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A bas les bourses
la crise, suite
Article mis en ligne le 17 avril 2009
dernière modification le 12 janvier 2009

A bas les bourses…financières

Malgré les injections massives de capitaux étatiques pour sortir de la crise financière (360 milliards d’euros en France, 1700 en Europe des 27, 2 000 milliards de dollars aux USA en un an), la bourse des valeurs financières (actions, FCP, Sicav, etc.) continue de s’effondrer. Mais il ne faut pas confondre effondrement des bourses et crise du crédit. En fait, il ya trois crises simultanées : du crédit, de l’économie et de la bourse. Cette dernière, avec laquelle on affole le bon peuple à coup d’annonces permanentes et spectaculaires sur la baisse des bourses et du CAC 40, est de loin la moins grave. En fait, elle remet les pendules à l’heure car les titres étaient largement surévalués à cause de la spéculation financière et immobilière.

La 1ère est de type économique : la récession, voire la dépression menace ; les seuls problèmes sont, non pas son arrivée déjà entamée, mais son degré de gravité et sa durée. Les bourses la redoutent et l’anticipent ; en effet la récession économique est synonyme de moindres profits pour les entreprises. Or la valeur boursière des actions d’une entreprise cotée dépend de la spéculation à court terme, mais aussi et surtout de son rendement. Ce dernier dépend des dividendes distribués et des distributions d’actions gratuites aux actionnaires. Les dividendes sont mal partis sauf si, ce qui a été autorisé par les pouvoirs publics, l’entreprise rachète ses propres titres pour les éliminer, ce qui répartit le même dividende global sur moins d’actions, donc l’augmente par action. Ces largesses, visant à faire grimper le cours de l’action, sont problématiques ; en effet pour racheter leurs titres les entreprises empruntaient jusqu’ici à des taux d’intérêt très bas. C’est fini par suite de la crise du crédit. C’est aussi la faiblesse des taux qui poussait aux opérations de LBO : un fonds spéculatif (genre Blackstone ou Carlyle) achetait une boîte en empruntant 80 % du montant nécessaire, faisait payer l’emprunt par l’entreprise rachetée tout en la pressurant à mort pour en extraire le maximum de plus-value (les fameux 15 % de rendement, de « return on investment » sont largement dépassés dans cette manip.) et finissait par la revendre au bout de 3 ou 4 ans.

L’économie, donc va dépérir. Pourquoi ? Le crédit devient plus cher car les banques ne se prêtent plus entre elles (crédit interbancaire). Car elles se méfient les unes des autres, car personne ne sait jusqu’à quel point chaque banque est engagée dans la crise des crédits hypothécaires survenue fin 2006 par suite de l’effondrement du marché immobilier aux USA, lié à la baisse du pouvoir d’achat et au renchérissement du taux d’intérêt. C’est pourquoi les banques centrales (BCE, FED, etc.) injectent des liquidités : elles prêtent à très court terme aux banques privées pour qu’elles puissent faire face à leurs engagements. Ces prêts sont plus coûteux que le précédent crédit interbancaire. Par ailleurs, si les banques centrales ont momentanément abaissé leur taux directeur (taux auquel les banques se prêtent entre elles), cela ne saurait durer. Le taux directeur commande tous les autres, notamment celui des obligations d’Etat largement achetées par l’étranger. La Chine dispose de plus de 1000 milliards de dollars investis en bons du trésor américain. Vu les risques qui pèsent sur le dollar et l’économie américaine, elle va demander des taux plus élevés en menaçant de ne plus en acheter. Ce qui serait très ennuyeux pour les USA qui vivent à crédit depuis très longtemps aux crochets du reste du monde via leurs déficits budgétaires et commerciaux. La Chine (ou autres pays) ne mouftaient guère car ces déficits lui permettaient de fourguer sa camelote aux USA. Or quand le plan Paulson propose de racheter pour 700 milliards de dollars de titres pourris aux banques et aux compagnies d’assurance US, il le fait en émettant de nouvelles obligations du trésor, donc en augmentant encore plus la dette publique. De plus, les guerres d’Irak et d’Afghanistan ont fait grimper le budget militaire à 580 milliards de dollars pour 2009, ce qui accroît encore plus le déficit budgétaire. Enfin, les banques et assurances, engagées dans les subprimes, ont perdu beaucoup de capital dans leurs actifs détenus et dans leur valeur boursière propre (la valeur boursière de leurs propres titres : moins 50 % pour le Crédit agricole, par exemple). Du coup, leurs réserves obligatoires (actifs garantissant les dépôts et le volume des prêts) ont fondu et elles ne peuvent plus prêter comme avant. C’est ainsi la crise du crédit qui est en place malgré les injections étatiques.

