Cet établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), créé en 1946, a été transformé en SA en 2005 sous la houlette de Tsarkozy, lequel a promis, comme pour Gaz de France, que l’Etat garderait la majorité du capital. Pour GDF, il y a déjà eu trahison puisque, après la fusion avec Suez, ledit Etat n’a plus que 34 % des parts sociales. C’est comme pour France-télécom qui avait fait l’objet des mêmes engagements…
Le gouvernement a bien entendu promis que la SA respecterait ses missions de service public malgré l’arrivée d’un actionnariat privé (et salarial !) dans son capital. On notera que le PCF-CGT-CCAS, syndicat majoritaire, s’est montré peu vigoureux lors des tractations qui ont conduit Edf au statut de SA, c’est-à-dire à la logique de droit privé. Maintenant on sait pourquoi : la CCAS (caisse centrale d’action sociale, ou comité d’entreprise, truffée de cégétistes plus ou moins encartés au PCF et plus gros organisme de vacances de France) avait la justice au cul et, surtout, il fallait recaser des masses de salariés de ladite CCAS dans l’entreprise-mère. Au passage, le PCF-CGT-CCAS a accepté de casser le système mutualiste d’EDF/ GDF en permettant une 1ère mondiale : la création de la 1ère mutuelle obligatoire pour vieux salariés en retraite.
Rappelons les principes qui régissent les missions de service public, soi-disant maintenues.
• Continuité du service ; c’est pourquoi il y a environ trois ans EDF a coupé le courant à une bonne partie de l’Ile de France car il fallait honorer un contrat de fourniture aux Teutons, lesquels avaient eu une panne générale liée à l’arrachement d’une ligne à Très Haute Tension par un bateau dans le port de Hambourg.
C’est ainsi que le droit commercial privé a pris le pas sur les obligations de service public ; étonnant, non, comme dirait M. Cyclopède ? On a retardé et diminué les investissements, pour ensuite pleurnicher qu’avec les tarifs actuels, EDF ne pouvait plus réinvestir (tout en plaçant le pognon à l’étranger pour acheter des rossignols comme LIGHT en Argentine ou Montedison en Italie). Du coup, les réseaux mal entretenus (nécessaires à la continuité du service) ne supportent pas les tempêtes, alors on mobilise les agents pour réparer ex post, au lieu de prévenir. Mais les agents, payés avec un lance-pierres et taillables et corvéables à merci, leur pacte social ayant été cassé pour faire du profit, commencent à regimber sérieusement et les volontaires, comme lors de la tempête de fin 1999, se raréfient. Et les grèves musclées reparaissent : les récentes grèves dans le nucléaire, au moment de la révision et de l’entretien des centrales ont ratiboisé momentanément le taux de disponibilité (dans les 80 % alors qu’à l’étranger certains pays font bien mieux), ce qui n’a coûté à EDF que la modeste somme de 500 millions.
Voilà une conséquence du néolibéralisme qui anime les dirigeants d’EDF : les économies de bouts de chandelles qui finissent par être fort dispendieuses et qui sont faites au mépris de la sécurité.
• Service du pays avant tout, sinon, en bon français, on ne peut plus s’appeler Electricité de France (le roi de France est au service de la France), mais Compagnie française d’électricité. C’est raté : avec la bénédiction des différents gouvernements (socialos avec le PDG (B) Rousse-Lee, le président karaté, puis avec Gadonneix, dit So What ou Sot Watt, mis en place sous Jospin le trotskard et maintenu par la droite, EDF s’est mis à acheter des boîtes à l’étranger. Le dernier exploit est le rachat à prix d’or de British Energy (15 à 20 milliards d’euros, on ne sait tant le flou règne), une maison dont 4 centrales nucléaires sur 10 seront déclassées en 2015 ! Du coup, avec tous ces achats (en Amérique latine comme Light en Argentine, en Italie avec Montedison, ou des trucs dans les PECO), EDF a réussi le tour de force d’augmenter son endettement (qui diminuait avant comme les tarifs) à hauteur de 28 milliards d’euros (25 plus les 3 milliards d’emprunt grand public récent).
Du coup, les investissements en France ont stationné et maintenant l’entreprise crie misère et a demandé une augmentation des tarifs de 20 % sur 3 ans. Cela ne manque pas de sel quand on sait que cette boîte affiche 3,119 milliards d’euros de résultat pour le seul 1er trimestre 2009.
