Déborah Berlioz
Allemagne : Une BD allemande s’en prend aux anarchistes
L’extrême gauche germanique, un danger pour la jeunesse ?
Article mis en ligne le 15 janvier 2010
dernière modification le 14 janvier 2010

Dans la République Fédérale on cherche à prévenir les écoliers du danger que représentent les militants d’extrême gauche. Une mission éducative en forme de manga.

Une bande dessinée pour empêcher les jeunes d’aller brûler des voitures en criant « mort à la République » ? Non ce n’est pas une initiative française pour prévenir nos petites têtes blondes de ce qui peut se passer parfois dans certaines banlieues. C’est une idée allemande pour dissuader la jeunesse d’aller grossir les rangs de l’extrême gauche.

Cela fait maintenant plus de quatre ans qu’Andi et ses amis, une bande de lycéens figés sur papier glacé, préviennent les jeunes allemands des dangers encourus par la démocratie. Le concept vient du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Le service chargé de la protection de la Constitution cherchait un moyen de sensibiliser les écoliers aux menaces qui peuvent peser sur les valeurs démocratiques. Et qui dit parler à la jeunesse, dit adopter son langage. Le format sera donc la bande dessinée. Mais attention, plus version manga qu’Astérix. C’est plus à la mode.

Andi est donc né en 2005. Avec ses amis, il se retrouve dans des situations « qui peuvent arriver à n’importe quel jeune dans la vie de tous les jours », selon Ingo Wolf, ministre de l’Intérieur de ce Land de l’Ouest de l’Allemagne. Dans le premier numéro Andi se retrouve confronté à une bande de néonazis qui tentent de l’attirer avec leur propagande ultranationaliste. Mais heureusement, le blondinet à casquette adopte la bonne réaction face à ces ennemis de la tolérance, et montre ainsi aux petits Allemands la voie à suivre.

Un héros vite adopté par les écoliers

Destinés à être envoyé dans les écoles, les aventures d’Andi peuvent également être accompagnées de fascicules, permettant aux professeurs de s’en servir d’illustration pour des cours d’éducation civique. Et ça marche. Le succès est tel, qu’après six mois, les 100 000 exemplaires de ce premier numéro sont déjà écoulés. Il faut relancer l’imprimante. Mais surtout, cela ouvre la voie à d’autres péripéties pour le héros adolescent.

Un deuxième numéro voit donc le jour, consacré aux islamistes. Mais attention, pas question de diaboliser les fidèles des mosquées. « Nous voulions bien montrer que la majorité des musulmans est pacifique », assure Ingo Wolf. Et enfin, en novembre dernier, une nouvelle menace pour la démocratie est pointée du doigt : les militants d’extrême gauche.

Dans ce troisième volet, Ben, un des meilleurs amis d’Andi, pénètre dans les sphères anarchistes. Tout commence par un concert de musique punk dans un squat. Attiré par le côté cool et rebelle des activistes (et par les jolis yeux de l’une d’elle), Ben se laisse entraîner à aller faire des graffitis aux accents gauchistes. Et là c’est l’escalade. Le jeune lycéen aux faux airs de Tokyo Hotel finit par suivre ses nouveaux amis tout de noir vêtus dans une manifestation qui tourne à la véritable guerre civile. Mais quand il voit les voitures brûlées et les magasins vandalisés, Ben réalise que la voie des anarchistes n’est surtout pas celle à suivre.

Une vision simplifiée ?

Cette vision d’une extrême gauche ultra violente surprendra peut-être les Français, habitués à associer ce mouvement politique avec les visages d’Arlette Laguiller et d’Olivier Besancenot.

Mais il faut dire qu’en Allemagne, certains militants situés de ce côté du spectre politique sont bien loin de ressembler à notre gentil facteur. Il suffit de se rappeler des images des rues de Strasbourg lors du sommet de l’OTAN en avril 2009 pour en être convaincu. Mais les aventures d’Andy et ses amis ne généraliseraient-elles pas un peu ici ? C’est en tout cas ce que leur reproche le journal « Tageszeitung », bien connu pour son positionnement politique très à gauche. « Comme si après chaque manifestation les voitures brûlaient », ironise un de ses journalistes.

Le quotidien reproche notamment aux auteurs leur explication parfois bien floue du mouvement. Ainsi, quand Ben assiste à une réunion d’activistes, des phrases telles que « les buts hégémoniques du capitalisme » ou encore « l’appareil de domination », le laissent pantois. L’occasion pour les créateurs d’Andi de révéler pourquoi les extrémistes de gauche s’expriment « d’une façon tellement compliquée » : ils seraient tout simplement convaincus que « leur idéologie est la seule valable au monde et c’est pourquoi ils [sauraient] exactement ce qu’ils doivent faire ». Il paraît évident que c’est pour cela que leur discours échappe à Ben…

Mais il ne faut pas croire que le gouvernement de ce Land cherche à discréditer la gauche. Il est bien rappelé que le socialisme est le mouvement qui possède la plus longue tradition démocratique au sein de la République Fédérale. Et si les militants d’extrême gauche ne sont pas contents… Ils n’ont qu’à manifester !

Retrouvez les bandes dessinées d’Andi sur son site :