Jean-Manuel Traimond. Photos Christiane Passevant
Une métaphore architecturale
Un guide méchant [et parfois moche] de Paris
Article mis en ligne le 15 septembre 2009
dernière modification le 21 septembre 2009

L’architecte de la Bibliothèque Nationale de France François-Mitterrand, Dominique Perraut, souhaitait immortaliser son idée de la faiblesse et
de la fragilité humaine. Dans ce but, il a étiré une immense esplanade où rien n’empêche de communier avec la pluie qui tombe ou le vent qui souffle. Les hautes tours aux quatre coins rappellent à chacun la grandeur de l’architecte et l’insignifiance de l’usager.

Ces quatre tours en bord de Seine portent les noms modestes de Tour des Lois, Tour des Temps, Tour des Lettres, Tour des Nombres. Lasselille Fjordur, professeur d’astronomie de l’université de Bjørkenborg - Helvedespraesten et auteur de Méditation sur les lois de l’astronomie, ne les apprécie guère :
« Trop d’architectes se mêlent de philosophie. Pour cette race vaniteuse, ivre de phrases où le béton sert de verbe, un édifice est un discours. Il vaut mieux les lire qu’y habiter. »

« Dans cette bibliothèque, où ira donc une méditation sur les lois de l’astronomie : aux Lois, aux Temps, aux Nombres, ou aux Lettres ? »
« Entreposer des livres au bord de l’eau, et dans des tours qu’on
voulait transparentes au soleil : cherchait-on à combattre la
moisissure par la brûlure ? »

Jean-Marc Mandosio, dans L’effondrement de la très grande
bibliothèque nationale de France, ses causes, ses conséquences

(Editions de l’Encyclopédie des Nuisances) avertit :
« On sait quel rapport moderne existe entre la destruction et la conservation (en images) de ce qui a été détruit :
le baron Haussmann, déjà, ne fonda-t-il pas le musée Carnavalet
consacré à l’histoire de Paris, et le musée des Arts et
Traditions populaires ne fut-il pas inventé au moment où
la civilisation de la machine uniformisait les campagnes ?
On ne s’étonnera pas, dès lors, que la TGBNF s’apparente,
par les expositions qu’elle organise en y donnant à voir ses
collections, à un musée du livre. »

Pour un artiste, rien n’est pire que l’indifférence. Dominique Perrault a donc apprécié que sa création suscite des réactions pleines de sincérité. Ne l’a-t-on pas baptisée tour à tour « bunker de cauchemar »,
« les Quatre Fours Solaires », « Fahrenheit 75013 », « Palais du
Gauleiter de Paris », « Institut médico-livresque », « Le Crématorium du Père-Perrault » et « Bug City » ?

Horace Léon, avec Têtes de bronze, cœurs de pierre, un titre dérobé à un livre célébrant les statues de Paris mais qui, là, désigne édiles et urbanistes, ajoute : « A côté de la Bibliothèque Nationale de France, les nouveaux, mornes et monotones immeubles résidentiels sont trop chers pour être qualifiés de cages à lapins. Nous les appellerons donc des
cages à visons. »