Le mouvement anti-CPE (pour le dire vite) [1] aura marqué le printemps 2006,
tant par son ampleur que par sa durée. Après le mouvement lycéen contre Fillon
au printemps 2005 puis les émeutes de la jeunesse des banlieues à
l’automne de la même année, on aura donc vécu en moins d’un an trois mobilisations
massives de différents secteurs de la jeunesse. C’est le signe d’une
société qui va mal, mais aussi du fait qu’il y a de l’espoir.
Le mouvement étudiant a connu quelques grandes dates. Les plus notables
sont sans conteste celles des mardis 28 mars et 4 avril où, à une semaine
d’intervalle, les salariéEs sont venuEs apporter un soutien massif à la lutte estudiantine
avec trois millions de manifestantEs dans tout le pays. Voilà ce qui
fait du mouvement du printemps 2006 le plus ample depuis Mai 68. Avec des
Assemblées Générales (AG) parfois gigantesques, il semble avoir été le signal
d’un renouveau des mobilisations que de nombreuxSES militantEs attendaient
de longue date.
Mais ce mouvement est par ailleurs resté rythmé par les rendez-vous des grandes
centrales syndicales. L’intersyndicale a dicté les dates des mobilisations,
de même qu’elle a volontairement rétréci le cadre revendicatif. Quand les étudiantEs
se battaient explicitement contre le Contrat Première Embauche
(CPE), contre le Contrat Nouvelle Embauche (CNE) et pour l’abrogation de la
Loi dite d’Egalité des chances (LDEC), l’intersyndicale a sciemment concentré
le tir sur le seul CPE. Ce qui, en bout de course, a offert une porte de sortie
au gouvernement de Villepin.
Dans le texte qui suit nous voulons revenir sur le mouvement anti-CPE à partir
de l’expérience locale que nous avons, les unEs et les autres, vécue à Nancy.
Non pas que la lutte y ait été exemplaire : elle a été un cas parmi une multitude
d’autres dans cette mobilisation. A bien des égards la mobilisation nancéenne
a même été beaucoup moins spectaculaire que celles qu’ont connues d’autres
villes, comme par exemple Poitiers.
Si nous écrivons cette contribution à un bilan de la lutte anti-CPE, c’est parce
qu’il nous a semblé que des éléments dans ce mouvement méritaient d’être retenus et analysés pour évaluer la situation sociale et politique qui en est issue,
et que certains de ces éléments se sont manifestés à Nancy comme ailleurs.
C’est avant tout dans une perspective militante que notre récit s’inscrit : le
mouvement de mars-avril 2006 est-il le signe annonciateur de prochaines mobilisations
sociales et de nouvelles formes de lutte ? La génération qui a vécu
ce mouvement sera-t-elle actrice des combats sociaux du futur proche ? Si
c’est le cas, nous espérons que ses enseignements pourront être utiles pour
l’avenir.