des mineurs, ont subi, sur ordre de l’autorité préfectorale, une garde à vue de fait en plein air, place Bellecour, totalement illégale. Elles étaient venues rejoindre le cortège d’une manifestation autorisée, ou passaient simplement pour se rendre à leur travail ou ailleurs.

De nombreux témoignages confirment qu’un grand nombre d’entre elles a été soit gazé, soit flash-ballé, ou encore matraqué, arrosé pendant plusieurs heures dans la nasse fermée par un double cordon de CRS, de gendarmes et de policiers qu’était devenue la place Bellecour, re-nommée Punishment Park en référence au film de Peter Watkins, (1971) qui dénonce les violences policières permises par le "McCarran act", une loi autorisant à placer en détention toute personne "susceptible de porter atteinte à la sécurité intérieure."

Le collectif 21 s’est constitué afin d’organiser des événements et du soutien :
Tous les mercredis de 14 h à 20 h à la Ligue des Droits de l’Homme, 5 Place Bellecour pour recueillir témoignages et plaintes des personnes ayant subi la violation de leurs droits et des comportements illégaux de la part des forces de l’ordre, dans le but de déposer une plainte et apporter un soutien juridique, social et psychologique à tous les inculpés. [1]

Punishment Park trace une ligne entre la paranoïa du cinéma américain des années 1970 et le sadisme cynique de la télé contemporaine.

La redécouverte de Punishment Park frappe aujourd’hui par son aspect divinatoire, avec toutes ses images prophétisées trente ans à l’avance. Dans le désert par exemple, la poursuite infernale s’interrompt et l’on assiste aux interviews des protagonistes ; parfois même, ils s’adressent de leur propre chef à la caméra, conscients de l’influence qu’elle peut avoir sur le cours des événements. N’est-ce pas déjà de la télé-réalité ? Si, totalement. Il n’y a désormais qu’à la télévision qu’on ose imaginer des dispositifs aussi sadiques et manipulateurs. De plus, qu’en est-il des scènes tournées caméras embarquées dans les jeeps militaires, traquant à toute allure les « éléments rebelles » à travers le désert ? Ne se croirait-on pas avec les reporters embedded de Fox News ? Par ailleurs, la plupart de ces séquences peut aisément s’inscrire dans une filiation du meilleur cinéma américain des années 1970, tant la paranoïa sert de moteur à la fiction – exactement comme dans Conversation Secrète de Coppola. Mais le cinéma des années 1970 était un cinéma de la contestation. La télé d’aujourd’hui – et plus généralement ce que Watkins nomme les mass media - vante le conformisme, en pur instrument au service de l’ordre. Le choc frontal entre l’ordre et la contestation trouve donc sa modélisation dans une juxtaposition des images de cinéma et celles de télévision. Ce n’est pas la moindre des anticipations du film.

(Extrait d’un article de Joachim Lepastier et Stéphane Tralongo)

Une rétrospective des films de Peter Watkins aura lieu à Paris, à partir du 1er décembre au Reflet Médicis, 3 rue Champollion, 75005.

http://arkepix.com/kinok/CRITIQUES/WATKINS_Peter/critique_punishment.html

http://lesensdesimages.blogvie.com/2010/11/18/retrospective-peter-watkins-au-reflet-medicis/