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Correspondance particulière
Où est la frontière entre les taxes d’Etat et l’intervention personnelle de la police au Vietnam ?
Article mis en ligne le 29 janvier 2009
dernière modification le 30 décembre 2008

Il est souvent question de la corruption dans les pays pauvres d’Asie ou d’Afrique, dans les medias occidentaux, mais le plus souvent on a du mal à comprendre comment elle se concrétise sans la vie quotidienne des gens vivant dans ces pays.

Voyageant curieuse de la vie des gens plutôt que des paysages, j’observe, questionne, essaye de comprendre et il est vrai que j’ai plus de temps que le touriste qui comme les Japonais visitent l’Europe en 10 jours ou l’Occidental l’Asie de même.

Durant mon voyage effectue en 2007 au Vietnam j’ai eu la chance de croiser des Vietnamiens parlant français, de plus ils étaient avides de faire connaître certains aspects de leur vie quotidienne. Ne voulant pas les mettre en risque je ne citerai aucune ville.

Je visite un couvent construit par les Français durant les années 1930. La vivent depuis toujours de vieilles soeurs françaises et de plus jeunes Vietnamiennes. C’est avec la responsable que l’entretien devient plus confidentiel. Elle nous explique que le couvent possédait 2 hectares de terre ou elles élevaient des poules, des cochons, des chèvres et faisaient un grand potager agrémenté d’arbres fruitiers et de fleurs en abondance. Le périmètre restant représente quelques ares, même les poules sont à l’étroit. Un responsable du parti de la commune ou du district a envie de se faire construire une maison il prend du terrain, un autre veut agrandir sa propriété il prend aussi.

En Chine le phénomène est identique. Pas de propriété privée sous régime communiste. Un responsable veut construire une usine et se faire un maximum de pots de vin, il prend la terre que Mao Tze Dong a distribue collectivement aux paysans, et ceux-ci vont grossir les sans emplois ni logis aux portes des villes, ils se font employer a la journée pour 2 euros et fabriquent tous nos biens de consommation si économique. Ils sont environ 200/250 millions dans ce cas.

Ailleurs un boutiquier me dit “bonjour”, heureusement surprise je lui demande si je peux lui poser quelques questions sur la vie au Vietnam. On s’assoit. Il m’expliquera que le chômage est endémique et que la police est corrompue.

Cette année les circonstances et les contacts me feront pénétrer dans la réalité quotidienne des relations de la police avec les habitants.
A l’occasion d’un vol perpétré sur mon argent et mon appareil photo dans ma chambre durant mon sommeil, j’ai eu à voir la réaction des habitants. La grande majorité me disait de ne pas aller voir la police. La raison invoquée était : ils vont vous demander de l’argent. J’en voyais d’autres avoir peur. Une autre me dit qu’il est normal d’avoir peur de la police, certes ; elle m’énuméra aussi les métiers intéressants ici : médecins qui demandent de l’argent avant toute consultation même en urgence, police, enseignants qui demandent de l’argent à leurs élèves (en plus de l’école payante), traducteurs pour touristes qui attentent des pourboires, informaticiens je ne sais pourquoi, mais elle ne me cita pas ingénieur, chimiste, architecte ou autre.

Quand on est Vietnamien et qu’on a été victime d’un vol ou d’une agression, les solutions sont :
1. Vous connaissez un flic honnête
2. Vous n’en connaissez pas et avez de l’argent pas de problème non plus
3. Vous ne remplissez aucune des conditions précédentes : vous ne portez pas plainte

Au bout d’une semaine j’allais à la police. Il n’est pas demandé d’argent aux étrangers.
Par contre ma plainte peut avoir une suite pour le propriétaire du lieu du vol : visites constantes de flics avec menaces si non versement de fric par exemple, en plus de l’enquête. Mais je ne sais où est la frontière entre les fantasmes d’une population sans instruction et la réalité ; sont-ce des taxes d’état ou autres ?

