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Christiane Passevant
Rosa Luxemburg. Ombre et lumière
Claudie Weill (Le Temps des cerises)
Article mis en ligne le 15 novembre 2009

« La liberté seulement pour les partisans du gouvernement, pour les
membres d’un parti, aussi nombreux soient-ils, ce n’est pas la liberté. La liberté, c’est toujours la liberté de celui qui pense autrement. Non pas par fanatisme de la "justice", mais parce que tout ce qu’il y a d’instructif, de salutaire et de purifiant dans la liberté politique tient à cela et perd de son efficacité quand la "liberté" devient un privilège.
 »

Rosa Luxemburg, La Révolution russe, 1918.

« “Le secret pour récolter la plus grande fructification et la plus grande jouissance de la vie, s’appelle vivre dangereusement”.

Je ne sais pas si Rosa connaissait ces propos de Nietzsche, écrit son amie Louise Kautsky, mais qu’ils s’appliquent à sa vie, cela est évident. Et ses propres termes, à elle, n’en sont-ils pas une variante ?

“Je mourrai un jour à mon poste, en une bataille de rue ou en prison.” […]

“Nous sommes tous soumis au destin aveugle, seule me console la pensée affreuse que malgré tout, bientôt peut-être, je serai envoyée dans l’autre monde par une balle de la contre-révolution”.

Vivre en danger et dangereusement, ainsi elle comprenait la vie. »

Dans Rosa Luxemburg. Ombre et lumière, Claudie Weill revient sur les différentes facettes et les engagements d’une femme hors normes, « pour dépasser l’icône qu’elle serait devenue, dans l’encensement comme dans le rejet », autrement dit sur le phénomène de diabolisation ou de
« panthéonisation » dont elle fait l’objet. Le fait même d’être une femme
et une intellectuelle engagée fait-il partie du problème ? Pourtant, sur la question du genre et de la lutte des femmes, on a l’impression que Rosa Luxemburg n’était pas dans la réflexion sur les revendications des femmes et sur la domination masculine millénaire qu’elles subissent. Cela semble même presque secondaire par rapport à la lutte de classes : « Son aspiration à l’universalité faisait obstacle à une spécialisation dans les revendications spécifiques », écrit Claudie Weill qui traite de plusieurs aspects des écrits, de la vie et des engagements de la militante et de la femme.

L’un des intérêts de cet ouvrage réside dans la démystification du personnage de Rosa Luxemburg, ce qui souligne l’actualité de ses écrits, l’importance de sa pensée et de son itinéraire intellectuel et militant. Il se produit la même chose après la lecture des lettres de Rosa Luxemburg : on ne lit plus ensuite ses écrits politiques de la même manière, qu’il s’agisse de Réforme sociale ou révolution ? (1898-1899), de Masse et chefs (1903), de Centralisme et démocratie (1904), de Grève de masse, parti et syndicat (1906), de L’Accumulation du capital, contribution à l’explication économique de l’impérialisme (1913) ou de La Révolution russe (1918) [1].

Si Rosa Luxemburg n’écrit pas sur les inégalités hommes/femmes, elle est cependant aux côtés de son amie féministe Clara Zetkin, en 1913, « dans le débat sur la grève des ventres » et sa correspondance, lors de ses nombreuses incarcérations, est en majorité avec des femmes. Mais, pour autant, elle avoue ne pas connaître grand-chose à la question des droits des femmes, même si elle encourage Clara Zetkin à faire des éditos dans le journal spartakiste, Die Rote Fahne, journal spartakiste, leur étant destinés : « Passons à la propagande parmi les femmes ! Nous sommes comme toi convaincus de son importance et de son urgence ».
Concernant les tracts leur étant destinés, elle préconise un style « court, populaire, propagandiste, sur les tâches des femmes dans la Révolution ».
Néanmoins, « le bras des femmes est assez fort pour arrêter les rouages de la machine économique si la volonté des femmes l’ordonne », réplique son amie.

Réalise-t-elle alors « sa propre valeur de symbole en tant que femme militante ? Est-ce là qu’il faut chercher les causes de son insistance auprès de Clara Zetkin pour enrayer la démobilisation des femmes pendant la révolution » ? Ses prises de position « en faveur du système des conseils, […] revêtent, elles aussi, en fonction même de sa personnalité, une importance emblématique pour le mouvement des femmes. »

Rosa Luxemburg est pour de nombreuses personnes, au-delà de sa mort tragique, quelqu’un qui aimait la vie et l’humanité. Elle soulève encore les polémiques, les passions, comme une femme « gênante » dont les écrits ont une actualité puissante.
Ce que fait ressortir Rosa Luxemburg. Ombre et lumière de Claudie Weill.