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Les relations de Camus avec les libertaires
Article mis en ligne le 17 janvier 2010
dernière modification le 22 février 2024

« Non, on ne construit pas la liberté sur les camps de concentration, ni sur les peuples asservis des colonies, ni sur la misère ouvrière ! Non, les colombes de la paix ne se perchent pas sur les potences, non, les forces de là liberté ne peuvent pas mêler les fils des victimes avec les bourreaux de Madrid et d’ailleurs. De cela, au moins, nous serons désormais bien sûrs comme nous serons sûrs que la liberté n’est pas un cadeau qu’on reçoit d’un État ou d’un chef, mais un bien que l’on conquiert tous les jours, par l’effort de chacun et l’union de tous. »

ALBERT CAMUS,

allocution prononcée à la Bourse du Travail de Saint-Etienne,
10 mai 1953.

L ’action d’Albert Camus aux côtés des libertaires et des anarchistes a été durablement occultée. Était-ce une manifestation du mépris dans lequel les intellectuels bien-pensants ont longtemps tenu le courant libertaire ? Et pourtant, les preuves des engagements de Camus ne manquent ni dans sa vie, ni dans son œuvre. La rédaction du Monde libertaire a bien souligné les liens qui l’unissaient à l’écrivain, et dans son édition de février i96o, elle a rendu hommage à sa fidélité : « A. Camus, qui au-dessus de tout plaçait l’esprit d’équipe, était notre camarade. Son amitié, qui n’a jamais supposé une adhésion entière à toutes les solutions que nous proposons aux hommes, ne s’est jamais relâchée. Sa présence dans nos manifestations, ses contacts avec quelques-uns d’entre nous aux heures difficiles en font foi : »

Selon Pascal Pia, qui en 1938 avait pris Camus à la rédaction d’Alger Républicain, les sympathies de Camus allaient déjà « aux libertaires, aux objecteurs de conscience, aux syndicalistes, bref, à tous les réfractaires ».

Table des matières

LES RENCONTRES MÉDITERRANÉENNES ALBERT CAMUS

- Réseaux et affinités : les amitiés libertaires dlilbert Camus
Sylvain Boulouque

 Le choix des camarades : Camus, Chiaromonte, Caffi, ,Silone
Alessandro Bresolin

 Albert Camus et les libertaires espagnols
Progreso Marin

 La réception de l’œuvre de Camus par les anarchistes dans les
pays anglophones et germanophones
Lou Marin

 « Albert Camus, un copain »
Marianne Enckell

 Albert Camus, les anarchistes et le football ?
Wally Rosell

 Eloge de la passe
Wally Rosell

 Une liberté en action : Albert Camus et les Groupes de liaison
internationale
Philippe Vanney

 « Une sagesse à hauteur d’homme »
Albert Camus et la revue Témoins
Charles Jacquier

Extraits

Marianne Enckell

Camus un copain

Qualifier une personne de « copain », pour les anarchistes de lan¬gue française, a été longtemps un véritable compliment. L’usage en politique des termes camarade ou compagnon peut être interchan¬geable, il est aussi souvent différencié. Les camarades, les compa¬gnons et les compagnes sont celles et ceux qui font partie des organi¬sations, du mouvement proprement dit ; les « copains », c’est les proches, celles et ceux du « milieu ». Cette nuance entre milieu et mouvement a été développée par Louis Mercier, et il n’est pas éton¬nant que ce soit lui qui, lors de la remise du prix Nobel à Camus, ait intitulé un article « Albert Camus, un copain » dans La Révolution prolétarienne’. Il reprenait là une expression déjà formulée par André Prudhommeaux en 1948.

Camus avait alors accepté une invitation à parler à Paris au Cercle des Etudiants anarchistes, « pourvu que la salle fût petite, que l’accueil fût fraternel et que l’entretien se fît général. » Prudhommeaux relate ses impressions dans Le Libertaire :

Tel que nous l’imaginions par l’écrivain et le dramaturge - voire plus proche encore - nous avons rencontré le causeur et l’homme ; nous avons plus encore aimé sa ponctualité, sa simplicité, son sens intime de la liberté, et - j’insiste encore - sa modestie intellectuelle. Et le contact direct s’étant établi, nous avons écouté, questionné, interrompu, répliqué, proposé, sans nul sentiment conventionnel des « distances », voyant un copain dont les problèmes étaient les nôtres, et que nous avions peine à quitter .

On trouve cette expression chez d’autres, parfois un peu éton¬nés : l’Américaine Nancy MacDonald, visitant en 1952 la colonie libertaire d’Aymare, dans le Quercy :

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