Des gens doivent verser mensuellement de l’argent aux flics, ne sont-ils pas percepteurs ? En Sicile c’est une mafia, au Vietnam la mafia serait la police.
Vous êtes mal garé, vous faites une infraction ? Il vous suffit de verser un peu de fric pour qu’il n’y ait pas plus d’ennuis pour vous.
Vous avez un café et mettez des tables et des chaises sur le trottoir ? Un flic passant par là trouve ces meubles à sont goût ? Il les prend pour chez lui, ou alors ils ne lui plaisent pas ou n’en n’a pas besoin il vous taxe, en France aussi on doit payer l’Etat pour les mètres carres en terrasse, mais là je crains que ce soit une taxe personnelle.

Les Vietnamiens peu instruits (l’école est payante) ne connaissent pas du tout la loi, si bien que les flics peuvent inventer toutes sortes de lois interdictrices à leur gré pour vous menacer et toucher, comment savoir ou est la frontière entre les lois réelles du pays et les taxes “personnalisées” ?

Sur la prostitution, penchant masculin de toute éternité, elle est interdite au Vietnam comme en Thaïlande, la différence est qu’en Thaïlande elle se voit partout dans les rues, pas au Vietnam ou elle se fait plus discrète. En tant qu’homme vous êtes abordé souvent pour passer du « bon temps ». Dans certains bars vous pouvez trouver chaussure à votre pied, tout en côtoyant des policiers qui font de même, et donc ne sévissent pas, au contraire. Pataya (Thailande) fut la base de repos des conscrits Etasuniens durant la guerre du Vietnam, évidemment au Vietnam elle était partout au Sud jusqu’en 1975. Reste que les Eurasiens ont du mal à s’intégrer, ils sont mal perçus par les habitants pure souche.

Ayant donc un pouvoir de savoir sur la population, celle-ci a du mal à savoir où se situe la frontière entre les taxes d’Etat et les taxes “personnelles” si bien que pour l’étranger qui veut comprendre – et qui n’a pas potassé les lois vietnamiennes - c’est tout aussi difficile. Dasn l’enquête suite a mon vol, le propriétaire va-t-il savoir lui-même ce qui vient de l’Etat ou vient de la personnalité propre du flic ? Les confusions sont vites faites pour une population sans instruction.

Pour l’Europeen qui vit dans un pays ou l’Etat est plutôt interventionniste et redistributeur, il est difficile de comprendre un pays communiste minimaliste en matière de redistribution et par conséquent de taxation. L’Etat se contente de garder les pouvoirs de défense des frontières – armée – et de paix intérieure – police. Pas de RMI, pas d’aide ou si peu à l’enseignement, pas d’aide à la santé, etc. Il suffit donc à l’Etat de percevoir suffisamment pour l’entretien de son armée et de sa police, et il fait appel à des capitaux extérieurs pour développer l’industrie, les minerais, ou a l’initiative privée. “Enrichissez-vous” est le mot d’ordre commun à la Chine et au Vietnam.

Se rajoute au problème intérieur du Vietnam la coupure en deux du pays à partir de 1954 (accords de Genève), cette coupure, en plus, correspondait à l’histoire millénaire du pays qui se peupla à partir du nord par une ethnie venue du sud de la Chine, chassée par les Hans ; cette ethnie chassa elle-même un peuple habitant le sud : les Chams. La rancoeur est grande de part et d’autre. Le Sud reproche au Nord sa richesse et vice-versa. Le Nord contient la capitale, le gouvernement, les ambassades et a distribué à ceux du Nord quelques terres au Sud qui se sent dépossédé. Le Nord reproche au Sud sa collaboration avec les Nord-Américains qui induit forcement un enrichissement.

Le Vietnam et la Chine ayant un régime politique identique, un passé millénaire commun, des religions et des philosophies (Taoisme, Confucianisme, Bouddhisme chinois) identiques, il est plus que probable que ce soit identique aussi pour la police.
Cependant le Sud-Vietnam ayant un passe de colonisation française, puis d’occupation par les Etats-Unis (1956-1975) il est fort possible que la corruption se soit institutionnalisée durant l’occupation des Nords-Americains qui avaient besoin d’infiltrer la population – a coups de pot de vin – pour s’informer sur la résistance.