• Toujours dans l’obligation du service du pays en premier, y compris en matière environnementale, EDF fait des pieds et des mains pour ralentir l’implantation du photovoltaïque (dont elle doit racheter les excédents de production comme pour les éoliennes et l’hydraulique à un tarif supérieur à ses coûts de production mais la chose est payée par une taxe écologique incluse dans lesdits tarifs). Il y a en effet une législation en forme d’usine à gaz (d’où vient-elle et sous quelles amicales pressions ? Devinez…) qui fait de l’accès au réseau un véritable parcours du combattant qui prend en moyenne deux ans ! Il en est de même pour les énergies renouvelables.
• Vendre au coût de revient sans faire des bénéfices. Resaluons les 3,1 milliards de résultat au 1er semestre 2009, lesquels partent vers l’actionnaire principal (à savoir l’Etat à 85 %) et l’impôt sur les sociétés, qui n’existait pas avant la SA. Evidemment, ces profits pourraient être provisionnés pour financer les investissements sans augmenter les tarifs. Par ailleurs, EDF vient d’obtenir une revalorisation de ses tarifs dits
« régulés » (1,9 % en moyenne pour les clients domestiques, 5 % pour les industriels). Comme l’ont soigneusement caché les médias aux ordres, en réalité, les petits clients (3 KVA maximum de puissance souscrite) ont vu leur abonnement grimper en flèche ce qui les conduit à entre 5 et 10 % d’augmentation sur l’année.
Observons qu’il y a là une justification : le fameux tarif binôme inventé par Massé et Boiteux ; la part abonnement sert à amortir les infrastructures (lignes d’alimentation, part de production, donc la mise à disposition d’une puissance), la partie tarif paye les consommations. Notons que les petits et anciens clients ont déjà amorti depuis longtemps les installations qui les alimentent. Donc, ils devraient être exemptés. Quant aux nouveaux petits clients, les surtaxer au moment de leur arrivée (souvent des jeunes en début de carrière, voire pis) fait montre d’une saine conception de la justice sociale dans un service encore public. C’est le nouveau principe de Lavoisier : rien ne se perd, rien ne se crée, tout se rentabilise.
Rappelons que les différentes taxes sur l’électricité (38 % à Paris ) font en plus de ce service aujourd’hui indispensable une nouvelle gabelle : taxes locale et départementale (entre 4 et 12 %), contribution pour les DOM-TOM et la Corse, contribution pour l’aide aux démunis, taxe de compensation pour le service des retraites du service public en ce qui concerne les avantages maintenus après transfert à la SS et aux complémentaires (dont le taux de remplacement de 75 % du salaire des 6 derniers mois, avantage le plus important des services spéciaux, non supprimé par le super réformateur Tsarkocescu), taxe pour favoriser les nouvelles énergies renouvelables, taxe sur l’hydraulique, reprise à un tarif outrancier des surplus des « auto-producteurs », redevance de concession (à Paris, Lyon, Marseille) et TVA… y compris sur les taxes ! Et de bonnes âmes voudraient que l’on y ajoute une « taxe carbone », comme en rajouter aussi sur la TIPP (en gros 75 % du prix du litre d’essence) pour la même raison !
• Principe de tarification au coût marginal de développement (pas vraiment de service public, mais installé depuis 40 ans à EDF) ; c’est ce principe qui justifierait une augmentation des tarifs, quoique l’entreprise n’en dise rien, car elle estime que c’est trop compliqué pour le Français moyen. En réalité, EDF ne s’en sert plus depuis longtemps. Ce qui compte c’est le prix de l’électricité sur les marchés, suivant en cela les conséquences de la libéralisation voulue par l’UE, c’est-à-dire en fait par les gouvernements (qui après accusent la commission européenne). Or, en univers libéral de « concurrence libre et non faussée » le prix est fixé par le coût de production des dernières centrales mises en service pour faire face à la demande, c’est-à-dire le coût des centrales les plus chères car ce sont celles-ci que l’on fait fonctionner en dernier. C’est cette conception lumineuse qui a permis les spéculations et les manipulations d’ENRON : cette boîte organisait des pénuries, des fausses pannes de réseau et de centrale, pour justifier une augmentation des prix de production et de transport alors que les tarifs des distributeurs étaient plafonnés (d’où la faillite des distributeurs en Californie en 2001 et une panne mémorable).
Et c’est à cela que spécule en fait EDF : empocher la différence entre le prix européen, calé sur les dispendieuses centrales tudesques, et son faible coût de production nucléaire. Faible coût obtenu en portant la durée de vie des centrales à 40 ans au lieu de 30 (et EDF réclame maintenant 60) moyennant quelques adaptations bien moins coûteuses que la construction d’une centrale neuve (400 millions contre 2 à 3 milliards).
