par des précaires
Le Catenaire qui cachait la Forêt
Article mis en ligne le 28 novembre 2008
dernière modification le 24 novembre 2008

dimanche 23 novembre 2008
Trouvé sur Collectif-RTO

Dans ce pays, l’inflation répressive n’a d’égale que l’inflation verbale généralisée qui l’accompagne.

D’un côté dix personnes interpellées après que plusieurs sabotages de caténaires aient eu lieu, et selon plusieurs méthodes différentes. Les sabotages en question ont occasionné quelques heures de retard, ont été réparés en moins de vingt quatre heures, c’est-à-dire à peu près autant de dégâts que lorsqu’une vache s’avise de traverser la voie.

Mais au grand regret des médias et du Ministère de l’Intérieur, la théorie d’un complot terroriste bovin paraît encore un peu saugrenue, même pour le Figaro.

Tant mieux pour les vaches, tant pis pour les habitants de ce pays qu’on peut désormais perquisitionner et placer en garde vue quatre jours de suite, puis emprisonner en préventive sur la base d’une « mauvaise réputation », de quelques bouquins écrits ou possédés, et de rumeurs de « preuves ».

Inflation verbale sur les faits, le sabotage devient du terrorisme. Il est vrai que les retards de train occasionnés par les grèves font déjà des millions d’ « otages », contrairement aux accidents causés par le mauvais état des trains et du réseau, qui ne font que des « victimes » au temps de parole plus limité, quand elles ont la chance de s’en sortir vivantes.

Ainsi, le sabotage de plusieurs catenaires par un Invisible particulièrement efficace, en l’ocurrence le Vent, ne donnera lieu qu’à une couverture modérée, et "étrangement" les dépêches des principales agences de presse sur ce sujet ne feront aucun lien entre ces catenaires là, bousillés essentiellement à cause de la vétusté des installations et ceux qui ont fait la une dix jours plus tôt, et dont la mise hors d’état de fonctionner a été érigée au rang de drame national.

Inflation verbale sur les auteurs supposés.

A droite, mais aussi et surtout à gauche, peu de « démocrates » pour crier à l’iniquité des procédures terroristes applicables à tout et n’importe quoi. Trop occupés à faire concurrence de qualificatifs criminalisants avec le Ministère de l’Intérieur. « Terrorisme » pour Sud Rail, « provocation » pour la LCR. …

Inflation verbale, aussi sur la précision de l’enquête. Précision telle, que vingt personnes ont été arrêtées et que la moitié a été libérée quelques heures après. Vingt quatre heures après le début de la garde à vue, le parquet annonce qu’il n’y pas de preuves et dément certaines informations sur les indices concordants. Finalement, les cinq qui restent en prison ne le sont que sur la base d’une infraction d’intention l’ « association de malfaiteurs » , qui donne à la police le pouvoir non seulement de réprimer, mais aussi celui de créer l’objet répressif quand il fait défaut : en l’occurrence , décréter l’existence d’une organisation sur la base d’idées communes publiquement affirmées, de liens entre individus , peu importe le sens que ceux-ci lui donnent.

Bref, après cent pages de dépêches, d’articles, d’entretiens avec des experts es ultra gauche et anarchisme, la conclusion s’impose : on vient d’emprisonner cinq personnes sur la base de pas grand-chose.

Et qu’elles soient ou non les auteurs des fameux faits, la solidarité de tous ceux qui se revendiquent acteurs des luttes sociales devrait leur être acquise tout naturellement. Parce que ces personnes se définissent comme des acteurs et actrices des luttes en cours, et dans la mesure où les sabotages effectués n’ont causé , quels qu’en soient les auteurs, aucun dommage à d’innocentes victimes et sont du même ordre que les pratiques de lutte, non seulement des salari(é)es des transports mais aussi du mouvement de classe européen dans son ensemble, voire en deçà.

Christian Mahieu de Sud Rail a cru bon de mettre en garde « ceux qui frisent la diffamation (bigre !) en voulant confondre terrorisme et action syndicale ». En tout cas, avec de telles déclarations, personne ne risque plus de confondre l’action syndicale telle que la conçoit SUD Rail et la réalité de la résistance massive dans ce secteur et au-delà.

Le 12 novembre, jour de cette fracassante déclaration , en Italie, les salari(é)es d’Alitalia ont déclenché une grève surprise qui a paralysé le transport aérien plusieurs jours de suite. La grève était illégale, et les conséquences en terme de répression judiciaire et sociale suivront. En attendant ce type de grèves fait mal au portefeuille, très mal, si elle vient à se répéter, là il ne s’agit plus de quelques trains en retard..

En Bourgogne, plusieurs conducteurs ont fait face cet été à des sanctions de leur direction, pour avoir refusé de démarrer sans la présence d’un deuxième salarié dans les TER. Pratique illégale, là aussi, mais au lieu de brailler à la catastrophe pour les « clients », les syndicalistes ont paralysé le réseau tout le week end du 15 aôut.

A l’examen des conflits de ces dernières années, on comprend mieux les déclarations de Pépy, le directeur de la SNCF, sur son soulagement que les arrêtés ne soient pas des cheminots.

Soulagement qui risque d’être bien précaire, dans le camp d’en face : de fait, un double mouvement s’est à nouveau propagé ces dernières années, mu dans les deux cas par la conscience intuitive que la circulation ou le blocage des flux de marchandises et de personnes nécessaires à la bonne marche des profits est un enjeu central pour la réussite des luttes. En mettant en scène une « mouvance » isolée, en faisant tout un cinéma de quelques dégradations parmi d’autres, on tente de dissimuler les coups portés de manière extrêmement massive à cette libre circulation

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