Divergences Revue libertaire en ligne
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Le Sous-Comité décentralisédes gardes-barrières en alternance
Manifeste pour une désobéissance générale
Ne sauvons pasle système qui nous broie !
Article mis en ligne le 29 janvier 2009
dernière modification le 27 janvier 2009

« Aujourd’hui, c’est l’empire des multinationales qui implose sous nos yeux, et la plupart continuent à se lamenter plutôt que de mettre en place une société où la solidarité et le bien commun seraient restaurés. Il s’agit de rompre avec un système qui nous détruit et de bâtir des collectivités et un environnement où il nous sera donné de commencer à vivre. […] En dépit de la répression meurtrière, des exactions et des tortures, la résistance n’a pas cessé à Oaxaca. Le feu est entretenu sous la cendre. Le mouvement des barricadiers, des libertaires et des communautés indiennes s’est débarrassé des ordures gauchistes – lénino-trotskysto-maoïstes – qui prétendaient récupérer le mouvement. Les choses sont claires et quand le combat reprendra, il sera sans crainte et sans ambiguïté. En revanche, en Europe, où l’on ne fusille plus personne, ce qui domine c’est la peur et la servitude volontaire. Le système financier s’écroule et les gens sont encore prêts à payer leurs impôts pour renflouer les caisses vidées par les escrocs qu’ils ont portés à la tête des États. Ici, à la différence d’Oaxaca, les citoyens élisent le boucher qui les conduira à l’abattoir. »

Raoul Vaneigem, octobre 2008

« Les mots nous divisent, les actes nous unissent. »
Tupamaros (Uruguay)

DEPUIS DES DÉCENNIES, les dirigeants de la planète sèment un vent mauvais. L’instabilité des vies des individus, ballottés entre un présent peu satisfaisant et un no future érigé en idéal de la soumission a été, pour « nos » dirigeants, ainsi que celles et ceux qui les servent, une excellente façon d’asseoir leur domination, ôtant aux individus toute perspective d’avenir sûr. Tel est le fond de la thèse du dernier livre de Naomi Klein, qui affirme que nous sommes entrés dans l’ère de « la stratégie du choc », selon son titre même : le système soumet les populations à des catastrophes sociales, économiques et guerrières répétées, désorganisant la vie des individus, lesquels ne cherchent plus qu’à se préserver du mieux possible des drames alentour. C’est le chacun-pour-soi généralisé, sous prétexte de sauver encore les médiocres avantages que nous espérons conserver contre toute évidence. Cette thèse est étayée avec beaucoup plus de brio dans Catastrophisme. Administration du désastre et soumission durable, de René Riesel et Jorge Semprun, dont le titre dit avec exactitude ce qu’est l’époque dans laquelle nous nous engouffrons. Il est temps, aujourd’hui, que « nos » dirigeants soient balayés par la tempête qu’ils annoncent.

Ce système aboutit à la misère de deux ou trois milliards d’êtres humains, selon les statistiques des organismes officiels eux-mêmes ; 963 millions de personnes étaient sous-alimentées en 2008, soit 120 millions de plus que trois ans auparavant. Cette misère est liée au système économique bien sûr, aux transnationales sans aucun doute. Elle a des conséquences non seulement sociales et individuelles, mais aussi culturelles, écologiques – par exemple,
c’est bien la misère des paysans du Nordeste qui les pousse à participer à la dévastation de l’Amazonie –, et ainsi de suite. Dans le même temps, les alternatives semblent incertaines, ou peu crédibles. La fin et surtout le refus de la croissance sont encore loin d’être acceptés dans la pensée politique ici, pour ne rien dire des États-Unis ou de la Chine. Quant aux réformes profondes, qui prônent une redistribution totale des cartes sur un mode humaniste radical, elles semblent à beaucoup d’entre nous irréalistes.

Pourtant, il n’y a rien là d’extraordinaire. Ce système nous a proposé jusqu’à maintenant d’accumuler, de vivre à fond dans l’avoir. Et il a acheté notre complicité, alors que des êtres humains n’avaient même pas la possibilité de vivre décemment. Cette misère s’étend à tout être vivant. La terreur d’État, l’asservissement industriel, l’abêtissement capitaliste et la misère sociale nous frappent tous et toutes. Insidieusement et continuellement, ces forces néfastes séparent notre être intime. Une partie de nous se voit subrepticement contrainte à être le bourreau de notre autre moi, celui qui rêve, sait et veut que ce monde ne soit pas celui-là. Combien d’entre les citoyens tentent difficilement de défaire la nuit ou pendant leur maigre temps libre ce dont ils ont été complices chaque jour travaillé ?

Ce mépris dans lequel nous tient le système est essentiel, comme est fondamentale la négation de nos envies authentiques au profit d’un seul désir : consommer. Or, avec le krach, possible ou probable voire proche, de l’économie, il s’agit maintenant d’être, et de nous passer de ces avoirs frelatés. Car le système, dans les mois qui viennent, va se montrer de plus en plus incapable de satisfaire nos simples besoins, même de produits empoisonnés.

Au moment où la perspective de l’implosion du système capitaliste devient enfin plausible, dans la mesure où la consommation qui semble la condition de son maintien, est en train de chuter, il s’agit d’accompagner son effondrement et de s’organiser en « communes » qui privilégient l’être à l’avoir (parce qu’il n’y a plus rien à attendre de l’État, comme le montre l’analyse des démocratures sud-américaines qui suit) et offrent la possibilité à chacun d’entre nous d’accéder librement (en limitant dans la mesure du possible les échanges d’argent) à la nourriture, à un logement, à l’éducation, et à une activité choisie.

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