• Principe de mutabilité, à savoir : tous les progrès de productivité et de qualité doivent être reversés aux usagers sous forme de meilleurs services et de baisse des prix. Or, il se trouve qu’une boîte (Voltalis) a inventé un boîtier qui permet d’effacer le client pendant les heures pleines de consommation, boîtier du reste commandé par le service du transport (filiale d’EDF quoique séparé). Eh bien, via la Commission de régulation de l’électricité, où ne siègent que des compradores nommés par le pouvoir et largement inféodés à EDF (ce qui permet à EDF de dire, c’est pas moi, c’est la CRE), Voltalis a été sommée de payer à ladite EDF les consommations perdues ! Oh honte ! Car pendant les heures pleines, EDF est obligé de mettre en route ses centrales les plus coûteuses (ou d’acheter à l’étranger) et donc Voltalis lui permet de faire des économies…
D’après ce principe de mutabilité, les tarifs devraient diminuer en fonction des progrès de productivité ; c’est ce qui se faisait avant le passage en SA. C’est du reste une conséquence de la tarification au coût de développement : les futurs investissements étant plus productifs, leur coût marginal d’exploitation diminue à long terme. Afin d’améliorer la qualité du service, EDF a liquidé ses centres de formation et vendu ses immeubles pour en devenir locataire (cela a du bon : à la fin de la concession, le concédant n’a plus que les yeux pour pleurer ; les Français, cependant l’ont dans l’os puisque les actifs qu’ils ont payé ont disparu pour acheter des firmes, en général mal portantes, à l’étranger) afin d’investir à l’étranger au lieu de servir le pays.
Edf se réorganise presque tous les jours et diminue les effectifs notamment en poussant les vieux trop coûteux vers la sortie, ce qui stresse et déboussole ses agents (d’où quelques suicides) et fait perdre en productivité, en qualité et en capital humain et en expérience. Qu’à cela ne tienne ; désormais EDF, pour calmer les troubles sociaux qui s’ensuivent, fait appel à la maréchaussée et aux tribunaux pour faire la chasse aux syndicalistes. Et cela sans doute au nom du dialogue social et de la négociation. Et pour stimuler leur rendement et leur créativité, les dirigeants se sont sucrés en multipliant par dix leur rémunération par rapport à celle que recevaient des Boiteux, Delouvrier ou Massé alors que les employés sont payés en roupies de sansonnet et qu’on leur accorde royalement 1 % d’augmentation générale.
• Principe de sécurité pour les habitants. On est très loin ; les centrales nucléaires sont entretenues par des sous-traitants de sous-traitants de sous-traitants, joliment appelés « viande à rem » (ou les voltigeurs, les trapézistes, les moutons, etc.). Les centrales sont prévues pour résister au choc d’un petit avion Cessna et non d’un avion de ligne, encore moins d’une attaque genre Trade World Center. Et cette cachotterie fait partie « du secret défense », ce qui a valu à un écologiste le dévoilant une mise en examen avant que la justice ne rétropédale : le procès aurait été croquignolet et le pouvoir a fini par se rendre compte de ce qu’il aurait offert une tribune aux écolos !
Cela me rappelle un sordide calcul de GDF : ne pouvant à la fois, soi-disant, payer la mise en sécurité des installations intérieures des usagers
(pour financer l’opération dite « qualigaz » car il faut en passer par les chauffagistes du privé vu qu’il est interdit à GDF d’intervenir sur les installations intérieures ; on se demande pourquoi sauf à protéger les intérêts des artisans en dépit de la sécurité des citoyens) et le remplacement des conduites en « fonte cassante », GDF a choisi de ralentir le programme d’élimination des fontes cassantes (extinction annoncée par un PDG de l’époque, Gutmann pour l’an 2000). Résultat : explosion de Dijon en 2000 et de Mulhouse en 2004, avec dans les 40 victimes en tout ! Car avec les SA, ce qui prime (dans les deux sens du terme) c’est la rentabilité ; la sécurité n’est plus qu’une dépense improductive…
• Egalité de traitement sur tout le territoire et en fonction de la nature des consommations, c’est-à-dire péréquation des tarifs ou unicité des tarifs sur le territoire. C’est du reste pourquoi, l’usager, pardon, le client, paye la taxe spéciale DOM-TOM et Corse et que le Breton ne paye pas plus cher qu’ailleurs. Le principe est en voie de disparition ; déjà des concurrents, genre Poweo, peuvent avoir des tarifs différentiels, lesquels ont la particularité d’être plus bas que ceux d’EDF (à laquelle, du reste, ils achètent leur énergie en très gros) dans les zones à forte densité de population et d’infrastructure, c’est-à-dire là où les coûts d’acheminement sont les moins élevés. Et c’est amusant : UE obligeant, EDF est forcée de vendre à ses concurrents pour qu’ils lui fassent concurrence ! Tant pis pour les zones rurales à faible densité, comme, du reste, pour le courrier de la Poste qui suit le même chemin rentabiliste ou les lignes secondaires de la SNCF. Et, un de ces quatre, EDF sera obligée d’observer la même logique : faire payer en fonction des coûts malgré le principe d’obligation de desserte au même tarif partout.
