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Christiane Passevant
Un si joli petit bistrot à Levallois-Perret… Chez Théo
Article mis en ligne le 15 mars 2010
dernière modification le 21 février 2010

Il était une fois un joli petit bistrot à Levallois-Perret…
Vous connaissez ? Au 22 rue Rivay…

Un café ? Pas seulement, un lieu de rencontre surtout, et d’échange pour les gens du quartier, un coin chaleureux, accueillant dans une banlieue de plus en plus impersonnelle depuis que les promoteurs lorgnent dessus et la transforment peu à peu en succursale de Neuilly…

Levallois-Perret, une banlieue populaire parisienne, bien « gentrifiée », en pleine restructuration et bien surveillée par les caméras… Dormez bonnes gens, votre maire, Patrick Balkany et son adjointe (son épouse), Isabelle Balkany veillent… au "gains" ! Le marché de la sécurité et celui du BTP, c’est juteux !

Et là, planté au milieu du chambardement des bétonnières, des immeubles chics en construction, des caméras "souriez-vous-êtes-filmé-es", des sens interdits, des agences de pub et autres studios de production : le café épicerie, Chez Théo. Clin d’œil complice dans un chantier mené tambour battant — faut pas perdre de temps avec la racaille à déloger ! —, petit îlot modeste de sourire et de solidarité, mémoire de Levallois-Perret, c’était un peu tout cela chez Théo. Il faut dire que la famille Houée tenait le bistrot depuis les années cinquante, et Paul, le fils, avait continué la tradition familiale… Un de ces petits bistrots comme il en existe de moins en moins…

Alors, bien sûr, un café qui n’a pas son écran plat pour voir les matches, où les habitué-es se parlent, où l’on partage de la musique, des chansons, des parties de dames ou de belote, des moments de solidarité avec les plus démunis… Cela fait désordre dans une banlieue devenue chic qui veut se la jouer Neuilly.

Et c’est alors que la mairie et le couple qui la dirige interviennent… De la convivialité ? Des gens qui pensent et qui se parlent ? Des expulsables et des expulsé-es qui viennent boire un coup ? Et, pendant qu’on y est, pourquoi pas l’anarchie ?! Louise Michel — en statue avec ses chats — est déjà dans le jardin de Levallois-Perret et donne son nom à une station de métro ! C’est bien assez.

Ici, à Levallois, on dépense, on flique ou on se casse ! Faut se conformer ou… expulsion.

Mais voilà, la Cour Administrative d’Appel du Tribunal de Versailles prononce son verdict sur l’expropriation de la famille Houée et lui donne raison contre la ville de Levallois-Perret. Mais rien n’y fait. Le maire et son épouse connaissent la chanson, on passe outre. La loi ne concerne pas les ami-es du président. Il/elle sont au-dessus. Et le 29 avril 2009, à grand renfort de CRS et d’opération commando, le quartier est bouclé pour déloger une famille tranquille, dont la mère de Paul, souffrante, qui n’est pas sortie de chez elle depuis douze ans ! Dans un coin, un véhicule sanitaire… On ne sait jamais, s’il y avait un problème, cela ferait désordre même en l’absence de caméras.

Fallait-il que la mairie se montre si pressée et mette en œuvre un tel dispositif disproportionné ? Pressée, elle l’était certainement la mairie, parce que les bulldozers entrèrent très vite en action et détruisirent le joli petit bistrot de quartier…

C’est cela le grand Paris ? Détruire les lieux de convivialité, d’échange informel et d’amitié ? Sans doute. Les marchés sont mirobolants, les opportunités sont au bout des bulldozers, le béton, c’est rentable et…

Le profit n’attend pas…

Bienvenue à Levallois-Perret ! De l’autre côté des palissades où les chantiers de construction masquent les démolitions menées au pas de charge.

Levallois-Perret, ville cobaye où l’on teste des pratiques despotiques juste pour voir si ça passe : refuser la parole aux élu-es dans l’opposition au conseil municipal, retenir des adolescents mineurs en garde à vue maximum, surtout si ces derniers militent dans des organisations lycéennes et au sein du MSL, le Mouvement solidaire pour le logement. Il paraît que les logements sociaux, ça se deale, alors évidemment le MSL, ça dérange. Et la mère de l’un des adolescents, qui a vécu quatorze ans à Levallois, dénonce « les pratiques scandaleuses des Balkany » : « On est en France et on se pince. Depuis que Sarkozy a été élu, il se croit plus que jamais au-dessus des lois, mais on nage en plein despotisme. »
Toute dérive est possible.

La mairie a fait appel du verdict de la Cour Administrative d’Appel du Tribunal de Versailles… À suivre ?

Certainement, car l’histoire ne s’arrête pas là. Le Cercle Théo, qui regroupe d’abord les habitué-es du café, n’a pas dit son dernier mot. Les rencontres continuent, la mobilisation aussi…

ÇA CHAUFFE à Levallois-Perret, ville en chantier, désenchantée ! Le Cercle Théo s’agrandit, organise des actions solidaires pour un « idéal qui défie les immeubles et les esprits alignés, cloisonnés »…

Il y a encore le marché du dimanche où l’on discute, où l’on informe : savez-vous que le Relais pour SDF de Levallois-Perret n’est ouvert que du 15 novembre au 15 mars, de 18h 30 à 7h30, qu’il ne prévoit de recevoir que 15 hommes et que les femmes ne sont pas admises ? Alors pourquoi pas en demander l’ouverture à l’année, avec accueil des femmes et aide à la réinsertion des personnes concernées ?

 [1] Allez quelques petits fours en moins à la mairie et le projet est financé ! Qui sait ? Si les demandes sont nombreuses et si l’allégeance et les attentes craintives ne sont plus de saison ?

Et pendant ce temps, l’hiver est dur et, au marché, le Cercle Théo collecte des légumes et tous les ingrédients pour faire la soupe, la "soupe solidaire" disent Danièle et Séverine. Ça s’appelle : « Vous faîtes le marché, nous ferons la soupe ! » Alors si vous passez par là, le dimanche… Le marché de Levallois-Perret, c’est facile à trouver, on ne peut ni se tromper, ni oublier : Station Louise Michel.