Les pays qui ont de l’argent (Chine, Emirats pétroliers) à ne pas savoir qu’en faire (marché des pétro et eurodollars) commencent à se dire que leurs placements risquent de ne plus valoir grand chose. Ils vont préférer investir chez eux comme le fait Dubaï et comme devraient le faire la Chine pour satisfaire sa consommation intérieure pour laquelle elle a 900 millions de personnes dans le besoin. Conclusion, déjà pour ces raisons, le crédit va être restreint, d’où l’arrivée de la crise économique. IL Y aura moins d’achats de logements ou de biens durables, moins de financement des entreprises, donc d’investissement, les banques étant devenues plus méfiantes et manquant de liquidités gratuites. En effet, les comptes courants non rémunérés et disponibles ont été ratiboisés au profit de comptes d’épargnes sûrs et rémunérés ; les gens placés devant l’incertitude du lendemain poussent leur épargne et abaissent leur consommation. Les heureux titulaires d’assurances-vie en actions (et non en euros, c’est-à-dire en obligations) ont déjà perdu 40 % de leur épargne ; les bénéficiaires de retraites par capitalisation n’ont plus que les yeux pour pleurer ; les fonds de pension sont obligés de vendre leurs titres pour pouvoir honorer leurs engagements de retraite, ce qui accélère la baisse de la bourse, ce qui les oblige à vendre encore plus d’actions et ainsi de suite !

Les retraités par capitalisation (rôle que joue l’assurance-vie en France) sont forcés de se restreindre et les futurs retraités de surinvestir pour sauver leur future pension. A propos, rappelez-moi qui en France pousse aux assurances-vie individuelles, aux compléments de retraite par capitalisation et au crédit hypothécaire revolving ? C’est Tsarkovitch 1er qui, maintenant, tient un discours anticapitaliste !

En effet, la demande solvable va être victime de l’accroissement du chômage enclenché par ces processus, d’où un cercle vicieux lié en même temps à la baisse du pouvoir d’achat vu que les entreprises pour survivre vont serrer encore plus les boulons en diminuant les salaires, les heures supplémentaires, l’intérim et les CDD. Etc. C’est tout un monde favorable à la finance qui menace de s’écrouler à cause de la raréfaction du crédit, laquelle est contrecarrée par les mesures actuelles des gouvernements en faveur des banques et des industries. C’est avant tout celui du règne des banques et du crédit. En Occident, le crédit a pris une ampleur démesurée afin de développer la consommation en vue des profits de l’industrie et aussi de l’intérêt que les banques ont à en délivrer. Car elles en vivent grassement. Voyons comment et pourquoi les banques ont intérêt à pousser le crédit au maximum au point d’avoir conduit à la crise des prêts hypothécaires aux USA (on prêtait à des gens incapables de rembourser sans s’assurer de leur capacité à honorer leur emprunt) et au surendettement en France.