Cela me rappelle une ancienne combine socialiste ; les supermarchés à succursale multiple ont fini, il y a quelques années, par obtenir d’être facturés non pas au niveau de chaque magasin mais pour leur consommation globale. En gros, pour fournir un magasin, on est dans la moyenne tension (demi-gros) ; pour alimenter l’ensemble de la chaîne de supermarchés, on est dans la très haute tension (très gros). Ce qui est une violation flagrante de la tarification au coût marginal des frais supportés puisque chaque magasin dispose d’un réseau d’alimentation spécifique et local, ce qui coûte très cher en lignes et en transformateurs, lequel n’est plus facturé puisque tout se passe comme si l’ensemble des magasins étaient concentré en un lieu unique fourni aux bornes d’une centrale de production dédiée sans frais de transport de l’énergie. C’est comme si les Français formaient une association nationale et réclamaient d’être facturés pour l’ensemble de leur consommation. C’est la même logique, sauf que, là, le pouvoir n’accéderait pas à cette demande légitime… Pour mémoire, rappelons que Ballamou, alors prime minister, avait eu l’idée géniale de transformer l’Etat en actionnaire d’EDF (alors que l’Etat, via la Nation, était déjà le propio) en lui refilant le réseau de transport… qui lui appartenait déjà. Le but de la manip était que le gouvernement impécunieux récupère des dividendes, comme dans une SA, donc de préfigurer la transformation ultérieure en SA ! C’est, du reste, la stratégie générale des gouvernements pour « réformer » : celle des glissements progressifs (sans plaisir) et peu visibles au bout desquels les Français se retrouvent en slip sans savoir comment et sans que les syndicats et autres forces d’opposition n’y aient vu autre chose que de la fumée… sans feu. Technique heureusement combinée avec celle du salami, du découpage des problèmes en petites rondelles, de façon que les braves gens ne voient pas qu’à la fin des opérations il n’y a plus de saucisson.
• Droit des concessions. Rappelons que l’Etat (ou une collectivité locale) a le droit, après avoir construit ou fait construire une installation qui lui appartient, d’en concéder la gestion et l’exploitation à une boîte privée. C’est parfait si c’est bien une collectivité qui paye l’investissement ou la firme privée concessionnaire. Mais, depuis des décennies, ce principe tout simple est violé. En effet, la Compagnie Nationale du Rhône (CNR) a été en fait payée par les usagers de l’électricité et par personne d’autre ; ce qui veut dire qu’elle appartenait aux Français et qu’elle ne pouvait pas être vendue pour des roupies de sansonnet à SUEZ. Il en est de même pour les autoroutes financées par les péages et qui devaient devenir gratuites après amortissement des investissements. Ben non, on les a fourguées pour une bouchée de pain à Bouygues et Veolia. Et maintenant le pouvoir envisage de céder à d’autres concessionnaires le réseau de transport d’électricité (dit réseau d’alimentation générale, RAG parce que dans ce cas la concession dépend de L’Etat). Là encore, les Français seraient spoliés car ledit RAG a été payé ni par l’Etat, ni par le concessionnaire, mais par les usagers. Plus marrant encore, dans ce cas-là, EDF est (était) le bras armé de l’Etat et lui enlever la concession de RAG revient à ce que ledit Etat s’ampute lui-même de son bras armé électrique au profit du privé ! Gageons que bientôt les futures prisons construites et gérées par des concessionnaires privés comme aux USA et chez les Gibbies (commode, l’Etat ne paye plus rien et ne détient plus, de fil en aiguille, quelque service public que ce soit) seront finalement financées par les détenus eux-mêmes et leur famille qui payeront tout, y compris en travaillant pour des nèfles. Le principe de la concession est simple : à son terme, l’instrument de production appartient à la collectivité qui ne peut l’aliéner mais simplement en accorder la gestion à un autre concessionnaire moins-disant après appel d’offres. On n’apprend pas cela à l’ENA ?
Il y a d’autres principes, mais déjà les choses sont claires : le Nickatalope, à la suite des socialos, ment.