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Freddy Gomez
La deuxième mort de José Peirats
La guerre d’Espagne, encore et toujours !
Article mis en ligne le 26 septembre 2010
dernière modification le 21 septembre 2010

À propos d’un prologue... ou comment Enric Ucelay-Da Cal,
éminent représentant de l’Alma Mater,
invente, en préfaçant les Mémoires de José Peirats,
une nouvelle méthode d’exécution intellectuelle :
la disqualification post mortem

À contretemps, n° 38, septembre 2010, pp. 9 à 15.

JOSÉ PEIRATS (1908-1989), qui fut briquetier et journaliste
ouvrier avant de devenir l’un des meilleurs spécialistes
de l’anarchisme espagnol, a souvent été cité dans les
colonnes d’À contretemps, et ce pour au moins deux raisons.
La première, c’est que, pendant les années 1930, son existence
militante le plaça, en tant que rédacteur de Solidaridad
Obrera, au coeur d’une « gymnastique révolutionnaire » qui
devait déboucher, en juillet 1936, sur un processus révolutionnaire
d’ampleur inégalée. Cette révolution, qui continue
d’alimenter, mais aussi de questionner l’imaginaire libertaire,
Peirats la vit lever, puis, prisonnière d’une infernale logique
de guerre, se déliter inexorablement. La seconde raison, c’est
qu’il décida de s’en faire lui-même l’historien scrupuleux en
produisant, dans les années 1950, un ouvrage critique de
grande qualité analytique et documentaire – La CNT en la
Revolución española
 [1] – dont la portée fut décisive pour l’époque. La rectitude sans faille dont il fit preuve quand la
CNT dérogea, à divers moments de son histoire, aux principes
fondamentaux qui la régissaient, et la rigueur intellectuelle
avec laquelle il tenta de comprendre les causes de ces
dévoiements font de Peirats l’un des personnages les plus
singuliers, et sans doute l’un des plus dignes d’éloges, d’une
génération militante aujourd’hui disparue.

Au vu de l’intérêt que nous portons à Peirats, l’annonce
de la publication de ses Mémoires tenait évidemment de la
bonne nouvelle, et ce d’autant que nous étions quelques-uns
à attendre cette édition depuis longtemps. Écrit pour
l’essentiel en 1974 et 1975, ce long texte autobiographique
de quelque 1 300 pages dactylographiées se heurta, en effet,
à l’orée des années 1980, aux diktats de quelques marchands
de livres, dont Planeta, qui se déclarèrent désireux de le
publier mais en l’amputant, pour le faire entrer dans le format
de ce genre de productions mémorielles, des souvenirs
de l’auteur relatifs à son enfance, à son adolescence et à son
vécu d’avant-guerre. Peirats, qui pouvait être très entêté,
refusa obstinément de telles coupes, préférant de beaucoup
une non-publication à une édition tronquée de ses Mémoires.
C’est ainsi qu’il pria son représentant auprès desdits éditeurs,
son ami l’historien et sociologue uruguayen Carlos Rama, de
décliner toute offre de ce genre. Pour lui, c’était tout ou rien.
Faute d’éditeur digne de ce nom, ce ne fut donc rien. Dès
lors, la seule trace que nous avions jusqu’à aujourd’hui de
ces Mémoires, nous la devions à Peirats lui-même qui accepta,
à la fin des années 1980 et à la demande de la barcelonaise
revue Anthropos, d’en sélectionner quelques extraits,
sélection qui parut, au lendemain de sa disparition, dans la
collection « Anthologies thématiques » de ladite revue [2].
Depuis, déposé par les soins de sa compagne, Gracia Ventura,
à la Bibliothèque Arus de Barcelone, le manuscrit dormait
sur les étagères de cette noble institution.

Excellente était donc la nouvelle que, vingt ans après la
mort de Peirats, les historiens Susana Tavera García et Gerard
Pedret Otero travaillaient à une édition de ses Mémoires.
Hélas, au vu du résultat [3], il faut bien convenir qu’on espérait
– et comment ! – beaucoup mieux…

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