Il faut savoir que les banques prêtent 98 % de la masse monétaire en circulation ; celle-ci est constituée de la monnaie fiduciaire (pièces et billets) dont les banques centrales ont le monopole d’émission et de la monnaie scripturale : chèques et titres de créances ou dettes. Les banques privées ne sont tenues qu’à détenir (réserve obligatoire) 2 % de la totalité des deux types de monnaie, sinon elles doivent acheter de la monnaie fiduciaire aux autres banques ou, en dernière instance, à la banque centrale. La dette, représentée par le crédit (billets à ordre, lettres de change, hypothèques, créances en tout genre), représente donc 98 % de la monnaie en circulation. Ce qui est déjà une simplification car il y a en outre toutes les assurances, dont les fameux produits dérivés. Vous prenez une option d’achat à terme sur n’importe quoi, donc y compris les denrées alimentaires ou les actions. Il y a un risque soit de baisse si vous spéculez à la hausse, soit de hausse si vous le faites à la baisse ; alors vous vous assurez pour couvrir le risque et, ô merveille, ces assurances sont vendables (produits dérivés). S’il y a perte, le produit ainsi dérivé ne vaut rien du tout ; mais l’achat lui-même du produit ou de l’action a toujours sa valeur en bourse, même si elle est diminuée. Actuellement, les produits dérivés qui n’ont qu’une valeur fictive et spéculative représentent 100 fois le PIB de 55 000 milliards de dollars de la planète ! Ca ne peut que s’effondrer.

Revenons à la dette scripturale de crédit. Notons déjà que, au rebours de la croyance populaire savamment entretenue par les financiers, ce ne sont pas les dépôts qui créent le crédit, mais le crédit qui donne lieu à des dépôts pour l’essentiel, les 98 % de monnaie de crédit scriptural. Exemple : vous avez un prêt de 10 000, vous achetez une voiture, le garagiste place ces 10 000 dans sa banque come dépôt, le banquier du garagiste va en prêter à son tour 98 %, et ainsi de suite…le crédit a donc un effet multiplicateur indéfini. D’où une précaution supplémentaire exigée des banques : avoir comme fonds propres 8,5 % de ses encours de crédit ou engagements (en Europe, aux USA on est moins vétilleux). Les crédits font l’objet d’intérêts perçus par les banques, ce qui est aussi une création monétaire. Les banques (ou autres) ont le plus grand avantage à délivrer du crédit pour maximiser les intérêts perçus. D’où la profusion de cartes de crédit revolving à 20 % et le laxisme antérieur du crédit, surtout aux USA et en Grande-Bretagne et autres pays anglo-saxons. Or, le crédit n’a comme valeur que la garantie de son remboursement, d’où les précautions que prennent les banques normalement pour se protéger des risques de défaillance. On a donc inventé un système où la dette garantit le crédit et vice versa ! Sauf aux USA qui ont la possibilité de faire tourner la palcnche à billets en venadnat leurs emprunts du tésor à la Chine, à l’Inde, au Japon. Jusqu’à quand ?…

On a donc la curieuse situation, installée par les gouvernements au profit des banques, que la seule garantie de la monnaie la plus répandue est de la dette (synonyme de crédit), pas forcément remboursable ! C’est ce qui s’est passé avec les subprimes pour prolos insolvables et qui maintenant s’étend aux classes moyennes ruinées par la baisse de valeur de leur logement et de leurs placements de retraite. Et cela va s’accélérer car les fonds spéculatifs (hedge funds) ou d’investissement en LBO (private equities) sont obligés de vendre de plus en plus de titres dévalués pour faire face à leurs engagements et dettes. D’où une accélération de la baisse des bourses.

Il y a pire. Depuis 1973 (sous Pompidou, ex-banquier chez Rotschild, et Fiscard Destin, l’inventeur d’un emprunt-or qui a coûté au Trésor dix fois sa valeur) en France, par suite d’un décret, la banque centrale ne fait plus d’avances au Trésor. Or ces prêts étaient gratuits pour l’Etat pour la bonne raison que la banque centrale était alors sa propre banque particulière et qu’une banque ne se fait pas payer d’intérêts par elle-même pour les prêts qu’elle se consent. Du reste, elle ne saurait se prêter à elle-même et avoir ainsi une dette. Ce qui veut dire aussi qu’avec ces avances, l’Etat ne souscrivait pas à une dette. Alors, la fameuse et actuelle dette publique de 1167 milliards d’euros (en 2007) n’existerait pas ni les 45 milliards de service de la dette, équivalents au montant de l’IRPP. L’envers de la médaille est que cette solution crée le risque que les gouvernants fassent tourner la planche à billets (inflation et dévaluation), ce qui ruine les rentiers mais facilite les exportations et avantage les débiteurs. En 1973, on a donc délibérément, en secret et sans débat au parlement, choisi les rentiers et le capital contre les emprunteurs et les contribuables. Et depuis la banque centrale est en outre devenue indépendante ! Du coup, l’Etat est obligé d’emprunter aux banques privées ou émet des obligations pour financer ses déficits budgétaires.

Depuis 1981, l’Etat ne cesse de les accroître. Pourquoi ? Déjà c’est un privilège accordé aux riches qui souscrivent aux emprunts d’Etat, les intérêts étant payés par les pauvres contribuables. Ensuite, augmenter le déficit et la dette publique est un moyen commode ensuite pour hurler à la « faillite » de l’Etat (Dixit Fillon). Le discours de l’impécuniosité du pays, discours décliniste très en vogue et tenu notamment par Pébereau, banquier de son état, lors de son rapport de circonstance sur la dette publique est une magnifique prophétie auto-réalisatrice. Elle permet de vendre les actifs de l’Etat (entreprises publiques, participations, immeubles, etc.), qui ne sont du reste jamais pris en compte pour établir la dette nette, passif moins actif, comme le fait toute entreprise. Il a été calculé que le petit français naît en fait avec 11 000 euros de crédit à son actif et non 22 000 de dette comme chez le salopard Pébereau. Voilà un cas où la logique des entreprises, pourtant admirée et prônée par les libéraux, n’est pas imitée par les gouvernements, de gauche ou de droite ! Elle autorise aussi de supprimer les investissements et les services publics pour forcer les gens à se tourner vers les fournitures privées (écoles privées, assurances individuelles, retraites par capitalisation, etc.). Alors, la ruine de l’Etat se réalise encore plus, ce qui vérifie la prophétie : l’Etat est impuissant et sans ressources, donc il faut privatiser, charger les collectivités locales et les mutuelles de santé, etc.

Rappelons que les intérêts sont eux aussi une dette et une monnaie scripturale ; au service des riches. Alors nous sommes dans un conteste où l’essentiel de la monnaie en circulation repose sur un chouïa de monnaie fiduciaire, laquelle n’a plus aucune valeur réelle puisqu’elle n’est plus fondée sur rien depuis 1971 (abandon par Nixon de la convertibilité du dollar en or et, en 1973, monnaies flottantes entre elles sans référence à des garanties physiques). La monnaie est donc devenue imaginaire. Il n’est donc pas étonnant que le capitalisme financier l’ait transformée en gigantesque instrument de spéculation à son profit. Ce casino ne pouvait durer perpétuellement et la crise n’est une surprise que pour les gogos. C’est sans doute pourquoi les connaisseurs du système ont activé le processus : il fallait faire le maximum de fric (stock options, super-rémunérations, parachutes dorés, grosses commissions, etc.) avant qu’il ne s’écroule, quitte à précipiter la catastrophe prévisible. A l’aune de la raison fondamentale de la triple crise actuelle, chacun peut constater que les remèdes gouvernementaux ne touchent pas au processus et au système capitalistes consistant à faire de l’argent avec du vent. Rendez-vous à la prochaine crise après celle-ci et celles de 1987 (des caisses d’épargne aux USA), de 1997 (asiatique), de 2000 (internet).